Dans un contexte de rivalité technologique croissante avec la Chine, le gouvernement américain vient d’annoncer un renforcement significatif des contrôles sur les exportations de technologies d’intelligence artificielle (IA). Une décision qui n’est pas sans conséquences, suscitant déjà de vives critiques de Pékin et des inquiétudes au sein de l’industrie américaine des semi-conducteurs.
Une volonté de maintenir la suprématie américaine en IA
Comme l’a souligné la ministre du Commerce Gina Raimondo lors d’un point presse, l’objectif est clair : permettre aux États-Unis, actuellement leaders mondiaux en matière d’IA et de conception de puces spécialisées, de conserver cette position dominante. Dès octobre 2023, l’administration avait déjà imposé des restrictions sur les exportations vers la Chine des puces les plus performantes, notamment celles utilisées pour l’IA, afin d’empêcher leur utilisation à des fins militaires par Pékin.
Les nouvelles règles vont encore plus loin, en élargissant la liste des pays soumis à des autorisations spécifiques pour importer des puces informatiques sophistiquées et en renforçant les contrôles sur la diffusion des paramètres des modèles d’IA générative les plus avancés. De plus, les centres de données IA devront désormais respecter des conditions de sécurité renforcées pour pouvoir importer des composants de pointe.
Vers une escalade des tensions commerciales ?
Sans surprise, la réaction de la Chine ne s’est pas fait attendre, dénonçant une « violation flagrante » des règles du commerce international et un nouvel exemple de l’abus du contrôle des exportations par les États-Unis. Cette annonce risque en effet d’attiser davantage les tensions entre les deux puissances, déjà en conflit sur de nombreux sujets, des droits de douane aux sanctions technologiques.
Côté américain, si ces mesures visent à protéger la sécurité nationale et à freiner les ambitions chinoises en IA, elles suscitent aussi l’inquiétude des industriels concernés. Nvidia, géant des processeurs pour l’IA, craint ainsi que ces règles ne nuisent à la compétitivité des entreprises américaines en leur fermant des marchés clés, sans pour autant renforcer réellement la sécurité du pays.
Les États-Unis gagnent grâce à l’innovation, à la concurrence et au partage de leurs technologies avec le monde entier, et non en se retranchant derrière un mur d’ingérence gouvernementale.
– Nvidia, dans un billet de blog
Course contre la montre et enjeux stratégiques
L’administration justifie l’urgence de ces mesures par l’avance technologique de plus en plus ténue des États-Unis sur la Chine en matière d’IA, estimée entre 6 et 18 mois seulement selon un haut responsable. Washington craint notamment que Pékin ne constitue des stocks massifs de matériel informatique si l’entrée en vigueur des règles était retardée.
Au-delà des considérations économiques, c’est bien la dimension stratégique et militaire de l’IA qui est au cœur des préoccupations. Qualifiée de « technologie à double usage », elle pourrait selon Gina Raimondo servir aux adversaires des États-Unis pour « effectuer des simulations nucléaires, développer des armes biologiques et perfectionner l’armée ».
Une transition présidentielle sous haute tension
L’entrée en vigueur de ces nouvelles règles dans 120 jours laisse théoriquement le temps à la nouvelle administration de Donald Trump, qui reprendra officiellement les rênes du pouvoir le 20 janvier, d’y apporter des changements. Pendant son premier mandat, le président n’avait pas hésité à mettre la pression sur la Chine avec des tarifs douaniers élevés. Mais il bénéficie cette fois du soutien affiché de nombreuses entreprises de la Silicon Valley, soucieuses de pouvoir continuer à exporter leurs technologies.
Reste à savoir si ces nouvelles restrictions suffiront à endiguer les ambitions chinoises et à préserver l’avance américaine dans la course à l’IA, devenue un enjeu majeur de souveraineté et de puissance pour les années à venir. Une chose est sûre : la bataille technologique entre les deux géants ne fait que commencer, avec son lot de répercussions géopolitiques et économiques à l’échelle mondiale.