Le Sénégal s’apprête à vivre une période de profonds bouleversements. Vendredi dernier, le nouveau Premier ministre Ousmane Sonko a dévoilé un plan de rupture ambitieux pour les cinq prochaines années, promettant des réformes d’une ampleur inédite depuis l’indépendance du pays. Un programme qui vise à transformer en profondeur le modèle économique et social sénégalais.
Un virage politique majeur
L’arrivée au pouvoir de Bassirou Diomaye Faye et de son Premier ministre Ousmane Sonko marque un tournant dans la vie politique sénégalaise. Après trois années de confrontation avec le régime de l’ex-président Macky Sall, qui ont fait des dizaines de victimes selon l’opposition et des ONG, le nouveau tandem exécutif compte bien imprimer sa marque.
Première mesure forte annoncée : l’abrogation de la loi d’amnistie votée par le pouvoir sortant pour couvrir les violences politiques. Ousmane Sonko a assuré que son gouvernement proposerait rapidement un projet de loi « pour que toute la lumière soit faite et les responsabilités établies ». « Il ne s’agit pas d’une chasse aux sorcières, encore moins de vengeance (…) il s’agit de justice, pilier sans lequel aucune paix sociale ne peut être bâtie », a-t-il martelé.
Une refonte en profondeur de l’action publique
Au-delà de ces dossiers brûlants, le Premier ministre a décliné sept axes de rupture basés sur « une refonte de l’action publique et une croissance endogène ». L’objectif : sortir le Sénégal du « modèle économique colonial » dans lequel il serait resté enfermé.
Parmi les chantiers prioritaires figure une importante réforme fiscale, visant à « élargir l’assiette fiscale tout en abaissant graduellement les taux d’imposition ». Le but affiché est de « faire payer moins à tous les Sénégalais mais faire payer à tous les Sénégalais », dans une optique « d’efficacité et d’équité ». Le Sénégal compte aussi se retirer des « conventions impliquant un paradis fiscal » et renégocier les « clauses défavorables » des traités conclus avec d’autres États.
Cap sur une économie plus compétitive
Malgré une situation économique jugée « catastrophique », avec un déficit budgétaire de 10,4% du PIB et une dette publique de 76,3% du PIB, Ousmane Sonko se veut ambitieux. Il compte s’appuyer sur les futures ressources gazières et la densification du tissu industriel pour hisser le Sénégal « parmi les économies les plus compétitives d’Afrique ».
En parallèle, le gouvernement promet de s’attaquer à « la vie chère » et d’accorder la priorité à « la demande sociale » pour une « meilleure qualité de vie » des Sénégalais. Un ciblage des subventions à l’énergie sur les ménages pauvres est notamment prévu.
Des inflexions diplomatiques
Sur le plan extérieur, le Premier ministre a confirmé l’intention du président Faye de fermer les bases militaires françaises présentes sur le territoire sénégalais. Une annonce très applaudie par les députés. « Un signe fort d’émancipation », selon une source proche du pouvoir.
Autre mesure symbolique : l’application de la réciprocité pour la délivrance de visas aux ressortissants de pays qui l’exigent aux Sénégalais. Une façon de réaffirmer la souveraineté nationale.
Lutter contre l’émigration clandestine
Face aux drames répétés liés à l’émigration clandestine vers l’Europe, le gouvernement entend apporter « une solution idoine ». Au programme :
- Renforcement des contrôles et des sanctions pour endiguer l’immigration irrégulière
- Promotion d’une migration régulière en partenariat avec les pays d’accueil
- Soutien aux initiatives de retour volontaire des migrants
Valoriser les langues nationales
Enfin, dans ce pays où l’enseignement public est dispensé en français, Ousmane Sonko a promis de promouvoir le « multilinguisme ». Cela passera par « la généralisation de l’enseignement de l’anglais à l’école élémentaire et l’utilisation des langues nationales dans le système éducatif ».
Un discours très attendu
Ce discours de politique générale, initialement prévu en juin, avait été reporté à plusieurs reprises. Le Premier ministre avait notamment refusé de se présenter devant un Parlement qui lui était alors hostile. Un nouveau report était intervenu mi-septembre après la dissolution de l’Assemblée par le président Faye.
Mais les élections législatives du 17 novembre ont rebattu les cartes, offrant une large majorité au duo exécutif. De quoi leur donner les coudées franches pour mettre en œuvre leur programme de « rupture ». Reste à voir si les actes seront à la hauteur des promesses. Le chemin s’annonce long et semé d’embûches, mais le Sénégal semble déterminé à écrire une nouvelle page de son histoire.