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Obligations Vertes en Afrique : Un Potentiel à Risques

Les obligations vertes séduisent en Afrique, mais entre instabilité et greenwashing, leur avenir est incertain. Quels projets vont vraiment changer la donne ?

Imaginez un continent riche en ressources naturelles, où le soleil brille toute l’année et où les besoins en infrastructures durables sont criants. Pourtant, malgré ce potentiel, l’Afrique peine à attirer les investisseurs pour financer des projets environnementaux. Les obligations vertes, ces outils financiers qui promettent de conjuguer rentabilité et impact positif sur l’environnement, émergent comme une solution séduisante. Mais leur adoption sur le continent reste timide, freinée par des défis économiques, politiques et même éthiques. Alors, comment ces obligations peuvent-elles transformer l’avenir de l’Afrique tout en évitant les pièges du greenwashing ?

Les Obligations Vertes : Une Opportunité pour l’Afrique

Les obligations vertes, bien qu’encore marginales en Afrique, représentent un levier financier innovant pour répondre aux défis climatiques. Leur principe est simple : des investisseurs prêtent de l’argent à un État ou une entreprise, qui s’engage à utiliser ces fonds pour des projets à impact environnemental positif. En retour, les investisseurs perçoivent des intérêts annuels, appelés coupons. Ces projets englobent souvent les énergies renouvelables, la conservation de la nature, les infrastructures durables ou encore l’agriculture respectueuse de l’environnement.

En 2023, l’Afrique ne représentait qu’un infime 1 % des émissions mondiales d’obligations vertes. Pourtant, une croissance spectaculaire de 125 % a été enregistrée cette année-là, signe d’un intérêt croissant. Des pays comme le Nigeria, le Kenya, la Tanzanie ou encore la Côte d’Ivoire se lancent dans l’aventure, avec des levées de fonds visant à financer des initiatives ambitieuses. Mais pourquoi cet outil, si prometteur, reste-t-il sous-exploité sur le continent ?

Le Nigeria : Pionnier des Obligations Vertes en Afrique

Le Nigeria a marqué l’histoire en devenant, en 2017, le premier pays africain à émettre des obligations vertes souveraines, levant 30 millions de dollars, suivis de 41 millions en 2019. Fin juin 2025, une nouvelle émission de 59 millions de dollars en seulement deux jours a démontré l’appétit des investisseurs. Ces fonds visent à soutenir des projets ambitieux : faire passer la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique à 60 % d’ici 2050 (contre 22 % en 2020), développer des logements écologiques, préserver la biodiversité et promouvoir une agriculture durable.

« Il y a une pénurie d’obligations vertes en Afrique », explique Laju Atake, dirigeant d’une banque d’investissement panafricaine.

Pour séduire les investisseurs, le Nigeria propose des taux d’intérêt élevés, frôlant les 19 % annuels, bien au-dessus des 3 % en France ou 1,9 % en Chine. Cette générosité reflète les risques perçus : instabilité macroéconomique, dépréciation monétaire et inflation galopante. Ces facteurs rendent les investisseurs prudents, surtout lorsqu’il s’agit de projets à long terme dans des contextes incertains.

Des Initiatives Prometteuses à Travers le Continent

Le Nigeria n’est pas seul à explorer ce marché. D’autres pays africains se distinguent par des initiatives audacieuses :

  • Kenya : En 2019, Acorn Holdings a émis la première obligation verte d’Afrique de l’Est, levant 40,9 millions de dollars pour des logements étudiants écologiques à Nairobi.
  • Tanzanie : En 2023, la CRDB Bank a lancé une obligation verte de 300 millions de dollars pour financer des projets dans les énergies renouvelables et l’approvisionnement en eau.
  • Côte d’Ivoire : En 2024, une émission de 1,5 milliard de dollars a marqué un tournant pour le financement vert dans la région.

Ces initiatives montrent que l’Afrique, bien qu’en retard par rapport aux géants comme les États-Unis, l’Europe ou la Chine, commence à saisir le potentiel des obligations vertes. Mais les obstacles restent nombreux.

Les Défis de l’Instabilité Économique et Politique

L’Afrique fait face à des défis structurels qui freinent l’adoption des obligations vertes. L’instabilité macroéconomique, marquée par une dépréciation monétaire et une inflation élevée, crée un climat d’incertitude. Les investisseurs internationaux, en particulier, hésitent face au risque de change, qui nécessite des instruments de couverture coûteux. À cela s’ajoutent des facteurs comme l’instabilité politique, des réglementations opaques et des infrastructures locales défaillantes, qui compromettent la viabilité des projets.

Une agence de développement basée à Nairobi souligne que ces obstacles découragent les marchés financiers, qui perçoivent l’Afrique comme un terrain à haut risque. Pourtant, le continent dispose d’atouts uniques : un potentiel immense en énergies renouvelables, des ressources naturelles abondantes et une population jeune prête à innover.

Le Risque du Greenwashing : Une Menace Réelle

Si les obligations vertes suscitent de l’espoir, elles ne sont pas exemptes de critiques. Le principal écueil est le greenwashing, cette pratique qui consiste à présenter des projets comme écologiques sans qu’ils aient un réel impact positif. Au Nigeria, par exemple, des projets financés par les émissions de 2017 et 2019 ont soulevé des doutes.

« Plusieurs projets ressemblaient à du greenwashing », révèle Razaq Fatai, chercheur pour un cabinet de conseil nigérian.

Un exemple frappant est un projet de reforestation dans l’État d’Oyo. Les arbres plantés, faute d’entretien et d’implication des communautés locales, ont dépéri en quelques années. Ce type de dérive souligne l’importance d’une transparence accrue et de cadres réglementaires solides pour garantir que les fonds soient utilisés à bon escient.

Un Potentiel Immense, Mais Sous Conditions

Malgré ces défis, les obligations vertes offrent une opportunité unique pour l’Afrique. Le continent, qui n’émet que 3,8 % des gaz à effet de serre mondiaux, souffre pourtant de manière disproportionnée des effets du changement climatique : sécheresses, inondations, insécurité alimentaire. Les obligations vertes pourraient mobiliser les capitaux nécessaires pour financer des solutions adaptées, comme des infrastructures résilientes ou des systèmes énergétiques propres.

Arizona System:

2019

Pays Année Montant levé (USD) Projets financés
Nigeria 2017 30 millions Énergies renouvelables, conservation41 millions Logements écologiques, agriculture durable
Kenya 2019 40,9 millions Logements étudiants écologiques
Tanzanie 2023 300 millions Énergies renouvelables, eau
Côte d’Ivoire 2024 1,5 milliard Projets environnementaux divers

Pour libérer ce potentiel, plusieurs conditions sont nécessaires :

  • Cadres réglementaires robustes : Des normes claires pour éviter le greenwashing et garantir la transparence.
  • Renforcement des capacités : Former les émetteurs pour structurer des projets viables.
  • Confiance des investisseurs : Réduire les risques perçus grâce à une meilleure stabilité économique et politique.

Un cabinet d’avocats basé à Lagos résume bien l’enjeu : « L’avenir des obligations vertes en Afrique est prometteur, mais il exige des projets mieux conçus et une confiance accrue des investisseurs. »

Vers un Avenir Plus Vert ?

Les obligations vertes pourraient transformer le paysage économique et environnemental de l’Afrique. Elles offrent une chance de financer des solutions aux défis climatiques tout en attirant des capitaux internationaux. Cependant, leur succès dépendra de la capacité des États et des entreprises à surmonter les obstacles structurels et à prouver que les projets financés ont un impact réel. Sans cela, le risque de greenwashing pourrait entacher la crédibilité de cet outil et freiner son développement.

En conclusion, les obligations vertes représentent une opportunité unique pour l’Afrique, mais leur essor nécessitera des efforts concertés. En renforçant la transparence, en impliquant les communautés locales et en stabilisant l’environnement économique, le continent pourrait devenir un acteur majeur du financement vert. L’enjeu est de taille : transformer un potentiel prometteur en résultats concrets pour un avenir durable.

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