Imaginez-vous réveillé en pleine nuit par un grondement sourd, le sol tremblant sous vos pieds, et l’effroi de voir votre maison s’effondrer. C’est la réalité qu’ont vécue des milliers d’Afghans dimanche soir, frappés par un séisme dévastateur, suivi d’une réplique mardi. Dans l’est du pays, la province de Kounar porte le poids d’une tragédie qui a déjà coûté la vie à plus de 1 400 personnes. Ce drame, parmi les plus meurtriers de ces dernières décennies, met en lumière la vulnérabilité d’un peuple déjà éprouvé par des décennies de conflits et de pauvreté.
Une Terre Qui Ne Cesse de Trembler
L’Afghanistan, niché au cœur de la chaîne de l’Hindou Kouch, est une terre où les plaques tectoniques eurasienne et indienne se rencontrent, provoquant des séismes fréquents. Dimanche soir, un tremblement de terre d’une magnitude dévastatrice a frappé à une trentaine de kilomètres de Jalalabad, à seulement dix kilomètres de profondeur. Ce faible profondeur explique l’ampleur des destructions : des villages entiers réduits à des amas de pierres, des routes bloquées par des glissements de terrain, et des familles brisées. Mardi, une réplique de magnitude 5,2 a ravivé la peur, bien que, pour l’instant, aucune nouvelle victime n’ait été signalée.
Pour comprendre l’impact de ces catastrophes, il faut se plonger dans le quotidien des habitants de Kounar, une province parmi les plus pauvres du pays. Là-bas, 85 % de la population vit avec moins d’un dollar par jour, selon les données des Nations Unies. Les maisons, souvent construites en matériaux rudimentaires, n’ont aucune chance face à la violence des secousses. Les survivants, eux, se retrouvent souvent sans abri, sans nourriture, et parfois sans famille.
Une Course Contre la Montre pour Sauver des Vies
Dans les décombres de Kounar, les secouristes travaillent sans relâche. Les équipes locales, appuyées par des habitants des villages voisins, fouillent les gravats à la recherche de survivants. Ehsanullah Ehsan, responsable de l’Autorité de gestion des catastrophes de la province, a souligné l’ampleur de la mobilisation :
Les recherches n’ont pas cessé grâce à la mobilisation de nos employés et d’habitants venus des districts alentours.
Ehsanullah Ehsan, chef de l’Autorité de gestion des catastrophes de Kounar
Cette solidarité spontanée est une lueur d’espoir dans un contexte désespéré. Pourtant, les défis sont colossaux. Les glissements de terrain ont coupé l’accès à certains villages, rendant l’acheminement de l’aide complexe. Des hélicoptères militaires survolent la région, transportant des blessés vers les hôpitaux et livrant des provisions essentielles comme des tentes et des repas chauds.
Les Blessés : Un Défi Médical Majeur
À Jalalabad, chef-lieu de la province voisine de Nangarhar, les hôpitaux sont submergés. Rahmatullah Khaksar, directeur des urgences d’un hôpital local, décrit une situation critique :
La plupart des patients sont traités en traumatologie, blessés à la tête, au dos, à l’abdomen et aux jambes.
Rahmatullah Khaksar, directeur des urgences à Jalalabad
Depuis dimanche, cet hôpital a accueilli plus de 600 blessés. Pour ceux qui ont perdu leurs proches, une section spéciale a été aménagée pour leur offrir un refuge temporaire. Ce geste, bien que modeste, illustre l’humanité qui persiste au milieu du chaos. Cependant, les ressources médicales sont limitées, et les soignants doivent faire face à un afflux constant de patients dans des conditions précaires.
Dans un pays où les infrastructures médicales sont déjà fragiles, chaque blessé représente un défi logistique. Les hôpitaux manquent de matériel, et les routes endommagées compliquent l’approvisionnement.
Une Crise Humanitaire Amplifiée
L’Afghanistan traverse une crise humanitaire sans précédent. Après quatre décennies de guerre, le pays est déjà exsangue. Les récentes coupes dans l’aide internationale, notamment américaine, ont aggravé la situation. Indrika Ratwatte, coordinateur de l’action humanitaire de l’ONU en Afghanistan, alerte :
Potentiellement, le nombre de personnes touchées pourrait atteindre presque des centaines de milliers.
Indrika Ratwatte, coordinateur ONU
Face à cette tragédie, la communauté internationale commence à se mobiliser. Les Nations Unies ont débloqué cinq millions de dollars via leur fonds d’urgence. Le Royaume-Uni a promis un million de livres, tandis que l’Union européenne s’apprête à envoyer 130 tonnes d’aide. Ces contributions, bien que cruciales, restent une goutte d’eau face à l’ampleur des besoins.
La Solidarité au Cœur du Drame
Dans les villages dévastés, la solidarité locale joue un rôle clé. Oubadullah Stouman, un jeune Afghan de 26 ans, incarne cet élan. Originaire d’un village épargné à la frontière pakistanaise, il s’est rendu à Wadir, l’une des localités les plus touchées, pour aider. Il raconte, la voix brisée :
Il n’y a plus que des pierres, je ne sais même pas comment décrire cela, c’est très, très dur à voir.
Oubadullah Stouman, habitant
Son témoignage reflète la douleur collective, mais aussi le sens du devoir qui pousse les Afghans à s’entraider. Dans un pays où la pauvreté est omniprésente, cet esprit communautaire est une force vitale.
Pourquoi l’Afghanistan est-il si Vulnérable ?
La fréquence des séismes en Afghanistan n’est pas une surprise. La région de l’Hindou Kouch, où se croisent deux plaques tectoniques majeures, est l’une des zones les plus sismiques au monde. Depuis 1900, le nord-est du pays a enregistré 12 séismes de magnitude supérieure à 7, selon un sismologue britannique. Cette activité géologique, combinée à des infrastructures fragiles et à une économie précaire, fait de chaque tremblement de terre une catastrophe potentielle.
| Facteurs de Vulnérabilité | Impact |
|---|---|
| Pauvreté Extrême | 85 % de la population vit avec moins d’un dollar par jour, limitant l’accès à des logements sûrs. |
| Infrastructures Fragiles | Maisons en adobe ou matériaux rudimentaires, vulnérables aux secousses. |
| Coupes dans l’Aide Internationale | Réduction des fonds pour la reconstruction et les secours d’urgence. |
| Isolement Géographique | Glissements de terrain bloquant l’accès aux villages touchés. |
Ce tableau illustre pourquoi l’Afghanistan, malgré sa résilience, peine à se relever après chaque catastrophe. La combinaison de ces facteurs crée un cercle vicieux où la reconstruction est sans cesse retardée.
Un Passé Marqué par les Catastrophes
Ce n’est pas la première fois que l’Afghanistan fait face à une telle tragédie. En 2023, la région d’Hérat, à l’ouest du pays, a été frappée par un séisme d’une violence rare, tuant plus de 1 500 personnes et détruisant 63 000 habitations. Ce drame, le plus meurtrier en 25 ans, avait déjà mis à rude épreuve les capacités de réponse du pays. Aujourd’hui, Kounar fait face à un défi similaire, avec des besoins urgents en abris, nourriture et soins médicaux.
Les autorités locales, bien que limitées par un manque de ressources, tentent de coordonner les efforts. Les talibans, au pouvoir depuis 2021, doivent naviguer dans un contexte diplomatique complexe, leur régime n’étant reconnu que par un petit nombre de pays. Cette situation complique l’acheminement de l’aide internationale, pourtant indispensable.
Comment Aider ? Les Initiatives en Cours
Face à l’urgence, plusieurs initiatives se mettent en place. Voici les principales actions entreprises pour soutenir les victimes :
- Aide d’urgence de l’ONU : Cinq millions de dollars débloqués pour fournir des abris, de la nourriture et des soins.
- Contribution européenne : 130 tonnes d’aide humanitaire en route pour les zones sinistrées.
- Soutien britannique : Un million de livres pour aider les familles touchées.
- Mobilisation locale : Habitants et secouristes unissent leurs forces pour fouiller les décombres.
Ces efforts, bien que significatifs, ne suffisent pas encore à répondre à l’ampleur de la crise. Les agences humanitaires appellent à une mobilisation mondiale pour éviter une catastrophe encore plus grave.
Vers un Avenir Plus Résilient ?
Chaque séisme en Afghanistan est un rappel brutal de la nécessité de renforcer la résilience du pays. Construire des habitations plus solides, améliorer les infrastructures médicales et investir dans des systèmes d’alerte précoce pourraient sauver des milliers de vies à l’avenir. Cependant, ces solutions nécessitent des fonds que l’Afghanistan, isolé sur la scène internationale, peine à mobiliser.
Pourtant, l’espoir persiste. La solidarité des habitants, comme Oubadullah Stouman, montre que même dans les moments les plus sombres, l’humanité trouve un moyen de briller. La question reste : la communauté internationale saura-t-elle répondre à l’appel avant qu’un prochain séisme ne frappe ?
Dans l’attente d’une aide massive, les Afghans continuent de se battre, unis par un élan de solidarité face à l’adversité.
Ce drame, bien que déchirant, pourrait être une occasion de repenser l’aide internationale et la reconstruction en Afghanistan. En attendant, les habitants de Kounar, soutenus par leurs compatriotes et les secours, luttent pour se relever, une pierre à la fois.
