Quand on se proclame champion de l’égalité femmes-hommes, chaque accusation de harcèlement dans son propre camp résonne comme un coup de tonnerre. C’est exactement ce qui arrive, une nouvelle fois, au Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) et à son leader, le président du gouvernement Pedro Sánchez.
Un nouveau responsable local dans la tourmente
José Tomé, président de la députation provinciale de Lugo en Galice, fait l’objet d’une plainte interne déposée au sein même du PSOE pour des faits présumés de harcèlement sexuel. L’information a filtré en début de semaine et a immédiatement été relayée par plusieurs médias espagnols.
Interrogé par la presse, l’intéressé s’est défendu avec vigueur. « Il n’y a aucune preuve, aucune, et il ne peut pas y en avoir, parce que ce n’est pas vrai », a-t-il affirmé. Il a ajouté ne pas connaître précisément la nature des accusations portées contre lui et attendre d’en savoir davantage avant de s’exprimer plus longuement.
« Je ne sais pas de quoi on m’accuse (…). Et donc, quand j’en saurai davantage, je pourrai dire quelque chose, mais pour l’instant je ne sais rien »
José Tomé, président de la députation de Lugo
Un timing particulièrement gênant
Cette nouvelle affaire éclate à peine une semaine après l’ouverture d’une enquête judiciaire visant Antonio Navarro, responsable socialiste en Andalousie, lui aussi accusé de harcèlement sexuel. Deux dossiers en si peu de temps, cela commence à faire beaucoup pour un parti qui a fait de la lutte contre les violences faites aux femmes l’un de ses principaux étendards.
Mercredi, lors de la session de contrôle au Congrès des députés, l’opposition conservatrice et d’extrême droite n’a pas manqué l’occasion de pointer du doigt ces affaires répétées. Le sujet a dominé une large partie des échanges.
Pedro Sánchez monte au créneau
Face aux attaques, le président du gouvernement a choisi la contre-offensive. « Le féminisme nous donne des leçons à tous, à moi le premier », a-t-il lancé à l’opposition. Il a ensuite marqué la différence selon lui : « La grande différence entre vous et nous, c’est que nous assumons nos erreurs lorsqu’elles sont commises et que nous agissons en conséquence ».
Pedro Sánchez a réaffirmé avec force que son gouvernement « soutient les femmes » et que l’égalité femmes-hommes reste une priorité absolue de son action. Des mots qui sonnent pourtant comme une justification face à la multiplication des dossiers embarrassants.
L’affaire Francisco Salazar resurgit
Car l’affaire José Tomé n’est que la partie émergée de l’iceberg. Elle s’ajoute à un autre dossier beaucoup plus proche du cercle intime de Pedro Sánchez : celui de Francisco Salazar, ancien député et ex-conseiller très proche du président du gouvernement.
Début juillet, plusieurs anciennes collaboratrices avaient accusé Francisco Salazar de harcèlement sexuel. L’intéressé s’était alors mis en retrait de ses fonctions parlementaires et de la direction du PSOE. Si aucune procédure judiciaire n’a pour l’instant été ouverte, l’affaire a connu un rebond ces derniers jours avec la publication de nouveaux témoignages dans la presse.
Les plaignantes ont notamment déploré le manque de réactivité des services du Premier ministre lorsqu’elles avaient signalé les faits pour la première fois. Un point particulièrement sensible : il laisse entendre que les alertes auraient pu être minimisées ou étouffées en haut lieu.
Un contexte déjà chargé pour le gouvernement
Ces nouvelles accusations s’inscrivent dans une séquence particulièrement difficile pour Pedro Sánchez et son entourage. Ces derniers mois, plusieurs affaires judiciaires ont éclaboussé des proches du président du gouvernement.
On se souvient notamment du vaste dossier de corruption qui avait secoué le parti, avec la révélation d’enregistrements compromettants impliquant de hauts responsables socialistes. Des conversations évoquant des prostituées avaient alors provoqué un malaise profond au sein même du PSOE.
Pedro Sánchez dénonce régulièrement des attaques orchestrées par l’opposition de droite et d’extrême droite. Il présente ces affaires comme des tentatives de déstabilisation politique. Reste que les faits concernent, dans la majorité des cas récents, des membres ou anciens membres de son propre parti.
Le paradoxe du « gouvernement le plus féministe de l’histoire »
Depuis son arrivée au pouvoir en 2018, Pedro Sánchez n’a cessé de mettre en avant la composition paritaire de ses gouvernements successifs et les lois ambitieuses votées en matière d’égalité. Il aime à répéter que l’Espagne dispose du « gouvernement le plus féministe de son histoire ».
Cette image volontiers brandie se trouve aujourd’hui mise à mal par la récurrence des affaires de harcèlement au sein même du PSOE. Chaque nouvelle plainte, qu’elle émane d’une collaboratrice, d’une militante ou d’une élue, renvoie inévitablement à la question de l’exemplarité.
Comment le parti qui se veut fer de lance de la lutte contre les violences sexistes peut-il être régulièrement rattrapé par des comportements contraires à ses valeurs affichées ? La question revient sans cesse dans le débat public espagnol.
Quelle réponse interne au PSOE ?
Face à ces affaires à répétition, le Parti socialiste a activé ses protocoles internes. La plainte contre José Tomé a été déposée via les canaux officiels prévus à cet effet. Le parti assure traiter chaque signalement avec sérieux.
Mais dans les couloirs du PSOE, certains murmurent que les sanctions restent trop rares ou trop tardives. D’autres estiment que l’exposition médiatique de ces dossiers nuit gravement à l’image d’un parti qui a pourtant fait de la cause des femmes un marqueur idéologique fort.
Pour l’instant, aucune mesure spectaculaire n’a été annoncée concernant José Tomé. Le responsable galicien reste en poste en attendant que la procédure interne suive son cours.
Un débat qui dépasse le seul PSOE
Ces affaires successives posent aussi la question plus large du traitement du harcèlement dans l’ensemble de la classe politique espagnole. Tous les partis, sans exception, ont été confrontés à des cas similaires ces dernières années.
Mais le PSOE, du fait de son positionnement très marqué sur les questions d’égalité, se retrouve particulièrement exposé. Chaque dérapage est perçu comme une contradiction flagrante avec le discours officiel.
L’opposition, elle, ne se prive pas d’exploiter cette faille. Lors des débats parlementaires, les références au « deux poids deux mesures » fusent régulièrement. Les conservateurs du Parti populaire et les élus de Vox accusent le gouvernement de donner des leçons de morale tout en fermant les yeux sur ses propres turpitudes.
Vers une crise plus profonde ?
Pour l’instant, Pedro Sánchez parvient à maintenir le cap. Son gouvernement, minoritaire, continue de légiférer grâce à des alliances fragiles avec la gauche radicale et les partis régionalistes.
Mais la répétition des scandales finit par user la crédibilité. À chaque nouvelle affaire, une partie de l’électorat féministe, pourtant acquis traditionnellement à la gauche, exprime sa déception.
Dans les rangs socialistes eux-mêmes, des voix s’élèvent pour demander plus de transparence et des sanctions exemplaires, quel que soit le niveau hiérarchique des personnes mises en cause.
La capacité du PSOE à traiter ces dossiers en interne, rapidement et fermement, sera scrutée de près dans les prochaines semaines. Car chaque jour qui passe sans réaction claire alimente le sentiment que les belles paroles sur l’égalité ne suffisent plus.
L’Espagne, qui s’était illustrée ces dernières années par des lois très avancées contre les violences de genre, observe avec inquiétude cette série noire qui touche le parti au pouvoir. Le combat pour l’égalité femmes-hommes mérite mieux que d’être instrumentalisé ou affaibli par des affaires internes mal gérées.
Pour Pedro Sánchez et le PSOE, l’enjeu est clair : transformer ces crises en opportunité de faire le ménage et de renforcer les mécanismes de prévention. Faute de quoi le discours féministe risque de sonner de plus en plus creux aux oreilles d’une partie de l’opinion publique.









