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Oualata : Un Trésor du Désert en Danger

Dans le désert mauritanien, Oualata, joyau médiéval, résiste au sable et à l’oubli. Ses manuscrits centenaires et ses maisons en banco racontent une histoire millénaire. Survivra-t-elle à la désertification ?

Imaginez une ville surgie des sables, où les murs en terre rouge murmurent des siècles d’histoire et où des manuscrits vieux de plusieurs centaines d’années dorment dans l’ombre de bibliothèques familiales. Bienvenue à Oualata, une cité médiévale nichée au cœur du désert mauritanien, un joyau en péril qui lutte pour ne pas être englouti par les dunes et l’oubli. Cette ville, autrefois carrefour prospère des caravanes sahariennes, incarne un patrimoine architectural et littéraire d’une richesse inouïe, mais les défis modernes – désertification, exode rural, manque de fonds – menacent son existence même.

Oualata : Une Oasis Culturelle au Bord de l’Oubli

Oualata, surnommée « le rivage de l’éternité », est l’une des quatre ksour historiques de Mauritanie, aux côtés de Chingetti, Tichit et Ouadane. Fondées entre le XIe et le XIIe siècle, ces cités étaient des plaques tournantes du commerce transsaharien, où épices, sel et savoirs s’échangeaient au rythme des chameaux. Aujourd’hui, Oualata se dresse comme un vestige du passé, ses ruelles ensablées et ses maisons en banco – un enduit de terre rouge typique – témoignant d’une gloire révolue. Mais la ville n’est pas seulement un musée à ciel ouvert ; elle est un centre vivant, ou du moins, elle tente de le rester.

Perché sur le toit de sa maison, un habitant contemple ce paysage figé dans le temps. « C’est une ville magnifique, extraordinaire », confie-t-il, les yeux perdus dans l’horizon ocre. Pourtant, derrière cette beauté, une lutte silencieuse se joue : celle d’une communauté confrontée à des défis environnementaux et sociaux qui pourraient effacer des siècles d’histoire.

L’Avancée Implacable du Désert

Le principal ennemi d’Oualata n’est pas le temps, mais le sable. La désertification, qui touche 80 % du territoire mauritanien, gagne du terrain. Les dunes, autrefois tenues à distance par une végétation aujourd’hui disparue, s’infiltrent dans les ruelles, ensevelissant peu à peu les maisons. Les pluies, bien que rares, sont devenues dévastatrices. L’an dernier, des averses particulièrement violentes ont réduit en ruines plusieurs bâtisses, laissant des murs éventrés et des amas de pierres dans leur sillage.

Une habitante, face à la maison héritée de ses grands-parents, ne cache pas son désarroi : « Beaucoup de maisons sont tombées à cause des pluies. » Ce n’est pas seulement une question de météo. L’exode rural vide Oualata de ses forces vives. Sur les 293 parcelles de la vieille ville, seules une centaine sont encore occupées. Les jeunes partent chercher des opportunités ailleurs, laissant derrière eux des constructions traditionnelles qui nécessitent un entretien constant pour résister aux assauts du climat.

Les chiffres clés de la désertification à Oualata :

  • 80 % du territoire mauritanien affecté par la désertification.
  • Seule une centaine de parcelles occupées sur 293 dans la vieille ville.
  • Population actuelle : environ 2 000 habitants, contre des milliers autrefois.

Un Trésor Littéraire Menacé

Au-delà de son architecture, Oualata abrite un patrimoine intellectuel d’une valeur inestimable : des milliers de manuscrits centenaires, conservés dans 16 bibliothèques familiales. Ces écrits, transmis de génération en génération, couvrent des domaines aussi variés que l’astronomie, l’histoire, les sciences du Coran ou encore la poésie. Certains datent du XIVe siècle, véritables reliques d’un savoir presque millénaire.

« Nous avons hérité cette bibliothèque de nos ancêtres, fondateurs de la ville. »

Un imam, gardien d’une bibliothèque familiale à Oualata

Dans une petite pièce aux murs de banco, un imam tourne délicatement les pages d’un manuscrit vieux de trois siècles. Les feuillets, parfois tachés d’eau, sont protégés dans des pochettes en plastique, mais leur état reste préoccupant. Autrefois rangés dans des malles, ces ouvrages ont souffert des infiltrations lors des rares mais violentes pluies. « Ces livres étaient très mal entretenus et exposés à la destruction », explique le gardien, montrant un toit partiellement effondré.

Dans les années 90, un effort de préservation financé par une coopération internationale a permis de restaurer et numériser plus de 2 000 ouvrages. Mais aujourd’hui, faute de fonds, la sauvegarde repose sur quelques passionnés. Sans expert qualifié pour gérer ces trésors, leur pérennité est incertaine.

L’Architecture Banco : Une Tradition Fragile

Les maisons d’Oualata, construites en banco, sont des chefs-d’œuvre d’adaptation à l’environnement désertique. Leur enduit de terre rouge, appliqué sur des structures en pierre, régule la température, offrant une fraîcheur bienvenue sous la chaleur écrasante du Sahara. Les portes en acacia, peintes par les femmes avec des motifs traditionnels, ajoutent une touche de couleur et de poésie à la ville. Mais ces constructions, bien que robustes, demandent un entretien régulier.

Le départ des habitants complique cette tâche. « Les maisons sont devenues des ruines parce que leurs propriétaires les ont quittées », déplore un représentant local. Les intempéries, combinées à l’abandon, accélèrent la dégradation. Même la mosquée de la ville, un symbole fort, a failli disparaître sous le sable dans les années 80, au point que les fidèles priaient sur son toit ensablé.

Défi Impact Solution envisagée
Désertification Ensevelissement des maisons Plantation d’arbres, barrières anti-sable
Exode rural Abandon des bâtisses Festivals, investissements locaux
Pluies violentes Destruction des structures Renforcement des toits

Un Tourisme Introuvable

Oualata pourrait tirer profit du tourisme pour financer sa préservation, mais la réalité est bien différente. Située à deux heures de piste de la ville la plus proche, la cité n’offre aucune infrastructure d’accueil. Pire, sa localisation dans une zone considérée comme à risque par de nombreux pays décourage les visiteurs. La menace d’attaques jihadistes, bien que diffuse, plane sur la région, rendant Oualata « formellement déconseillée » aux voyageurs.

Pourtant, la ville ne manque pas d’atouts. Ses ruelles, ses portes peintes et ses manuscrits pourraient attirer les amateurs d’histoire et de culture. Mais sans investissements, ce potentiel reste inexploité. Les habitants, eux, rêvent d’un avenir où Oualata redeviendrait un carrefour, non plus de caravanes, mais de curieux avides de découvrir son héritage.

Des Initiatives pour Sauver Oualata

Face à ces défis, des efforts émergent. Depuis 1994, des arbres ont été plantés autour de la ville pour freiner l’avancée des dunes, mais ces initiatives restent insuffisantes. Un festival annuel des villes anciennes, organisé à tour de rôle dans les quatre ksour, apporte un souffle d’espoir. Il permet de financer des rénovations et de sensibiliser à l’importance de ce patrimoine.

Les habitants, eux, continuent de faire vivre Oualata. À la tombée du jour, lorsque la chaleur s’apaise, les enfants envahissent les rues, redonnant vie à la cité. Ces moments de joie rappellent que, malgré les épreuves, Oualata n’a pas dit son dernier mot.

« La bibliothèque renferme une richesse documentaire précieuse pour les chercheurs dans divers domaines : langues, sciences du Coran, histoire, astronomie. »

Un gardien de manuscrits à Oualata

Un Appel à l’Action

La survie d’Oualata dépend de la mobilisation collective. Les gouvernements, les organisations internationales et les passionnés de patrimoine doivent unir leurs forces pour protéger ce trésor. La numérisation des manuscrits, le renforcement des infrastructures et la promotion d’un tourisme durable pourraient changer la donne.

Mais au-delà des financements, c’est l’âme d’Oualata qu’il faut préserver. Cette ville, où chaque mur raconte une histoire et chaque manuscrit porte la voix des ancêtres, est un rappel de la résilience humaine face à l’adversité. Saurons-nous la sauver avant qu’elle ne disparaisse sous les sables ?

Comment aider Oualata :

  • Soutenir les initiatives de préservation des manuscrits.
  • Promouvoir un tourisme responsable et sécurisé.
  • Financer la restauration des maisons en banco.
  • Sensibiliser à l’impact de la désertification.

Oualata n’est pas qu’une relique du passé. C’est une invitation à réfléchir sur notre rapport au patrimoine, à l’environnement et aux communautés qui, contre vents et marées, continuent de faire vivre des lieux uniques. En sauvant Oualata, nous préservons un morceau d’humanité.

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