Un verdict qui fait polémique au Bénin. Lundi, la Cour béninoise de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) a condamné à dix ans de prison un homme accusé d’avoir joué un rôle clé dans les violences post-électorales qui ont secoué le pays en 2019. Faleti Biaou Ayodélé Prudence, plus connu sous le surnom de « Général civil Faleti », était considéré comme l’un des principaux meneurs du mouvement de contestation qui a suivi les élections législatives d’avril 2019.
Des législatives sous haute tension
Ces élections avaient été marquées par de nombreux incidents : abstention record, coupure totale d’internet, et surtout des affrontements meurtriers entre forces de l’ordre et manifestants, qui avaient fait deux morts parmi les civils dans la ville de Savè, à 300 km de la capitale Cotonou. En cause : un durcissement des règles du scrutin qui avait empêché l’opposition de présenter des candidats, donnant lieu à un Parlement entièrement acquis au président Patrice Talon.
L’ascension du « Général civil »
C’est dans ce contexte de vives tensions que Faleti Biaou Ayodélé Prudence, 30 ans, s’était fait connaître. Se proclamant « invincible » dans des vidéos postées sur les réseaux sociaux, celui qui se faisait appeler « Général civil Faleti » y appelait ouvertement le peuple à se soulever contre l’armée. Il exigeait aussi le départ des militaires de Savè, bastion de l’ex-président Boni Yayi, et aurait selon les autorités « proféré des menaces » à l’encontre de diverses personnalités.
Après plusieurs mois de cavale, « Général civil Faleti » a finalement été arrêté en janvier 2020 à Parakou, dans le nord du pays. Le directeur général de la police, Soumaïla Yaya, avait alors déclaré triomphalement que cette « vermine » avait été « débusquée de sa cachette« . Accusé d’avoir « défié les forces de défense et de sécurité » et fait « usage d’armes automatiques« , l’opposant a été placé en détention dans l’attente de son procès.
10 ans ferme pour « atteinte à la sûreté de l’État »
Lundi, après plus de trois ans de détention préventive, Faleti Biaou Ayodélé Prudence a donc été condamné à dix ans de prison ferme pour « atteinte à la sûreté de l’État« . Un verdict sans surprise pour ses proches, qui dénoncent depuis le début une justice aux ordres du pouvoir en place. « La sentence est lourde mais on s’y attendait quand on connaît le mode opératoire de cette Cour« , a indiqué l’un d’eux après l’énoncé du jugement, avant de saluer « un brave » qui a « défendu la cause des populations marginalisées« .
Cette condamnation vient clore un épisode particulièrement tendu de la vie politique béninoise, marquée ces dernières années par un net recul des libertés selon de nombreux observateurs. Si le pays fait figure de modèle de stabilité et de croissance économique en Afrique de l’Ouest, la répression de l’opposition et de la société civile s’y est nettement accrue depuis l’arrivée au pouvoir de Patrice Talon en 2016. Un durcissement illustré de façon spectaculaire par le destin de ce « Général civil », passé en quelques mois du statut de héraut autoproclamé des opprimés à celui de prisonnier d’opinion.