Chaque année, à l’approche de l’annonce du prix Nobel de littérature, le monde des lettres retient son souffle. Qui sera couronné par l’Académie suédoise ? Après la victoire historique de Han Kang en 2024, première femme asiatique à décrocher cette récompense prestigieuse, les spéculations vont bon train pour 2025. Les regards se tournent vers un possible retour vers l’Occident, avec des noms comme Christian Kracht ou Gerald Murnane en tête des pronostics. Mais l’Académie, connue pour ses choix parfois inattendus, pourrait-elle surprendre une fois encore ? Plongeons dans cette effervescence littéraire.
Un Tournant Occidental pour le Nobel 2025 ?
En 2024, l’Académie suédoise a marqué les esprits en récompensant Han Kang, saluant une voix féminine et asiatique dans un prix souvent dominé par les hommes et les auteurs occidentaux. Ce choix a été perçu comme un signe d’ouverture, mais aussi comme une réponse aux critiques sur le manque de diversité dans les palmarès précédents. Alors, que nous réserve 2025 ? Selon les observateurs, un retour vers un auteur occidental, peut-être anglophone ou germanophone, semble probable. Mais l’Académie, fidèle à son goût pour l’imprévisible, pourrait brouiller les pistes.
Les critères de sélection restent un mystère, enfermés dans un secret de 50 ans. Pourtant, les indices glanés lors d’événements littéraires, comme le salon du livre de Göteborg, alimentent les spéculations. Cette année, un nom revient avec insistance : celui de l’écrivain suisse Christian Kracht, dont la présence a attiré l’attention des membres de l’Académie. Est-ce un signe ?
Christian Kracht : L’Étoile Germanophone
À 58 ans, Christian Kracht est une figure majeure de la littérature germanophone. Son dernier roman, Air, non encore traduit en français, est un mélange audacieux de réel et de fantastique. Il y explore des thèmes comme le consumérisme et la quête de sens, avec une plume incisive qui séduit autant qu’elle déconcerte. Lors du salon du livre de Göteborg, les membres de l’Académie suédoise étaient au premier rang pour écouter Kracht. Un détail qui n’a pas échappé aux observateurs, car un précédent similaire avait précédé la victoire d’Elfriede Jelinek en 2004.
« L’Académie suédoise était là au grand complet, assise au premier rang. En général, c’est un signe qui ne trompe pas. »
Un critique littéraire suédois
Kracht, avec son style audacieux et son regard critique sur la modernité, pourrait incarner le choix d’une Académie cherchant à récompenser une voix européenne marquante. Mais il n’est pas seul dans la course.
Gerald Murnane : Le Mystique Australien
De l’autre côté du globe, l’Australien Gerald Murnane, âgé de 86 ans, fait figure de favori. Son œuvre, méconnue du grand public, est célébrée par les cercles littéraires pour sa profondeur et son originalité. Son roman Les Plaines (1982), souvent qualifié de « chef-d’œuvre bizarre », transporte le lecteur dans un univers onirique où les vastes plaines australiennes deviennent le théâtre d’une réflexion sur l’identité et le temps.
Murnane, qui n’a jamais quitté l’Australie et vit reclus à la campagne, incarne une figure presque mythique. Mais son isolement pose une question amusante : répondra-t-il au téléphone si l’Académie appelle ?
« La question est de savoir s’il répondra au téléphone, je ne sais même pas s’il en a un. »
Une critique littéraire
Son style introspectif et sa capacité à transformer le quotidien en poésie font de lui un candidat sérieux. Pourtant, son profil atypique pourrait aussi jouer en sa défaveur face à des auteurs plus accessibles.
Alexis Wright : Une Voix Aborigène Puissante
Dans la liste des favoris, une autre Australienne se distingue : Alexis Wright, écrivaine aborigène dont les œuvres explorent l’histoire et l’identité des peuples autochtones. Ses romans, comme Carpentaria, mêlent réalisme magique et récits ancrés dans la culture aborigène, offrant une perspective unique sur l’Australie contemporaine. Récompenser Wright serait un geste fort, marquant une nouvelle étape vers la reconnaissance de voix marginalisées.
Le choix d’une autrice aborigène pourrait également répondre à l’élan de diversité amorcé par l’Académie ces dernières années. Après Han Kang, une telle décision renforcerait l’idée d’un Nobel plus inclusif.
Une Académie en Mutation
L’Académie suédoise, qui décerne le prix, a traversé des bouleversements ces dernières années. Un scandale en 2018 a conduit à un renouvellement de ses membres, avec pour objectif de rendre le jury plus diversifié et ses choix moins élitistes. Depuis, les lauréats, comme Han Kang ou Louise Glück, témoignent d’une volonté de célébrer des voix variées, loin des figures masculines et occidentales qui ont longtemps dominé.
Ce changement se reflète dans les chiffres. Parmi les 121 lauréats depuis la création du prix, seules 18 femmes ont été récompensées, et les auteurs de langues asiatiques ou moyen-orientales restent rares. Les langues africaines, quant à elles, sont absentes du palmarès.
Année | Lauréat | Origine | Genre |
---|---|---|---|
2024 | Han Kang | Corée du Sud | Femme |
2010 | Mario Vargas Llosa | Pérou | Homme |
2004 | Elfriede Jelinek | Autriche | Femme |
Cette table illustre la rareté des lauréats non occidentaux et des femmes. Mais la « nouvelle » Académie semble déterminée à changer la donne, avec des choix qui surprennent et élargissent les horizons littéraires.
Les Outsiders à Suivre
Outre Kracht, Murnane et Wright, d’autres noms circulent parmi les « nobélisables ». Le Roumain Mircea Cărtărescu, connu pour ses fresques littéraires complexes, ou le Hongrois László Krasznahorkai, maître du roman philosophique, sont régulièrement cités. La Canadienne Anne Carson, avec sa poésie érudite, et le Chilien Raúl Zurita, dont l’œuvre résonne avec l’histoire politique de son pays, sont également en lice.
Certains parient aussi sur un retour vers l’Amérique latine, absente du palmarès depuis Mario Vargas Llosa en 2010. La Mexicaine Cristina Rivera Garza, avec ses récits introspectifs, pourrait incarner ce renouveau. Enfin, des auteurs comme l’Indien Amitav Ghosh ou l’Argentin César Aira apportent une touche globale à cette liste éclectique.
- Mircea Cărtărescu : Romans denses et oniriques, mêlant mémoire et histoire.
- László Krasznahorkai : Style méditatif, explorant les confins de l’âme humaine.
- Anne Carson : Poésie savante, entre mythologie et modernité.
- Cristina Rivera Garza : Récits introspectifs, ancrés dans la mémoire mexicaine.
Les Enjeux d’un Choix
Le choix du lauréat 2025 ne sera pas anodin. Récompenser un auteur occidental pourrait être perçu comme un retour aux sources pour l’Académie, tandis qu’un lauréat issu d’une région moins représentée renforcerait l’élan de diversité. Chaque décision est scrutée, analysée, et parfois critiquée, car le Nobel de littérature est plus qu’un prix : c’est un miroir des évolutions culturelles et sociales.
Les délibérations, gardées secrètes pendant un demi-siècle, ajoutent à l’aura de mystère. Les membres de l’Académie, appuyés par un comité d’experts, passent en revue des centaines de candidatures. Leur choix final, annoncé le 9 octobre 2025 à 13h00, s’accompagnera d’une dotation de 11 millions de couronnes suédoises (près d’un million d’euros).
Vers un Nobel Plus Ouvert ?
Si l’Académie a longtemps été accusée d’élitisme, les récents lauréats montrent une volonté d’ouverture. Des auteurs comme Han Kang, avec sa prose poétique et universelle, ou Abdulrazak Gurnah, qui a mis en lumière les récits postcoloniaux, témoignent d’un élargissement des perspectives. Mais jusqu’où ira cette évolution ?
Pour certains, le Nobel doit continuer à célébrer des voix marginalisées, qu’il s’agisse d’écrivains issus de cultures sous-représentées ou de femmes, encore minoritaires dans le palmarès. Pour d’autres, l’Académie pourrait chercher à équilibrer en revenant vers des figures occidentales établies. Quoi qu’il en soit, le choix de 2025 sera un nouveau chapitre dans l’histoire mouvementée du prix.
Et Si l’Académie Surprenait Encore ?
L’histoire du Nobel est jalonnée de surprises. Qui aurait prédit la victoire de Bob Dylan en 2016, ou celle de Jon Fosse en 2023 ? L’Académie suédoise aime déjouer les attentes, et 2025 pourrait être l’occasion d’un nouveau coup d’éclat. Un auteur méconnu, une voix inattendue, ou même un genre littéraire rarement célébré, comme la poésie ou l’essai, pourrait émerger.
En attendant l’annonce, les spéculations continuent d’alimenter les discussions. Christian Kracht, Gerald Murnane, Alexis Wright, ou un outsider ? Une chose est sûre : le 9 octobre 2025, le monde littéraire aura les yeux rivés sur Stockholm.
Le saviez-vous ? Le Nobel de littérature, créé en 1901, n’a récompensé que 18 femmes en plus d’un siècle. L’édition 2025 pourrait-elle poursuivre la dynamique d’inclusivité initiée ces dernières années ?
Alors, qui succédera à Han Kang ? Un romancier suisse, un ermite australien, ou une voix encore inconnue du grand public ? Le suspense reste entier, et c’est ce qui fait la magie du Nobel. Rendez-vous le 9 octobre pour découvrir le verdict.