Pour leur première édition, les First Print Awards ont brillamment mis à l’honneur le meilleur de la bande dessinée américaine contemporaine lors d’une cérémonie qui s’est tenue vendredi 6 décembre à Paris. Ce nouveau prix, initié par le podcast First Print, a pour ambition de faire découvrir au public français toute la richesse et la diversité des comics d’aujourd’hui, bien au-delà des traditionnels super-héros.
Un palmarès éclectique et audacieux
Parmi les lauréats de cette première édition, on retrouve des titres et des auteurs emblématiques de la vitalité de la scène indépendante américaine :
- Grand prix First Print : The Shaolin Cowboy, tome 4 de Geof Darrow (Futuropolis)
- Prix des libraires : Au-dedans de Will McPhail (404 Graphic)
- Prix du public : It’s Lonely at the Centre of the Earth de Zoe Thorogood (HiComics)
- Meilleur one-shot de super-héros : The Riddler – Année un de Paul Dano et Stevan Subic (Urban Comics)
- Meilleure série de super-héros : Wonder Woman – Horsa-la-loi, tome 1, de Tom King et Daniel Sampere (Urban Comics)
Si les éditeurs français bien établis comme Urban Comics, Glénat et Futuropolis sont représentés, on note également la présence de maisons plus confidentielles mais tout aussi précieuses comme Bliss, HiComics et Komics Initiative, saluées pour leur travail de défrichage et de traduction des pépites venues d’outre-Atlantique.
Au-delà des stéréotypes sur les comics
En récompensant des œuvres aussi singulières que The Shaolin Cowboy, délire post-apocalyptique hyperviolent signé Geof Darrow, ou It’s Lonely at the Centre of the Earth, récit autobiographique introspectif de Zoe Thorogood, le jury des First Print Awards bouscule les idées reçues. Non, les comics ne se résument pas aux aventures de Superman ou Spider-Man !
Nous voulons montrer qu’il existe une bande dessinée américaine différente, audacieuse, inclassable. Des œuvres qui méritent toute leur place dans les librairies et bibliothèques des amateurs de BD exigeants.
Arnaud Tomasini, co-fondateur du podcast First Print
Graphiquement et narrativement, les comics actuels n’ont en effet rien à envier aux productions européennes ou asiatiques. Romans graphiques intimistes, fresques historiques, reportages, satire sociale… Tous les genres sont explorés par des auteurs talentueux, servis par des éditeurs passionnés.
Quand le 9e art américain s’exporte en France
Malgré une diffusion encore confidentielle comparée aux mangas ou aux BD franco-belges, les comics gagnent du terrain dans l’Hexagone. Selon une étude récente, les ventes de comics représenteraient aujourd’hui environ 5% du marché de la bande dessinée en France, en progression constante.
Un succès qui doit beaucoup au travail des éditeurs français spécialisés comme Urban Comics (filiale de Dargaud), mais aussi de nombreuses maisons indépendantes qui misent sur des choix éditoriaux audacieux :
- Bliss Éditions : label des éditions Delcourt dédié aux comics d’auteur et indépendants
- HiComics : jeune maison créée par des passionnés de comics et de manga
- Komics Initiative : éditeur engagé dans la défense des minorités et de la diversité
- Futuropolis : haut lieu de la bande dessinée d’auteur qui s’ouvre aux comics
Autant d’éditeurs qui permettent aux lecteurs français de découvrir tout un pan méconnu de la création américaine et d’enrichir leur panorama de la bande dessinée mondiale. Car comme le rappelle Olivier Corentin Mouchon de First Print :
Au même titre que les mangas ou les BD européennes, les comics font partie intégrante du 9e art. Ils ont leur propre histoire, leurs codes, leur langage. C’est cet héritage que nous voulons faire découvrir et célébrer.
Quand Hollywood s’inspire des comics
Si les lecteurs français commencent à peine à explorer les comics en dehors des sentiers battus des super-héros, Hollywood, lui, puise allègrement son inspiration dans ce vivier créatif depuis des années. Des films comme Ghost World, American Splendor ou plus récemment The Old Guard ont prouvé que les comics indépendants avaient toute leur place sur grand écran.
Une tendance qui devrait encore s’accentuer dans les années à venir, les studios étant toujours à la recherche d’histoires originales à adapter. Les comics offrent un formidable terrain de jeu, avec des univers riches et des personnages complexes qui se prêtent à des projets aussi passionnants qu’inattendus.
On sent qu’Hollywood commence à regarder au-delà des licences Marvel et DC. Il y a une vraie curiosité pour ce qui se fait dans les comics indés, qu’ils soient intimistes, déjantés ou engagés.
une source proche de l’industrie du cinéma
Plaidoyer pour les comics d’auteur
En attendant de voir ces pépites adaptées sur nos écrans, le meilleur moyen de les découvrir reste encore de pousser la porte des librairies spécialisées et de se laisser guider par des libraires passionnés. C’est tout le sens de la démarche des First Print Awards, qui veulent jeter des ponts entre les lecteurs et cette bande dessinée venue d’ailleurs.
Avec son palmarès éclectique, cette première édition prouve en tout cas que les comics sont bien vivants et regorgent de talents à découvrir absolument. Loin des poncifs et des situations où tout se résoud à coups de poings vengeurs, les lauréats nous emmènent dans des récits intimes, crus, politiques ou délirants. De quoi réconcilier les aficionados de la BD avec cette Amérique plurielle, inventive et résolument moderne.