En ce jour de réouverture de Notre-Dame de Paris, l’émotion est palpable dans la capitale. Mais au-delà de la restauration d’un chef-d’œuvre architectural, c’est un véritable symbole d’unité et d’espoir qui renaît de ses cendres. Comme le souligne avec éloquence Chems-eddine Hafiz, recteur de la Grande mosquée de Paris, cet événement marque « la résurrection d’un pont entre les cœurs et les croyances ».
Une Sœur Ancienne, Gardienne du Patrimoine Commun
Pour la communauté musulmane parisienne, Notre-Dame n’est pas qu’un monument religieux chrétien. C’est une présence familière et rassurante, une « sœur ancienne » qui veille sur un héritage partagé. Même ceux qui ne partagent pas la foi chrétienne ressentent un lien profond avec ce lieu sacré, témoin silencieux de l’histoire de la ville.
Voir ses flèches et ses tours s’élancer à nouveau vers le ciel de Paris, c’est voir le triomphe de la lumière sur les cendres, de l’espoir sur le désespoir.
Chems-eddine Hafiz, recteur de la Grande mosquée de Paris
Marie, un Pont Entre l’Islam et le Christianisme
Au-delà de la symbolique architecturale, Notre-Dame porte aussi en elle les germes d’un dialogue interreligieux fécond. Le recteur rappelle ainsi que Marie, mère de Jésus, est la seule femme mentionnée nommément dans le Coran. Une sourate entière lui est même consacrée, soulignant les racines communes qui unissent les deux traditions abrahamiques.
Quand le Minaret et les Clochers se Côtoient
Cette harmonie entre les confessions, Chems-eddine Hafiz la voit aussi symbolisée par les paroles visionnaires du maréchal Lyautey, prononcées lors de la pose de la première pierre de la Grande Mosquée en 1922. Un message de coexistence et de respect mutuel qui résonne avec une acuité particulière en ce jour de résurrection pour Notre-Dame :
Quand s’érigera le minaret que vous allez construire, il ne montera vers le beau ciel de l’Île-de-France qu’une prière de plus, dont les tours catholiques de Notre-Dame ne seront point jalouses.
Maréchal Lyautey, 1922
Un siècle plus tard, le minaret et les clochers se dressent toujours côte à côte dans le ciel parisien, témoins d’une harmonie possible entre les croyances. Une proximité qui n’est pas le fruit du hasard, mais l’héritage d’une tradition de respect mutuel, profondément ancrée dans les valeurs universelles portées par la capitale.
La Protection des Églises, un Devoir Sacré en Islam
Cette ouverture à l’autre, la Grande Mosquée de Paris en fait même un pilier de son engagement. Dans son dernier numéro, le magazine de l’institution consacre un long article à « la protection des églises en Islam », présentée comme « un devoir sacré de respect et de coexistence ». Une main tendue qui prend tout son sens en ce jour de communion autour de Notre-Dame.
Azzedine Hedna, Bâtisseur de Ponts
Parmi les artisans de cette réconciliation, il en est un dont le parcours force le respect. Azzedine Hedna, manutentionnaire franco-marocain, a œuvré jusqu’à son dernier souffle à la restauration de Notre-Dame. Décédé le 8 novembre dernier à l’âge de 64 ans, il laisse derrière lui l’image d’un bâtisseur de ponts, travaillant dans l’ombre pour rapprocher les communautés.
Notre-Dame, Phare d’Espoir et de Résilience
Au-delà du symbole religieux, Notre-Dame s’impose aujourd’hui comme un phare d’espoir et de résilience pour tous les Parisiens. Sa résurrection, portée par l’engagement de femmes et d’hommes de tous horizons, est la preuve éclatante que la lumière peut triompher des ténèbres, et que l’unité peut naître des cendres.
Alors que les portes de la cathédrale s’ouvrent à nouveau, c’est tout Paris qui vibre à l’unisson. Chrétiens, musulmans, croyants de toutes confessions et non-croyants se rassemblent pour célébrer ce patrimoine commun, symbole d’une identité partagée qui transcende les différences.
En ce jour de réouverture, Notre-Dame nous offre bien plus qu’un témoignage de la beauté et du génie humain. Elle devient le phare d’une société ouverte, respectueuse de la diversité, et profondément unie autour de ses valeurs fondatrices. Une leçon d’espoir et de résilience dont nous avons tant besoin en ces temps troublés.