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Norvège : Vers une Économie Sans Pétrole d’ici 2050 ?

La Norvège, championne du pétrole et des voitures électriques, vient de créer une commission pour imaginer son économie quand les gisements seront épuisés. Le parti écologiste obtient gain de cause… mais jusqu'où ira vraiment cette transition ?

Imaginez un pays qui doit la quasi-totalité de sa richesse à une ressource finie, et qui, du jour au lendemain, décide d’anticiper sérieusement le jour où cette ressource viendra à manquer. C’est exactement ce qui se passe en Norvège en cette fin d’année 2025.

Mercredi, un accord politique majeur a été conclu. En échange de leur soutien au budget 2026, les écologistes ont obtenu du gouvernement travailliste la création d’une commission dédiée à l’avenir économique du pays dans un monde post-hydrocarbures.

La Norvège se prépare enfin à tourner la page pétrolière

Premier producteur de pétrole et de gaz en Europe hors Russie, la Norvège vit depuis cinquante ans sur l’or noir de la mer du Nord. Ce modèle a permis au pays de constituer le plus grand fonds souverain du monde, dépassant les 1 600 milliards d’euros. Mais la production décline inexorablement depuis le pic de 2000.

Le compromis obtenu par le parti écologiste MDG marque un tournant symbolique. Une responsable financière du parti l’a exprimé avec une formule forte : le pays commence à écrire le dernier chapitre de son histoire pétrolière pour ouvrir de nouvelles aventures.

Qu’est-ce que cette « commission de transition » va réellement faire ?

Son mandat est clair et ambitieux. Elle devra explorer différents scénarios pour renforcer la résilience de l’économie norvégienne face au déclin attendu de la production d’hydrocarbures.

Concrètement, les travaux porteront sur la reconversion de la main-d’œuvre actuellement employée dans le secteur pétrolier, le redéploiement des compétences techniques vers d’autres industries, et l’utilisation plus efficace des ressources naturelles restantes.

« Examiner différents scénarios et mesures visant à améliorer la capacité d’adaptation de l’économie norvégienne »

Cette formulation officielle montre que le gouvernement prend au sérieux la fin programmée de l’ère pétrolière, même s’il refuse pour l’instant de fixer une date butoir de sortie des hydrocarbures.

Un compromis en demi-teinte pour les écologistes

Le parti MDG réclamait dans son programme une sortie complète des hydrocarbures d’ici 2040. L’accord obtenu reste bien en-deçà de cette ambition. Pas de calendrier précis, pas d’engagement ferme de fin d’exploration.

Cependant, la création de cette commission représente une victoire symbolique importante. Pour la première fois, un gouvernement norvégien reconnaît officiellement que la transition vers une économie décarbonée n’est plus une option mais une nécessité.

Ce compromis illustre parfaitement la difficulté de concilier prospérité immédiate et responsabilité climatique dans un pays dont le modèle économique repose encore très largement sur les énergies fossiles.

Les voitures électriques : l’autre grand dossier du compromis

L’accord budgétaire ne se limite pas à la question pétrolière. Il inclut aussi un étalement dans le temps de la suppression des avantages fiscaux sur les véhicules électriques, véritable fierté nationale.

Aujourd’hui, l’achat d’une voiture électrique neuve est totalement exonéré de TVA (25 %) jusqu’à 500 000 couronnes, soit environ 42 500 euros. Le gouvernement voulait initialement réduire brutalement ce seuil à 300 000 couronnes dès 2026 puis supprimer complètement l’avantage en 2027.

Nouveau calendrier des avantages TVA sur les voitures électriques :

  • 2026 : maintien du seuil à 500 000 couronnes
  • 2027 : réduction à 150 000 couronnes (sous réserve d’accord européen)
  • 2028 : suppression complète de l’exonération

Cette progressivité a été saluée par l’Association norvégienne des véhicules électriques, qui y voit une mesure favorable au maintien du leadership mondial du pays en matière d’électromobilité.

Pourquoi la Norvège est déjà championne mondiale de la voiture électrique

Le chiffre est impressionnant : près de 100 % des nouvelles immatriculations sont désormais électriques. Ce record mondial n’est pas le fruit du hasard mais d’une politique volontaire menée depuis plus de trente ans.

Exonération de TVA, péages gratuits, parking gratuit, accès aux couloirs de bus… la Norvège a tout mis en œuvre pour rendre l’électrique plus attractif que le thermique. Résultat : Oslo est devenue la capitale mondiale de la voiture électrique.

Même les constructeurs premium comme Porsche ou Audi voient leurs modèles les plus chers s’écouler principalement en version électrique en Norvège, un phénomène unique au monde.

Le paradoxe norvégien : champion du climat et du pétrole

Voilà le grand paradoxe norvégien : le pays qui affiche le taux de pénétration des voitures électriques le plus élevé au monde est aussi celui qui continue d’extraire massivement du pétrole et du gaz pour l’exportation.

Cette schizophrénie climatique est régulièrement pointée du doigt. La Norvège finance sa transition verte… avec les revenus de ses activités fossiles. Le fonds souverain, alimenté par les pétrodollars, investit massivement dans les énergies renouvelables à l’étranger tout en continuant à développer de nouveaux gisements chez elle.

Cette commission de transition pourrait-elle marquer le début de la résolution de ce paradoxe ? Beaucoup en doutent, tant les intérêts économiques restent colossaux.

Quelles alternatives pour remplacer le pétrole ?

La question centrale que devra traiter la commission est simple à poser, complexe à résoudre : avec quoi remplacer les centaines de milliards de couronnes générés chaque année par les hydrocarbures ?

Plusieurs pistes existent déjà. L’hydrogène vert, produit grâce à l’abondante électricité hydraulique norvégienne, fait figure de candidat sérieux. L’éolien offshore, où le pays possède un savoir-faire considérable grâce à ses plateformes pétrolières, représente une autre voie prometteuse.

La capture et le stockage de carbone, technologie dans laquelle la Norvège est pionnière avec le projet Longship, pourrait aussi permettre de maintenir une partie de l’activité industrielle tout en réduisant drastiquement les émissions.

Un modèle pour d’autres pays producteurs ?

Ce qui se passe en Norvège intéresse bien au-delà de ses frontières. L’Arabie saoudite avec Vision 2030, les Émirats arabes unis avec leurs investissements massifs dans le renouvelable, ou encore l’Écosse suivent avec attention l’expérience norvégienne.

Le fonds souverain norvégien, qui commence à désinvestir progressivement des énergies fossiles, fait figure de modèle pour la gestion responsable des revenus pétroliers. Beaucoup de pays aimeraient pouvoir dire un jour qu’ils ont su transformer leur malédiction pétrolière en bénédiction durable.

L’initiative norvégienne pourrait créer un précédent. Pour la première fois, un grand pays producteur crée une structure officielle dédiée à la planification de l’après-pétrole, sans attendre que les gisements soient épuisés.

Vers un nouveau modèle nordique ?

L’histoire norvégienne est riche d’exemples de transformations réussies. La pêche à la morue, autrefois pilier économique, a été remplacée par le pétrole. Pourquoi le pétrole ne pourrait-il pas être remplacé à son tour ?

Le pays dispose d’atouts considérables : une population très qualifiée, des institutions solides, une énergie hydraulique abondante et bon marché, une tradition d’innovation dans le secteur maritime et offshore.

La vraie question n’est peut-être pas de savoir si la Norvège réussira sa transition, mais plutôt à quelle vitesse et à quel coût social. Car si le modèle actuel a permis de créer une société parmi les plus égalitaires et prospères du monde, rien ne garantit que le prochain sera aussi vertueux.

L’accord conclu mercredi marque le début d’un processus long et incertain. Mais pour la première fois, la Norvège regarde vraiment son avenir dans les yeux, au-delà du prochain baril de pétrole. Et cela, en soi, constitue déjà une petite révolution.

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