Le paysage médiatique français est en ébullition depuis l’annonce fracassante du retrait d’Ouest-France, le premier journal du pays en termes de tirage, du réseau social X. Cette décision sans précédent soulève de nombreuses questions sur l’avenir des médias traditionnels face aux géants du web.
Un départ motivé par des “conditions intenables” pour le journalisme
Selon le communiqué publié par Ouest-France, le quotidien ne peut plus cautionner un espace conversationnel qui “démolisse les gens” et où sévissent “insultes, harcèlement et menaces de mort”. Le manque de modération et de régulation sur la plateforme du milliardaire américain Elon Musk est pointé du doigt.
“On ne peut plus accepter qu’un espace conversationnel comme celui-là démolisse les gens à ce point, que des gens se fassent insulter, harceler, menacer de mort (…) par des comptes anonymes dont on ne peut lever l’anonymat.”
– François-Xavier Lefranc, président du directoire d’Ouest-France
Avec plus de 595 000 exemplaires tirés par jour, le poids lourd de la presse régionale a estimé qu’il n’était “ni judicieux ni opportun d’y être actif, tant que de sérieuses garanties ne sont pas prises face à la désinformation, au harcèlement et à la violence”. Une sortie qualifiée de “définitive” en interne, sauf retour à “un espace régulé et respectueux des personnes”.
X, le réseau qui divise sous l’ère Elon Musk
Depuis son rachat en 2022 par l’homme d’affaires, X (ex-Twitter) cristallise les critiques. L’homme le plus riche du monde, nommé à la tête d’un ministère de l'”efficacité gouvernementale” par Donald Trump, défend une vision controversée de la liberté d’expression. Son rejet de toute forme de “censure” inquiète de nombreux observateurs.
Pour Ouest-France, les “règles du jeu sont désormais biaisées” sur un réseau accusé de laisser prospérer la désinformation. Le journal a d’ailleurs engagé un procès contre la plateforme, symptomatique d’un malaise grandissant des médias traditionnels.
Les médias européens sonnent la révolte
En rejoignant le mouvement initié par des titres de renom comme The Guardian, La Vanguardia ou Dagens Nyheter, Ouest-France place la France sur la carte de la fronde anti-X. Un signal fort envoyé à l’heure où les fake news gangrènent le débat public, à l’image des centaines de bots pro-russes ayant ciblé la candidate démocrate Kamala Harris lors des dernières élections américaines.
Le fait que de grands journaux quittent X est “le symptôme de l’échec des démocraties à réguler les plateformes” internet.
– Vincent Berthier, responsable technologies de Reporters sans frontières
Le départ d’Ouest-France soulève des interrogations sur le rôle et les responsabilités des réseaux sociaux. Alors que ces derniers revendiquent des centaines de millions d’utilisateurs actifs, leur influence sur l’information suscite une défiance croissante. L’avenir dira si cette fronde des médias traditionnels suffira à infléchir les géants du web ou si elle marquera un nouveau chapitre de la crise de confiance envers ces acteurs incontournables.