Le spécialiste français de l’uranium Orano traverse une période tumultueuse au Niger. D’après une source proche du dossier, les autorités nigériennes ont pris le contrôle opérationnel de la Société des mines de l’Aïr (Somaïr), filiale d’Orano détenue à 63,4% par le groupe français. Cet événement marque un nouveau chapitre dans le bras de fer qui oppose Orano à la junte militaire au pouvoir au Niger depuis le coup d’État de juillet 2023.
Le Niger affirme sa souveraineté sur ses ressources en uranium
Depuis son arrivée au pouvoir, le régime militaire nigérien a fait de la souveraineté sa priorité absolue, en particulier en ce qui concerne l’uranium, ressource stratégique dont le pays est le 7ème producteur mondial. En juin dernier, la junte avait déjà retiré à Orano le permis d’exploitation du gisement géant d’Imouraren et ses réserves estimées à 200 000 tonnes.
Face à une situation qu’il qualifie de « fortement dégradée », Orano avait annoncé fin octobre la suspension de la production de sa filiale Somaïr à partir du 31 octobre, affirmant ne plus pouvoir « continuer à travailler » dans ces conditions. Le groupe français dit subir des « ingérences » dans la gouvernance de la Somaïr dont il est pourtant actionnaire majoritaire et opérateur.
Un conseil d’administration sous tension
Lors du conseil d’administration du 12 novembre, la Somaïr avait entériné la suspension des dépenses liées aux activités d’extraction. Mais quelques jours plus tard, une délégation de conseillers du régime s’est rendue sur le site minier pour encourager les agents à poursuivre l’exploitation, passant outre la décision.
Les dépenses de production qui se poursuivent sur le site dégradent chaque jour davantage la situation financière de la société.
Orano
Lors du dernier conseil d’administration qui s’est tenu le 3 décembre 2024, les représentants du Niger ont confirmé leur refus d’exporter la production. Près de 1050 tonnes de concentré d’uranium, soit près de la moitié de la production annuelle, sont actuellement bloquées, pour une valeur marchande estimée à 300 millions d’euros.
Tensions diplomatiques et avenir incertain
Cet épisode cristallise les tensions croissantes entre le Niger et l’ancienne puissance coloniale française depuis l’arrivée au pouvoir de la junte militaire. En novembre, le ministre nigérien des Mines avait invité des sociétés russes à venir explorer et exploiter les ressources naturelles du pays, signe d’une volonté de diversifier les partenariats.
Orano dit regretter vivement cette situation qui pèse sur ses salariés et les communautés locales. Le groupe entend défendre ses droits et appelle à un rétablissement d’un « mode de fonctionnement stable et pérenne » pour reprendre sereinement les activités. Mais l’avenir de l’exploitation de l’uranium nigérien par Orano apparaît aujourd’hui très incertain.
L’uranium, un enjeu stratégique majeur
Au-delà du cas Orano, le contrôle des ressources en uranium est un enjeu géopolitique et économique de taille. Métal radioactif clé pour la production d’énergie nucléaire, l’uranium est très convoité alors que de nombreux pays cherchent à réduire leur dépendance aux énergies fossiles.
Le Niger, avec ses importantes réserves, est un acteur majeur du secteur même s’il reste loin derrière le leader mondial kazakh. Mais les velléités d’indépendance et de souveraineté du pays pourraient rebattre les cartes et modifier profondément le paysage de l’industrie de l’uranium dans les années à venir, avec de potentielles répercussions sur le marché mondial.