En ce dimanche ensoleillé, les rues de Tanger ont résonné des slogans et des chants de milliers de manifestants venus de tout le Maroc pour exprimer leur solidarité indéfectible avec le peuple palestinien. Une marée humaine brandissant des drapeaux aux couleurs de la Palestine a déferlé dans les artères de la ville du détroit, unie dans un même élan : dire non à la normalisation avec Israël et oui au soutien à Gaza.
Un rassemblement historique contre la normalisation
À l’appel du Front marocain de soutien à la Palestine et contre la normalisation, qui regroupe des partis de gauche et des mouvements islamistes, une foule immense s’est rassemblée à Tanger. Leur mot d’ordre : «Gaza n’est pas seule». Les manifestants entendaient ainsi protester contre «l’escale» début juin d’un navire de la marine israélienne dans le port de la ville, une information relayée par des médias mais non confirmée officiellement.
Pour les organisateurs, le choix de Tanger n’est pas anodin. Ils souhaitaient marquer les esprits en réaction à cet événement présenté comme une provocation de la part d’Israël. Les slogans scandés ne laissaient planer aucun doute sur le rejet de la normalisation des relations entre le Maroc et l’État hébreu, scellée en décembre 2020 en échange de la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.
Le réveil de l’opposition à la normalisation
Si jusqu’à présent l’opposition à ce processus restait marginale, la guerre déclenchée à Gaza le 7 octobre dernier semble avoir réveillé les consciences. Alors que le Hamas a lancé une attaque sans précédent sur le sol israélien, déclenchant une riposte de grande ampleur, plusieurs manifestations massives ont eu lieu au Maroc pour réclamer l’abrogation des accords de normalisation.
La chute de la normalisation
Slogan scandé par les manifestants à Tanger
Dans la foulée de l’escalade militaire, le royaume a officiellement appelé à “l’arrêt immédiat, global et durable de la guerre israélienne sur Gaza”, sans pour autant remettre en question la normalisation. Une position en décalage avec le rejet exprimé dans la rue, comme l’a montré l’impressionnante mobilisation à Tanger.
Un geste humanitaire envers Gaza
Signe que le pouvoir marocain tente de ménager son opinion publique, Rabat a annoncé le 24 juin l’envoi par voie terrestre d’une aide de 40 tonnes de produits médicaux à destination de la population de Gaza. Un geste humanitaire significatif, alors que l’enclave palestinienne fait face à une situation sanitaire et humanitaire catastrophique après deux mois de conflit.
Mais pour les manifestants de Tanger et une large partie de la société civile, seule la rupture des relations diplomatiques avec Israël serait à même de prouver l’engagement marocain auprès des Palestiniens. La normalisation reste vécue comme une trahison par beaucoup, ravivant l’attachement profond des Marocains à la cause palestinienne.
La monarchie face à un dilemme
La manifestation monstre de Tanger illustre le dilemme dans lequel se trouve la monarchie marocaine. D’un côté, la normalisation avec Israël offre des perspectives économiques et diplomatiques alléchantes, avec la promesse d’investissements, de coopérations et de soutiens stratégiques. De l’autre, une opinion publique massivement pro-palestinienne vit cela comme un reniement.
Le roi Mohammed VI se retrouve donc sur une ligne de crête périlleuse. Jusqu’à présent, il a réussi à maintenir le cap de la normalisation tout en affichant sa solidarité avec les Palestiniens. Mais la pression populaire, exacerbée par le conflit à Gaza, pourrait compliquer cet exercice d’équilibriste dans la durée. Tanger a envoyé un message retentissant : la rue marocaine n’est pas prête à enterrer son soutien à la Palestine.