Le 10 mars 1687, la cathédrale Notre-Dame de Paris a été le théâtre d’un événement marquant qui a ému tout Paris. Ce jour-là, un hommage solennel a été rendu au prince de Condé, cousin du roi Louis XIV, décédé trois mois plus tôt. Retour sur cette cérémonie funèbre d’une ampleur inédite.
Une cérémonie à la hauteur du Grand Condé
Louis II de Bourbon-Condé, dit le Grand Condé, était une figure emblématique de son époque. Brillant chef militaire, il s’était illustré lors de nombreuses batailles, dont celle de Rocroi en 1643. À sa mort le 11 décembre 1686, le roi Louis XIV a tenu à lui rendre un dernier hommage digne de son rang et de ses exploits.
C’est ainsi que le 10 mars 1687, une cérémonie funèbre grandiose a été organisée en la cathédrale Notre-Dame de Paris. Selon une source proche de la cour, il s’agissait de « la plus belle, de la plus magnifique et de la plus triomphante pompe funèbre qui ait jamais été faite depuis qu’il y a des mortels ».
Un décor somptueux et symbolique
Pour l’occasion, la cathédrale avait été aménagée d’un décor à la hauteur du défunt. Sous un grand portique se dressait le catafalque, couvert d’un poêle de drap d’or brodé d’hermine. On y voyait la couronne à fleurs de lys, les colliers des ordres royaux et le manteau du prince.
Tout autour, des centaines de cierges et de flambeaux éclairaient la nef, tandis que des tentures noires brodées d’argent recouvraient les piliers. Les armoiries des Condé étaient visibles en de multiples endroits, rappelant la prestigieuse lignée du défunt.
Une cérémonie suivie par toute la cour
La cérémonie a réuni les plus grands noms du royaume. Le roi lui-même était présent, ainsi que la reine et le dauphin. Les princes et princesses du sang, les ducs et pairs, les maréchaux de France et les chevaliers des ordres royaux avaient également fait le déplacement pour rendre un dernier hommage au Grand Condé.
L’oraison funèbre a été prononcée par Bossuet, le célèbre orateur et prédicateur. Dans un discours resté dans les annales, il a retracé la vie et les exploits du prince, louant son courage, sa loyauté et sa foi.
« Venez, peuples, venez maintenant; mais venez plutôt, princes et seigneurs, et vous qui jugez la terre, et vous qui ouvrez aux hommes les portes du ciel; et vous, plus que tous les autres, princes et princesses, nobles rejetons de tant de rois, lumières de la France, mais aujourd’hui obscurcies et couvertes de votre douleur comme d’un nuage; venez voir le peu qui nous reste d’une si auguste naissance, de tant de grandeur, de tant de gloire. »
– Bossuet, Oraison funèbre du Grand Condé, 10 mars 1687
Le dernier voyage du cœur du Grand Condé
Après la cérémonie, le corps du prince a été inhumé dans la nécropole royale de Saint-Denis. Mais son cœur a connu un autre destin. Selon ses volontés, il a été transporté dans l’église Saint-Louis des Jésuites (aujourd’hui église Saint-Paul-Saint-Louis), qu’il avait fait construire à Paris.
Cet ultime voyage a été l’occasion d’une nouvelle procession solennelle à travers les rues de la capitale. Le cœur était porté sur un carreau de velours noir, entouré de la couronne ducale et des colliers des ordres. Toute la cour a suivi le convoi jusqu’à sa destination finale, rendant ainsi un dernier hommage au vainqueur de Rocroi.
Notre-Dame, témoin des grands moments de l’Histoire
La cérémonie funèbre du Grand Condé reste l’une des plus grandioses jamais organisées à Notre-Dame de Paris. Elle témoigne du rôle central joué par la cathédrale dans les grands événements du royaume.
Au fil des siècles, Notre-Dame a été le théâtre de nombreuses cérémonies marquantes :
- Sacres des rois de France, de Philippe Auguste à Charles X
- Mariages royaux, comme celui de Marguerite de Valois et Henri de Navarre en 1572
- Baptêmes des enfants royaux
- Funérailles des souverains et des grands du royaume
- Te Deum et messes solennelles pour célébrer les victoires militaires et les traités de paix
Chacune de ces cérémonies a été l’occasion de déployer un faste et une pompe extraordinaires, à la mesure de la majesté du lieu. Draperies, luminaires, décors éphémères… Rien n’était trop beau pour honorer Dieu et le roi en la cathédrale Notre-Dame.
Un lieu de mémoire pour la France
Aujourd’hui encore, Notre-Dame de Paris reste profondément liée à l’histoire de France. Les grandes heures du pays y résonnent, des premiers Capétiens à la Libération de Paris en 1944, en passant par les obsèques de personnages illustres comme Victor Hugo ou Charles de Gaulle.
Malgré l’incendie qui l’a gravement endommagée en 2019, la cathédrale demeure un symbole puissant qui suscite une immense ferveur. Sa restauration, entreprise dans la foulée du sinistre, témoigne de l’attachement des Français à ce joyau du patrimoine. Un attachement qui puise ses racines dans des cérémonies grandioses comme celle du 10 mars 1687, qui ont fait de Notre-Dame le cœur vibrant de la nation.