Un véritable exploit dans la lutte contre le braconnage et le trafic d’espèces menacées : c’est ce qui est en train de se dérouler entre la Thaïlande et Madagascar. Les deux pays ont uni leurs forces pour mener la plus grande opération de rapatriement jamais réalisée dans ce domaine. Pas moins de 963 lémuriens et tortues, capturés illégalement sur le territoire malgache et retrouvés en Thaïlande, vont être remis dans leur habitat naturel. Un signal fort envoyé aux trafiquants.
Une saisie record suivie d’une action d’envergure
Tout a commencé en mai dernier, lorsque la police thaïlandaise a réalisé la plus grosse saisie d’animaux de contrebande jamais opérée dans le royaume. Dans la province de Chumphon, au sud du pays, ce sont exactement 963 lémurs catta, lémurs bruns, tortues araignées et tortues étoilées de Madagascar qui ont été découverts. Toutes ces espèces sont considérées comme menacées d’après la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES).
Face à l’ampleur de la prise, les autorités des deux pays ont rapidement pris la décision de rapatrier ces animaux sur leur terre natale. Une opération logistique hors normes qui devrait débuter ce jeudi, comme l’ont annoncé conjointement le ministre thaïlandais des Ressources naturelles et de l’Environnement, et son homologue malgache de l’Environnement lors d’une conférence de presse à Bangkok.
Pour la première fois, des animaux sauvages sont rapatriés avant la conclusion de la procédure judiciaire
Chalermchai Sri-on, ministre thaïlandais des Ressources naturelles et de l’Environnement
Un symbole fort dans la lutte contre le trafic
Pour les défenseurs de l’environnement, cette action représente une avancée majeure et un signal fort envoyé aux trafiquants. La Thaïlande est en effet considérée comme une plaque tournante du trafic d’espèces, où transitent de nombreux animaux capturés illégalement avant d’être envoyés vers des pays comme la Chine ou le Vietnam, où ils sont très prisés pour la médecine traditionnelle notamment.
Selon un rapport de l’ONG TRAFFIC publié en mars dernier, l’Asie du Sud-Est joue un rôle central dans le commerce illégal d’espèces endémiques à Madagascar. En plus des lémuriens et des tortues, ce trafic concerne aussi amphibiens, reptiles et certaines plantes.
Des soins spécifiques à l’arrivée
Une fois de retour au pays, les 963 pensionnaires ne seront pas relâchés immédiatement dans la nature. Ils seront d’abord pris en charge par des centres spécialisés afin de recevoir les soins appropriés. Un suivi particulier qui vise à maximiser leurs chances de réadaptation.
À leur arrivée sur l’île, les animaux seront traités par des centres spécialisés.
Max Andonirina Fontaine, ministre malgache de l’Environnement
Les autorités espèrent que ce rapatriement massif servira d’exemple et incitera d’autres pays à collaborer activement contre le fléau du trafic d’espèces sauvages. Une lutte de tous les instants qui nécessite une coopération internationale renforcée pour espérer enrayer ce commerce illicite qui menace la biodiversité mondiale.
Des poursuites judiciaires engagées
Si le sort des animaux est en passe d’être réglé, celui de leurs bourreaux n’en est qu’à ses débuts. Suite à la saisie, pas moins de six individus ont été arrêtés et font désormais l’objet de poursuites judiciaires. Accusés de trafic d’espèces en danger, ils risquent jusqu’à 15 ans de prison ainsi qu’une amende pouvant atteindre 1,5 million de bahts soit environ 41 000 euros.
La sévérité des peines encourues reflète la volonté des autorités de durcir le ton face à ces crimes environnementaux. Une détermination saluée par les ONG qui espèrent que ce procès fera office de jurisprudence et contribuera à dissuader les trafiquants de poursuivre leurs activités.
La biodiversité unique de Madagascar fortement menacée
Avec un taux d’endémisme parmi les plus élevés au monde, la grande île est une cible de choix pour les trafiquants d’espèces rares. Qu’il s’agisse de ses lémuriens emblématiques, de ses reptiles singuliers ou de sa flore exceptionnelle, Madagascar abrite des trésors que l’on ne trouve nulle part ailleurs. Une richesse qui attise hélas bien des convoitises.
- Plus de 90% des espèces animales et végétales de Madagascar sont endémiques
- L’île compte 113 espèces de lémuriens, toutes menacées d’extinction
- Près d’un tiers des 365 espèces de reptiles malgaches sont considérées comme en danger
Face à l’urgence de la situation, le gouvernement malgache tente de réagir en renforçant la législation et les contrôles aux frontières. Mais dans ce pays qui reste l’un des plus pauvres au monde, les moyens restent très limités pour enrayer un trafic qui génère des millions de dollars.
L’implication d’autres États et le soutien de la communauté internationale apparaissent dès lors indispensables pour aider Madagascar à protéger son patrimoine naturel exceptionnel. Des opérations coup de poing comme celle menée avec la Thaïlande cette semaine sont encourageantes. Elles prouvent qu’avec de la volonté politique, des actions concrètes et efficaces sont possibles.
Alors que la 6ème extinction massive de biodiversité est en cours, il y a urgence à agir. Chaque espèce compte et a son rôle à jouer dans l’équilibre des écosystèmes. Lémuriens, tortues, et tous les joyaux de la faune et la flore malgaches méritent qu’on se batte pour leur survie. Leur rapatriement est une première victoire, espérons qu’elle en appellera d’autres.