Dans les rues animées de Kampala, la capitale ougandaise, une vague d’espoir et de colère s’est levée mercredi dernier. Des centaines de jeunes, brandissant des portraits de l’opposant Bobi Wine, ont célébré la validation de sa candidature à l’élection présidentielle de janvier 2026. Mais cette ferveur s’est heurtée à la brutalité des forces de l’ordre, dans un pays où la tension politique ne cesse de croître. L’Ouganda, sous la férule de Yoweri Museveni depuis quatre décennies, se trouve à un carrefour : entre aspiration au changement et répression implacable.
Un Vent de Révolte à Kampala
La nouvelle de la validation de la candidature de Bobi Wine a enflammé les cœurs dans la capitale. Des centaines de jeunes, galvanisés par l’espoir d’un renouveau politique, se sont rassemblés sur une grande artère de Kampala. Ces manifestations, bien que pacifiques dans leur intention, ont défié les recommandations de la commission électorale, qui avait appelé à éviter tout rassemblement pour des raisons de sécurité. Mais pour les partisans de l’opposant, cet appel sonne comme une tentative de museler leur voix.
La police, fidèle au régime, n’a pas tardé à intervenir. Les forces de l’ordre ont utilisé des matraques et les crosses de leurs fusils pour disperser la foule, provoquant des scènes de chaos. Selon Lewis Lubongoya, secrétaire général de la Plateforme d’unité nationale (NUP), le parti de Bobi Wine, treize militants, dont Allan Sewanyana, un cadre influent de la jeunesse du parti, ont été arrêtés. Ces interpellations soulignent l’intensité de la répression dans un pays où exprimer son opposition devient un acte de courage.
Bobi Wine : Une Voix Contre l’Hégémonie
À 43 ans, Bobi Wine, de son vrai nom Robert Kyagulanyi, est bien plus qu’un ancien chanteur populaire. Il incarne l’espoir d’une génération lassée par le règne sans partage de Yoweri Museveni. Dans un discours enflammé, il a dénoncé un système où un seul homme et son entourage ont, selon lui, pillé les ressources de l’Ouganda pendant quarante ans. « Il est temps pour lui de céder le pouvoir », a-t-il déclaré, appelant les Ougandais à se lever contre ce qu’il qualifie de dictature.
« Nous savons que Museveni a peur des jeunes et qu’il est prêt à recourir à la force brutale pour rester au pouvoir. J’appelle tous les Ougandais à défier le dictateur. »
Bobi Wine, leader de l’opposition ougandaise
Sa popularité, portée par son passé de star de la musique et son discours direct, fait de lui une cible privilégiée du régime. Ces dernières années, Bobi Wine a été arrêté à de multiples reprises, assigné à résidence, et même menacé publiquement par Muhoozi Kainerugaba, fils de Museveni et chef de l’armée. Ce dernier, souvent vu comme l’héritier désigné, n’a pas hésité à afficher son hostilité, allant jusqu’à revendiquer la capture et la maltraitance d’un proche collaborateur de Wine.
Yoweri Museveni : Quatre Décennies de Pouvoir
À 81 ans, Yoweri Museveni dirige l’Ouganda d’une main de fer depuis 1986. Sa candidature pour 2026, validée sans surprise par la commission électorale, prolonge une présidence marquée par une longévité exceptionnelle, mais aussi par une répression croissante. Sous son régime, les opposants politiques, les militants des droits humains et les journalistes font face à une pression constante. Les arrestations arbitraires et les accusations de trahison sont devenues des outils courants pour réduire au silence ceux qui osent défier le pouvoir.
Le cas de Kizza Besigye, autre figure majeure de l’opposition, illustre cette stratégie. Enlevé au Kenya en novembre dernier, cet ancien médecin personnel de Museveni a été traduit devant une cour martiale pour des accusations de complot armé, avant que son dossier ne soit transféré à un tribunal civil. Pour les défenseurs des droits humains, ces poursuites visent à intimider les opposants à l’approche de l’élection de 2026.
Une Répression Systématique
La répression en Ouganda ne se limite pas aux leaders politiques. Les militants de base, comme les jeunes arrêtés lors des manifestations de mercredi, sont également visés. Les organisations de défense des droits humains dénoncent un climat de peur, où toute dissidence est sévèrement punie. Les accusations portées contre les opposants, souvent vagues comme celle de complot contre le gouvernement, permettent au régime de justifier des détentions prolongées et des procès iniques.
Un incident particulièrement troublant concerne Eddie Mutwe, chef de la sécurité de Bobi Wine. En mai dernier, Muhoozi Kainerugaba a revendiqué sa capture, affirmant l’avoir utilisé comme « punching-ball » dans son sous-sol. Bien que Mutwe ait été libéré par la suite, Bobi Wine a dénoncé les tortures subies par son collaborateur, accusant le régime de chercher à intimider l’opposition par la violence.
Les événements récents en Ouganda soulignent une réalité préoccupante : la liberté d’expression et le droit de manifester sont gravement menacés. Les jeunes, qui représentent une part croissante de la population, se heurtent à un mur de répression lorsqu’ils tentent de faire entendre leur voix.
Les Enjeux de l’Élection de 2026
L’élection présidentielle de 2026 s’annonce comme un moment décisif pour l’Ouganda. D’un côté, Yoweri Museveni, fort de son contrôle sur les institutions, semble déterminé à prolonger son règne. De l’autre, Bobi Wine et ses partisans incarnent un désir de changement, porté par une jeunesse de plus en plus frustrée par l’immobilisme politique et économique. Mais dans un pays où les manifestations sont réprimées et les opposants emprisonnés, la route vers une transition démocratique est semée d’embûches.
Pour mieux comprendre les dynamiques à l’œuvre, voici un résumé des principaux enjeux :
- Répression des opposants : Arrestations, accusations de trahison et violences physiques visent à décourager toute contestation.
- Poids de la jeunesse : Avec une population majoritairement jeune, l’Ouganda voit émerger une génération prête à défier le statu quo.
- Contrôle des institutions : La commission électorale et les forces de l’ordre restent sous l’influence du régime, limitant les chances d’une élection équitable.
- Rôle de l’international : Les organisations de droits humains appellent à une surveillance accrue pour garantir la transparence du scrutin.
Un Combat pour la Démocratie
Le combat de Bobi Wine et de ses partisans dépasse la simple conquête du pouvoir. Il s’agit de redonner espoir à un peuple qui, après quatre décennies sous le même dirigeant, aspire à un avenir différent. Mais face à un régime prêt à tout pour se maintenir, la question demeure : l’Ouganda peut-il emprunter la voie de la démocratie sans sombrer dans la violence ?
Les manifestations de Kampala, bien que réprimées, témoignent d’une détermination croissante. Chaque arrestation, chaque coup de matraque semble renforcer la resolve des jeunes militants, qui voient en Bobi Wine un symbole de résistance. Pourtant, le chemin vers 2026 sera long et périlleux, dans un pays où le pouvoir ne cède pas facilement.
L’Ouganda se tient à la croisée des chemins. Entre répression et aspiration au changement, l’avenir du pays reste incertain.
En attendant, les regards se tournent vers Bobi Wine et ses partisans, qui continuent de défier un régime solidement ancré. Leur courage face à l’adversité pourrait bien redéfinir le paysage politique ougandais, à condition que la communauté internationale et les citoyens restent vigilants. Car en Ouganda, chaque pas vers le changement est un acte de bravoure.