Chaque automne, le monde littéraire retient son souffle à l’approche de l’annonce du Nobel de littérature, un prix qui consacre non seulement un auteur, mais souvent une vision, une culture, voire une époque. En 2024, la Sud-Coréenne Han Kang a marqué l’histoire en devenant la première femme asiatique à décrocher cette distinction prestigieuse. Mais pour 2025, les spéculations vont bon train : l’Académie suédoise, fidèle à ses habitudes, pourrait-elle couronner un écrivain occidental, homme de surcroît ? Les noms circulent, les attentes s’intensifient, et les débats sur la diversité et la qualité littéraire s’enflamment. Plongeons dans les coulisses de ce prix légendaire, ses favoris, ses tendances et ses enjeux.
Un Retour aux Racines Traditionnelles ?
Depuis sa création en 1901, le Nobel de littérature a souvent été perçu comme un bastion des lettres occidentales. Sur les 121 lauréats, la majorité sont des hommes, et les langues européennes ou anglo-saxonnes dominent largement. Pourtant, ces dernières années, l’Académie suédoise semble vouloir diversifier ses choix. En 2024, Han Kang a brisé un plafond de verre en devenant la première femme asiatique récompensée, après des lauréates comme Annie Ernaux en 2022 ou Louise Glück en 2020. Mais pour 2025, les observateurs s’attendent à un retour vers un profil plus « classique » : un homme, probablement européen ou issu du monde anglo-saxon.
Pourquoi ce revirement ? Selon certains critiques, l’Académie, bien qu’elle insiste sur la primauté de la qualité littéraire, ne peut ignorer les dynamiques de représentation. Après plusieurs années marquées par des choix audacieux, un retour à un lauréat plus traditionnel pourrait rééquilibrer la balance, du moins dans l’esprit des observateurs. Mais qui sont les favoris de cette édition 2025 ?
Les Favoris : Une Pléiade d’Auteurs Talentueux
Les spéculations autour du Nobel de littérature sont un sport annuel pour les critiques et les amateurs de littérature. Cette année, plusieurs noms reviennent avec insistance, portés par des œuvres marquantes et une reconnaissance internationale. Voici les principaux prétendants :
- Gerald Murnane (Australie) : Cet écrivain de 86 ans, qui n’a jamais quitté son pays natal, est célébré pour son style introspectif et onirique, notamment dans Les Plaines, un roman qualifié de « chef-d’œuvre bizarre » par certains critiques.
- Mircea Cartarescu (Roumanie) : Poète et romancier, il est connu pour ses récits complexes mêlant réalité et fantastique, avec une prose qui captive les lecteurs du monde entier.
- Christian Kracht (Suisse) : À 58 ans, son dernier roman, Air, explore le consumérisme et les quêtes existentielles, un mélange audacieux qui pourrait séduire l’Académie.
- Laszlo Krasznahorkai et Peter Nadas (Hongrie) : Ces deux auteurs hongrois, figures majeures de la littérature européenne, sont régulièrement cités pour leur profondeur et leur innovation.
- George Saunders (États-Unis) : Connu pour ses nouvelles et son humour mordant, il incarne une voix singulière dans le paysage littéraire anglo-saxon.
Ces noms, bien que divers, reflètent une tendance : l’Académie pourrait pencher pour un auteur dont l’œuvre est ancrée dans une tradition littéraire occidentale, tout en offrant une touche d’originalité. Mais d’autres voix, moins attendues, pourraient également créer la surprise.
Des Outsiders aux Ambitions Légitimes
Si les favoris occupent le devant de la scène, d’autres auteurs, souvent issus de régions moins représentées, pourraient tirer leur épingle du jeu. L’Indien Amitav Ghosh, par exemple, a récemment dominé les sites de paris, grâce à ses récits mêlant histoire, écologie et identité culturelle. En Amérique latine, des noms comme ceux de l’Argentin César Aira, du Chilien Raúl Zurita ou des Mexicaines Fernanda Melchor et Cristina Rivera Garza circulent également. Ces auteurs, porteurs de voix nouvelles et puissantes, rappellent que le Nobel peut aussi être un outil pour mettre en lumière des régions ou des perspectives sous-représentées.
Pourtant, choisir un lauréat d’Amérique latine ou d’Asie pourrait être perçu comme un geste audacieux, surtout après le sacre de Han Kang. L’Académie, qui n’a pas couronné d’auteur sud-américain depuis Mario Vargas Llosa en 2010, pourrait-elle saisir cette opportunité pour diversifier davantage son palmarès ?
« Après Han Kang, il est probable que l’Académie opte pour un homme blanc, peut-être issu d’une sphère linguistique anglo-saxonne ou européenne. »
Un critique littéraire suédois
L’Académie Suédoise : Entre Tradition et Modernité
L’Académie suédoise, institution séculaire, est au cœur de toutes les attentions. Ses choix, scrutés par le monde entier, sont le fruit de délibérations secrètes, dont les détails ne sont révélés qu’après 50 ans. Ce mystère alimente les spéculations, mais aussi les critiques. Longtemps accusée de favoriser les hommes et les auteurs occidentaux, l’Académie a entrepris un virage notable depuis le scandale #MeToo de 2018, qui a secoué ses fondations.
Depuis, l’institution s’est renouvelée, avec une composition plus diversifiée et des choix de lauréats reflétant une volonté d’ouverture. Près de la moitié des lauréats depuis 2017 sont des femmes, un chiffre qui contraste avec le passé, où seules 18 des 121 récipiendaires étaient des femmes. Cette évolution suggère une prise de conscience des enjeux de représentation et de diversité, même si l’Académie insiste sur la primauté de la qualité littéraire.
| Année | Lauréat(e) | Origine | Genre |
|---|---|---|---|
| 2024 | Han Kang | Corée du Sud | Femme |
| 2022 | Annie Ernaux | France | Femme |
| 2020 | Louise Glück | États-Unis | Femme |
| 2010 | Mario Vargas Llosa | Pérou | Homme |
Les Indices Subtils de l’Académie
Les amateurs du Nobel scrutent chaque détail pour deviner le futur lauréat. Un indice souvent cité ? La présence des membres de l’Académie lors d’événements littéraires. Par exemple, en 2004, la dramaturge autrichienne Elfriede Jelinek avait été repérée lors d’un colloque où l’Académie était présente au premier rang. Cette année, un phénomène similaire a été observé lors du salon du livre de Göteborg, où l’écrivain suisse Christian Kracht a attiré l’attention des jurés. Coïncidence ou signe avant-coureur ?
Pour Gerald Murnane, les spéculations vont au-delà de sa simple présence littéraire. Cet Australien discret, vivant reclus à la campagne, intrigue par son mode de vie. « Il ne quitte jamais l’Australie, vit à la campagne et reste peu accessible », note une critique. Cette singularité pourrait séduire une Académie en quête d’authenticité.
« La question est de savoir s’il répondra au téléphone. Je ne sais même pas s’il en a un ! »
Une critique littéraire à propos de Gerald Murnane
Les Enjeux de la Diversité
Le Nobel de littérature n’est pas seulement une récompense littéraire ; il est aussi un miroir des dynamiques culturelles et sociales. Depuis sa création, le prix a été critiqué pour son manque de diversité linguistique et géographique. Aucune langue africaine n’a jamais été représentée, et les langues asiatiques ou moyen-orientales restent marginales. Ce constat pousse certains à espérer un choix plus audacieux en 2025, qui mettrait en lumière une voix issue d’une région sous-représentée.
Pourtant, l’Académie doit jongler avec des attentes contradictoires : récompenser l’excellence littéraire tout en répondant aux appels à une plus grande inclusivité. Les récents lauréats, comme Abdulrazak Gurnah en 2021, ont montré que l’institution est capable de surprendre. Mais un retour à un lauréat occidental pourrait-il être perçu comme un pas en arrière ?
Quelques chiffres clés du Nobel de littérature :
- 121 lauréats depuis 1901.
- 18 femmes récompensées, soit environ 15 %.
- 0 lauréat issu d’une langue africaine.
- 5 lauréats d’Amérique latine depuis la création du prix.
Un Prix aux Multiples Facettes
Le Nobel de littérature est plus qu’une récompense : c’est un événement qui suscite des débats, des espoirs et des controverses. Chaque année, il met en lumière non seulement un auteur, mais aussi les évolutions du monde littéraire. En 2025, l’Académie suédoise aura l’occasion de confirmer son virage vers plus de diversité ou de réaffirmer son ancrage dans la tradition. Quel que soit le choix, il sera scruté, analysé, et sans doute critiqué.
Les favoris comme Gerald Murnane ou Christian Kracht incarnent une littérature audacieuse, mais accessible. Les outsiders, tels qu’Amitav Ghosh ou Fernanda Melchor, portent des voix qui pourraient enrichir le palmarès. Une chose est sûre : le 9 octobre 2025, à 13h00 à Stockholm, le monde découvrira un nouveau chapitre de l’histoire du Nobel. Qui sera l’heureux élu ?
Le suspense reste entier, mais une chose est certaine : le Nobel de littérature 2025 continuera de faire parler, d’inspirer et de diviser.
