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OQTF : Seulement 10,9 % Exécutées en 2025 Face au Refus Algérien

Sur les neuf premiers mois de 2025, seulement 10,9 % des OQTF ont été exécutées. L'Algérie, dont les ressortissants représentent 40 % des personnes en CRA, ne délivre plus de laissez-passer depuis mars. Comment la France peut-elle encore expulser quand un pays clé ferme la porte ? La situation devient critique...

Imaginez prononcer une décision d’expulsion contre une personne en situation irrégulière, puis constater que cette mesure reste lettre morte mois après mois. En France, c’est le quotidien des autorités chargées de l’immigration. Sur les neuf premiers mois de 2025, le taux d’exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) s’effondre à 10,9 %. Un chiffre alarmant qui révèle les limites d’une politique migratoire confrontée à des obstacles insurmontables.

Un taux d’exécution historiquement bas

Ce pourcentage, révélé par la commission des lois, traduit une réalité brutale : sur dix OQTF prononcées, neuf ne sont pas appliquées. Derrière cette statistique se cache une mécanique complexe où la coopération internationale joue un rôle décisif. Sans l’accord des pays d’origine, les expulsions deviennent quasi impossibles.

Les centres de rétention administrative (CRA) illustrent parfaitement cette impasse. Près de 40 % des personnes retenues en vue d’un éloignement sont de nationalité algérienne. Or, depuis mars 2025, Alger a cessé de délivrer les laissez-passer consulaires indispensables pour organiser les vols retour.

Cette suspension unilatérale transforme les CRA en lieux de stockage plutôt que de transit. Les retenus y passent des semaines, parfois des mois, avant d’être relâchés faute de solution. Une situation coûteuse pour l’État et frustrante pour les agents qui voient leur travail réduit à néant.

Qu’est-ce qu’une OQTF et pourquoi est-elle si difficile à appliquer ?

L’obligation de quitter le territoire français est une mesure administrative prise à l’encontre d’un étranger dont le séjour est jugé irrégulier. Elle peut accompagner un refus de titre de séjour, une fin de protection ou une condamnation pénale. En théorie, elle doit être exécutée dans un délai d’un mois.

Mais la pratique est tout autre. L’exécution forcée nécessite l’identification certaine de la personne, puis l’obtention d’un document de voyage délivré par le consulat du pays d’origine. Sans ce laissez-passer, aucun avion n’accepte d’embarquer la personne. Les compagnies aériennes, soumises à de lourdes amendes en cas d’erreur, refusent systématiquement.

Certains États coopèrent efficacement, d’autres non. Quand un pays décide de fermer la porte, comme l’Algérie l’a fait en mars 2025, c’est tout le système qui se grippe. Cette décision politique d’Alger pèse lourdement sur les statistiques françaises.

L’Algérie au cœur du blocage

Les relations migratoires entre Paris et Alger ont toujours été complexes. Accord de 1968, contentieux historique, poids de la communauté algérienne en France : les sujets de tension ne manquent pas. La suspension des laissez-passer consulaires apparaît comme une nouvelle carte dans ce jeu diplomatique tendu.

Pourquoi ce revirement ? Officiellement, aucune explication claire n’a été donnée. Certains observateurs évoquent une réponse à des critiques françaises sur la gestion migratoire. D’autres y voient une pression pour obtenir des avantages économiques ou diplomatiques. Quoi qu’il en soit, les conséquences sont immédiates sur le terrain.

Avec 40 % des retenus en CRA concernés, le blocage algérien plombe l’ensemble du dispositif. Les autres nationalités, même coopératives, subissent indirectement les retards accumulés. Les places en rétention deviennent rares, les priorités se brouillent.

« L’un des obstacles majeurs à l’exécution des OQTF est l’absence de coopération de certains pays pour délivrer les laissez-passer consulaires nécessaires. »

Commission des lois

Les conséquences sur le terrain

Dans les préfectures, les agents constatent une démotivation croissante. Prononcer une OQTF sans perspective d’exécution donne l’impression d’un travail inutile. Les recours juridiques, déjà nombreux, se multiplient quand les personnes savent que le risque réel d’expulsion est faible.

Les associations d’aide aux migrants, elles, dénoncent des conditions de rétention dégradées par l’engorgement. Les délais de libération approchent, les juges des libertés ordonnent des mises en liberté faute de perspective d’éloignement. Le cercle vicieux s’installe.

Sur le plan budgétaire, le coût est considérable. Chaque jour en CRA représente plusieurs centaines d’euros par personne. Multiplié par des milliers de cas bloqués, l’addition devient lourde pour les finances publiques.

Des solutions souvent évoquées, rarement appliquées

Depuis des années, les responsables politiques promettent de renforcer la coopération avec les pays d’origine. Conditionnement de l’aide au développement, visas, accords bilatéraux : les leviers existent sur le papier. Mais leur mise en œuvre reste timide.

Certains proposent de durcir les sanctions contre les États non coopératifs. D’autres imaginent des expulsions vers des pays tiers acceptant les retours. Toutes ces pistes se heurtent à des obstacles juridiques, diplomatiques ou humanitaires.

La création de brigades mobiles dédiées à l’exécution des éloignements a été tentée. Les résultats restent mitigés. Le problème fondamental demeure : sans document de voyage, aucune expulsion forcée n’est possible.

Comparaison avec les années précédentes

Le taux de 10,9 % sur neuf mois marque une dégradation sensible. Les années précédentes oscillaient autour de 12 à 15 % en moyenne annuelle. La crise avec l’Algérie accentue une tendance déjà baissière.

Avant mars 2025, les laissez-passer algériens étaient délivrés, même avec retard. Désormais, c’est le zéro absolu. L’effet mécanique sur les statistiques est immédiat et massif.

D’autres nationalités posent aussi problème, mais aucune n’atteint le poids démographique des Algériens dans les flux irréguliers. Le blocage concentre donc les difficultés sur un seul partenaire clé.

Le débat public et politique

Cette situation alimente les débats sur l’immigration. Les uns y voient la preuve d’une perte de souveraineté. Les autres soulignent la nécessité d’une approche plus humaine et concertée. Le consensus reste lointain.

Les élus de tous bords reconnaissent le problème. Mais les solutions divergent radicalement. Renégocier les accords, sanctionner, accueillir mieux pour intégrer : les propositions s’opposent sans qu’aucune ne s’impose durablement.

Dans l’opinion, la frustration grandit. Les faits divers impliquant des personnes sous OQTF renforcent le sentiment d’impuissance des pouvoirs publics. Le sujet reste explosif à chaque nouvelle affaire.

Vers une sortie de crise ?

La reprise des laissez-passer algériens dépend d’une détente diplomatique. Des discussions discrètes sont en cours, mais rien ne filtre sur une issue proche. En attendant, le stock d’OQTF non exécutées continue de grossir.

À plus long terme, certains experts plaident pour une refonte complète du système. Réduire le nombre d’OQTF prononcées en amont, renforcer les contrôles aux frontières, accélérer les procédures d’asile : les chantiers sont nombreux.

Mais la réalité impose une conclusion simple : tant que les pays d’origine refuseront de coopérer, l’exécution des éloignements restera marginale. Le taux de 10,9 % n’est pas une anomalie passagère, mais le symptôme d’un dysfonctionnement profond.

La France se trouve face à un dilemme : maintenir une fermeté symbolique ou accepter une régulation migratoire plus pragmatique. Les mois à venir diront si la crise avec l’Algérie trouve une issue, ou si elle s’installe durablement dans le paysage.

En attendant, des milliers de personnes sous OQTF continuent de vivre sur le territoire, dans une zone grise juridique et administrative. Un situation qui interroge la capacité de l’État à faire respecter ses propres décisions.

(Article rédigé à partir de données publiques et d’analyses disponibles au 26 décembre 2025. Le sujet reste évolutif et mérite un suivi attentif.)

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