Et si la guerre en Ukraine se terminait plus vite que prévu ? C’est le pari que semble prendre Viktor Orban. Alors que les combats font toujours rage, le dirigeant hongrois annonce sans détour l’envoi prochain d’une délégation d’hommes d’affaires à Moscou. Objectif affiché : préparer dès maintenant le monde économique de l’après-guerre et surtout de l’après-sanctions.
Une délégation hongroise à Moscou : le signal fort d’Orban
Ce n’est pas une simple visite de courtoisie. Lors d’un meeting organisé dans une salle de sport de Kecskemét, devant un millier de sympathisants, le Premier ministre hongrois a révélé son plan. Une équipe de patrons va se rendre en Russie dans les tout prochains jours. Leur mission ? Poser les bases de coopérations futures une fois la paix revenue.
Ce timing est tout sauf anodin. À quelques mois des élections législatives hongroises, Viktor Orban soigne son image de dirigeant visionnaire, celui qui pense déjà à demain pendant que les autres restent bloqués sur le présent.
Penser l’impensable : la fin des sanctions
Le message est limpide. « Il faut anticiper », a martelé Orban. Pour lui, deux scénarios peuvent tout changer : une fin rapide du conflit ukrainien et, surtout, une réintégration de la Russie dans l’économie mondiale sous l’impulsion du président américain nouvellement élu.
Dans cette hypothèse, les sanctions occidentales seraient progressivement levées. Et la Hongrie veut être en pole position pour profiter de cette nouvelle donne géopolitique.
« Si Dieu nous aide et que la guerre se termine sans que nous y soyons entraînés, et si le président américain réussit à réintégrer la Russie dans l’économie mondiale, nous nous retrouverons dans un tout autre espace économique. »
Viktor Orban, meeting de Kecskemét
Cette phrase résume parfaitement la stratégie hongroise : anticiper le retour de la Russie sur la scène économique mondiale, même si cela dérange une grande partie de l’Union européenne.
Des intérêts concrets dans l’énergie
Derrière les grandes déclarations, il y a des projets très concrets. Le géant pétrolier hongrois MOL lorgne depuis plusieurs mois sur des actifs russes en Europe. Raffineries, stations-service appartenant à Lukoil ou Gazprom, participations dans des champs de production au Kazakhstan et en Azerbaïdjan… Tout est sur la table.
Ces discussions auraient d’ailleurs été évoquées lors de la rencontre entre Viktor Orban et Donald Trump début novembre à Washington. Un tête-à-tête qui prend aujourd’hui tout son sens.
La Hongrie reste en effet très dépendante des hydrocarbures russes. Contrairement à nombre de ses voisins, elle n’a jamais vraiment diversifié ses sources d’approvisionnement depuis février 2022. Une position assumée, parfois jusqu’au défi ouvert avec Bruxelles.
Un défi permanent à l’Union européenne
Fin novembre, Viktor Orban s’est rendu personnellement à Moscou. Il y a réaffirmé à Vladimir Poutine la volonté de Budapest de continuer à importer du gaz et du pétrole russes. Un engagement ferme, pris au moment même où l’Union européenne durcit le ton.
Plus récemment, la majorité des États membres a validé le principe d’une interdiction progressive des importations de gaz russe d’ici fin 2027. Réponse hongroise ? Une saisine immédiate de la Cour de justice de l’Union européenne pour contester cette décision.
Budapest joue donc sur tous les tableaux : contestation juridique d’un côté, préparation active des futurs contrats de l’autre.
Le positionnement unique de Viktor Orban
Peu de dirigeants européens peuvent se vanter d’entretenir des relations aussi directes avec Washington et Moscou à la fois. Viktor Orban cultive cette position depuis des années. Il parle aux Américains, il parle aux Russes, et il le fait savoir.
« Je discute avec les deux parties, même si je ne peux pas révéler tous les détails », a-t-il glissé lors de son meeting. Une phrase qui en dit long sur les canaux de communication qu’il entretient.
Cette posture lui permet de se présenter comme un pont entre l’Est et l’Ouest, même quand les ponts sont officiellement coupés.
Quelles conséquences pour l’Europe ?
Cette initiative hongroise met en lumière une fracture persistante au sein de l’Union européenne. Pendant que certains pays poussent pour un isolement total de la Russie, d’autres, à commencer par la Hongrie, préparent déjà le terrain pour un retour aux affaires.
Ce décalage n’est pas nouveau. Depuis le début du conflit, Budapest a multiplié les gestes de défiance : veto sur certaines sanctions, refus de livrer des armes à Kiev, maintien des liens énergétiques avec Moscou.
Aujourd’hui, Viktor Orban va plus loin. Il ne se contente plus de freiner : il accélère dans la direction opposée.
Un pari risqué mais calculé
Le dirigeant hongrois mise clairement sur deux éléments : une victoire ou une forte influence de Donald Trump capable de réintégrer rapidement la Russie dans le concert des nations, et une lassitude générale qui pousserait à la levée des sanctions plus tôt que prévu.
Si ce scénario se réalise, la Hongrie sera aux premières loges pour signer les contrats juteux. Si le conflit dure ou que les sanctions perdurent, Budapest aura simplement… pris un peu d’avance sur des discussions qui finiront bien par arriver un jour.
Dans les deux cas, Viktor Orban renforce son image de dirigeant pragmatique, tourné vers les intérêts nationaux avant tout.
En attendant, cette annonce fait l’effet d’une petite bombe à Bruxelles et dans plusieurs capitales européennes. Car pendant que l’on parle encore de soutien à l’Ukraine et de sanctions renforcées, la Hongrie, elle, parle déjà reconstrucion et contrats pétroliers.
Le message est clair : pour Viktor Orban, la guerre finira bien un jour. Et quand ce jour viendra, la Hongrie sera prête.
En résumé, Budapest ne se contente plus de survivre aux sanctions : elle se positionne activement pour profiter de leur disparition. Une stratégie qui place une nouvelle fois la Hongrie en marge de la ligne européenne majoritaire.
Une chose est sûre : Viktor Orban ne fait jamais rien au hasard. Cette délégation d’hommes d’affaires à Moscou n’est qu’un épisode supplémentaire dans une longue série de coups politiques soigneusement calculés.
Et pendant que l’Europe reste focalisée sur le présent, la Hongrie, elle, a déjà le regard tourné vers l’après.









