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Pakistan : La Révolution Solaire Surprend le Gouvernement

Face aux coupures et factures exorbitantes, les Pakistanais se tournent vers l'énergie solaire. Une révolution qui défie le gouvernement... Comment vont-ils réagir ?

Dans les ruelles animées de Karachi, où la chaleur écrasante dépasse souvent les 40°C, un vent de changement souffle sur les toits. Les panneaux solaires, autrefois réservés aux élites, se multiplient à une vitesse fulgurante, transformant le paysage énergétique du Pakistan. Face à des coupures de courant interminables et des factures d’électricité qui rivalisent avec le coût d’un loyer, les habitants, des plus modestes aux entrepreneurs, font un choix audacieux : se tourner vers l’énergie solaire. Ce mouvement, loin d’être orchestré par les autorités, révèle une frustration collective et une quête d’autonomie énergétique qui prennent le gouvernement de court.

Une Révolution Solaire Portée par les Citoyens

Le Pakistan, avec ses 255 millions d’habitants, traverse une crise énergétique sans précédent. Les pannes électriques, parfois longues de 18 heures, paralysent le quotidien. Les factures, quant à elles, ont explosé, augmentant jusqu’à 155 % en trois ans sous la pression de la hausse mondiale des prix de l’énergie et des exigences du Fonds monétaire international (FMI) pour réduire les subventions. Dans ce contexte, l’énergie solaire n’est plus un luxe, mais une nécessité. En 2020, elle représentait moins de 2 % du mix énergétique national. En 2024, ce chiffre atteignait 10,3 %, et en seulement cinq mois en 2025, il a bondi à 24 %, surpassant le gaz, le charbon, le nucléaire et même l’hydroélectricité, pourtant soutenue par des investissements massifs.

Ce n’est pas une impulsion gouvernementale qui a déclenché cette transition énergétique. Comme l’explique Mohammed Bassit Ghauri, expert en énergie renouvelable :

« Les habitants ont fait ce choix par frustration face à un système énergétique inefficace. »

Mohammed Bassit Ghauri, expert en transition énergétique

Dans les quartiers populaires, où chaque roupie compte, des familles comme celle de Farida Salim, une veuve de Karachi, font des sacrifices pour s’équiper. Après avoir vendu ses bijoux et emprunté de l’argent, elle a investi 180 000 roupies (environ 540 euros) dans deux panneaux solaires, un onduleur et une batterie. Depuis, elle vit déconnectée du réseau, libérée des pannes et des factures imprévisibles. Son ventilateur, qui tourne sans interruption, attire même les voisins en quête de fraîcheur.

Un Boom Solaire Dopé par la Chine

Le Pakistan s’approvisionne massivement en équipements solaires auprès de la Chine, où la surproduction et la concurrence ont fait chuter les prix. Le pays est aujourd’hui le troisième importateur mondial de panneaux solaires. Cette accessibilité a démocratisé l’énergie renouvelable, permettant même aux foyers modestes de s’équiper. Dave Jones, analyste chez Ember, souligne :

« Le Pakistan est un chef de file dans l’énergie solaire sur toit. »

Dave Jones, analyste en chef chez Ember

Ce boom n’est pas sans conséquences. Les toits solaires, en réduisant la dépendance au réseau national, bouleversent un système énergétique déjà fragile. Le gouvernement, confronté à un déficit de 8 milliards de dollars dans le secteur, voit ses revenus diminuer alors qu’il est lié par des contrats avec des fournisseurs privés, souvent chinois, qui exigent des paiements fixes, quelle que soit la demande.

Les Défis d’un Système Énergétique en Crise

Le gouvernement pakistanais se trouve dans une position délicate. D’un côté, l’essor du solaire contribue à l’objectif ambitieux de 60 % d’énergie renouvelable d’ici 2030. De l’autre, il aggrave les tensions financières. Un rapport récent alertait sur le « fardeau financier disproportionné » imposé aux consommateurs restés connectés au réseau, car la baisse de la demande fait grimper les coûts unitaires de l’électricité. Pour contrer cette dynamique, Islamabad a imposé une taxe de 10 % sur l’importation de panneaux solaires et envisage de réduire le tarif de rachat de l’électricité produite par les particuliers.

Les chiffres clés de la révolution solaire

  • 2020 : L’énergie solaire représente 2 % du mix énergétique.
  • 2024 : 10,3 % du mix énergétique, une croissance fulgurante.
  • 2025 (5 premiers mois) : 24 %, première source d’électricité.
  • Objectif 2030 : 60 % d’énergie renouvelable.

Ces mesures suscitent l’inquiétude des petits entrepreneurs comme Hammad Nour, fabricant de tenues de sécurité à Sialkot. En 2023, il a investi dans le solaire, économisant près de 3 000 euros par mois. Mais une nouvelle taxe sur les installations solaires a fait grimper ses coûts de 4 500 euros pour sa deuxième usine. « C’est injuste, cela favorise les grandes entreprises au détriment des petites », déplore-t-il.

Une Société en Quête d’Autonomie

La ruée vers le solaire reflète une aspiration profonde à l’autonomie. Pour beaucoup, comme Farida Salim, c’est une question de dignité. Déconnectée du réseau depuis un an, elle ne dépend plus d’un système qu’elle juge défaillant. Cette quête d’indépendance énergétique touche toutes les strates de la société, des foyers modestes aux industriels. Pourtant, les politiques gouvernementales semblent déconnectées de cette réalité. En taxant les panneaux solaires, les autorités risquent de freiner un mouvement qui, paradoxalement, soutient leurs objectifs environnementaux.

Le Pakistan se trouve à un carrefour. D’un côté, l’énergie solaire offre une solution concrète à la crise énergétique, réduisant la dépendance aux importations coûteuses de combustibles fossiles. De l’autre, elle expose les failles d’un système énergétique rigide, incapable de s’adapter rapidement. La question reste ouverte : le gouvernement saura-t-il accompagner cette révolution citoyenne, ou continuera-t-il à la freiner ?

Vers un Avenir Énergétique Durable ?

Le Pakistan illustre un phénomène mondial : face à des systèmes énergétiques défaillants, les citoyens prennent les devants. L’essor du solaire, bien que motivé par la nécessité, pave la voie à un avenir plus durable. Cependant, pour que cette transition réussisse, des politiques cohérentes sont nécessaires. Réduire les taxes sur les équipements solaires, encourager les investissements dans les infrastructures renouvelables et repenser les contrats avec les fournisseurs privés pourraient transformer cette crise en opportunité.

Pour l’instant, les Pakistanais continuent d’installer des panneaux solaires, défiant les obstacles financiers et politiques. Leur détermination à surmonter les coupures et les factures exorbitantes montre une résilience remarquable. Mais sans un soutien clair des autorités, cette révolution risque de rester une initiative individuelle, loin de son plein potentiel.

Pourquoi le solaire séduit-il autant ?

  • Autonomie : Fini les coupures de courant imprévisibles.
  • Économies : Réduction significative des factures d’électricité.
  • Accessibilité : Baisse des prix des équipements grâce à la Chine.
  • Environnement : Contribution à la réduction des émissions.

En attendant, des histoires comme celle de Farida Salim inspirent. Dans sa modeste maison de Karachi, elle a transformé sa vie grâce à l’énergie solaire. Son ventilateur, qui tourne sans relâche, est plus qu’un appareil : c’est le symbole d’une indépendance retrouvée. Combien d’autres suivront son exemple ? L’avenir énergétique du Pakistan dépendra de la capacité de ses dirigeants à écouter ces voix et à soutenir une transition qui, pour l’instant, repose sur les épaules des citoyens.

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