Dans un arrêt historique, la Haute Cour ougandaise vient de condamner des autorités municipales à verser des dommages et intérêts à une vingtaine de personnes LGBT+ qui avaient été arrêtées arbitrairement et torturées en mars 2020. Cette décision, saluée par les organisations de défense des droits humains, constitue un pas important vers plus de justice pour la communauté LGBT en Ouganda, un pays où l’homosexualité reste sévèrement réprimée.
Arrestation et mauvais traitements d’un groupe soupçonné d’être homosexuel
Les faits remontent au 29 mars 2020, le jour où l’Ouganda annonçait son premier confinement face à la pandémie de Covid-19. Selon des sources proches du dossier, l’ancien maire de Kyengera, près de Kampala, avait alors mené une descente musclée, avec des policiers et des habitants, dans une maison accusée de violer les règles de distanciation sociale. Sur place, une vingtaine de jeunes hommes soupçonnés d’être gays ont été battus, insultés, attachés avec des cordes et conduits pieds nus jusqu’au poste de police, sous les huées menaçantes de passants.
Durant leur détention, ces personnes ont subi des violences et des traitements dégradants en raison de leur orientation sexuelle présumée. Une situation malheureusement courante en Ouganda, où l’homophobie reste très présente dans la loi comme dans les mentalités. Le pays a même adopté en 2014 une loi anti-homosexualité, parmi les plus répressives au monde, avant qu’elle ne soit invalidée pour vice de procédure.
Une décision judiciaire progressiste et réparatrice
Face à ces graves violations des droits humains, la Haute Cour ougandaise a finalement rendu un verdict en faveur des victimes le 17 juin dernier. Elle a en effet condamné l’ex-maire et le conseil municipal de Kyengera à payer 7,5 millions de shillings (environ 1 950 euros) de dommages et intérêts aux 20 plaignants. Un montant qui peut sembler dérisoire au regard des sévices subis, mais qui reste symboliquement fort dans ce contexte ougandais très homophobe.
Cette décision, qui reconnaît des actes de torture et des traitements inhumains, « affirme l’humanité des plaignants qui ont longtemps souffert des effets de l’indignité et de la violence », ont souligné les associations ayant soutenu cette action en justice.
« Les dirigeants locaux et les politiciens ont désormais été avertis que s’ils frappent des personnes en raison de leur orientation sexuelle et de leur identité de genre, ils devront payer de leur propre poche », s’est félicité Adrian Jjuuko, directeur de l’une de ces ONG. Un message fort, même si un précédent jugement accordant déjà une compensation aux victimes n’avait jamais été appliqué.
Des avancées encore timides pour les droits LGBT
Si cet arrêt marque une victoire importante, les associations regrettent toutefois que la Cour n’ait pas reconnu explicitement la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle à l’origine de ces violences. De même, ni l’État ni les agents pénitentiaires n’ont été tenus responsables des mauvais traitements infligés aux détenus LGBT.
Ces limites rappellent le long chemin qu’il reste à parcourir pour faire progresser les droits des personnes LGBT en Ouganda comme dans beaucoup de pays africains. L’homosexualité y reste illégale et passible de lourdes peines, tandis que la stigmatisation et les violences homophobes demeurent très répandues.
Malgré ces obstacles, les militants et les associations LGBT continuent courageusement leur combat pour plus d’égalité et de dignité. Des décisions de justice comme celle-ci, même imparfaites, leur donnent un peu d’espoir et de légitimité dans cet environnement hostile. La communauté internationale et les défenseurs des droits humains doivent rester vigilants et solidaires pour que ces avancées se poursuivent.
Car comme le rappelle Frank Mugisha, célèbre activiste ougandais : « Nous existons, nous sommes humains et nous méritons les mêmes droits que n’importe quel autre citoyen de ce pays ».