À quelques mois d’élections législatives anticipées périlleuses pour son camp, le chancelier allemand Olaf Scholz se retrouve sous le feu des critiques. En cause : son entretien téléphonique surprise avec Vladimir Poutine vendredi dernier, le premier échange direct entre les deux dirigeants depuis près de deux ans. Une initiative diplomati que qui s’apparente surtout à une manoeuvre électorale risquée pour se présenter en “chancelier de la paix” selon ses détracteurs.
Devant le tollé provoqué, notamment du côté de l’Ukraine qui lui reproche d’avoir ouvert “la boîte de Pandore”, Olaf Scholz a dû s’expliquer ce dimanche avant de s’envoler pour le sommet du G20. “L’Ukraine peut compter sur nous” et “aucune décision ne sera prise par-dessus sa tête”, a-t-il martelé, insistant sur la nécessité de dire à Poutine que le soutien occidental à Kiev ne faiblira pas. Un message qui peine cependant à convaincre.
Un pari électoral à hauts risques
Car au-delà des justifications diplomatiques, difficile de ne pas y voir un calcul politique alors que le SPD d’Olaf Scholz est en grande difficulté dans les sondages. Critiqué de toutes parts depuis la rupture de sa coalition, le chancelier affaibli cherche à se replacer dans le débat en incarnant la voie du dialogue. Une posture qu’il espère payante face à une extrême droite et une extrême gauche dopées par le rejet des livraisons d’armes à l’Ukraine.
Mais en tendant ainsi la main à Poutine, au risque d’irriter ses alliés, Olaf Scholz joue gros. Comme le souligne la presse allemande :
Il veut maintenant jouer au +chancelier de la paix+ et, en s’alignant sur Poutine, il méconnaît l’objectif de la Russie.
TAZ, quotidien de gauche
Une opinion publique allemande inquiète
Cette prise de risque électorale intervient sur fond d’inquiétude grandissante de l’opinion publique allemande. De plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer la fin des livraisons d’armes et s’interrogent sur les moyens colossaux consacrés par l’Allemagne au conflit ukrainien. Un état d’esprit dont profitent allègrement l’extrême droite de l’AfD et le nouveau parti d’extrême gauche “Die Basis”, tous deux promis à des scores historiques et une entrée fracassante au Bundestag.
L’ombre de Trump et un “mauvais signal”
La manœuvre d’Olaf Scholz est d’autant plus périlleuse qu’elle intervient alors que Donald Trump, qui promet de mettre fin à la guerre sans dire comment, se prépare à reconquérir la Maison Blanche. Comme l’a souligné l’ancien président français François Hollande, cela envoie un “mauvais signal” à un moment charnière. Une critique partagée par le Premier ministre polonais Donald Tusk, pour qui “la diplomatie par téléphone ne peut remplacer un véritable soutien de l’ensemble de l’Occident” à l’Ukraine, comme en attestent les bombardements russes massifs du week-end.
Pas de réelle avancée diplomatique
D’autant que sur le fond, cet appel n’a rien donné de nouveau, chacun campant sur ses positions. Un constat d’échec qui fragilise encore plus le pari du chancelier. Pris en étau entre une partie de sa base électorale tentée par la négociation et des partenaires occidentaux inflexibles, Olaf Scholz joue son va-tout. Quitte à jouer les apprentis sorciers en ouvrant la boîte de Pandore d’une paix de dupes avec Poutine. Un coup de poker dont il n’est pas certain de sortir gagnant.
Face à cette stratégie risquée, de plus en plus de voix s’élèvent au sein même du SPD pour qu’Olaf Scholz cède sa place de chef de file au populaire ministre de la Défense Boris Pistorius. Mais pour l’heure, le chancelier affaibli s’accroche et maintient sa candidature, avec “l’objectif de gagner”. Un objectif qui semble de plus en plus hypothétique au vu de cette tentative avortée d’endosser à la va-vite le costume de “chancelier de la paix”. Le contraire d’un coup de maître sur l’échiquier politique allemand.