Dans un rebondissement inattendu de la saga du rachat d’US Steel, le mastodonte japonais de l’acier Nippon Steel a dévoilé de nouvelles propositions visant à débloquer la situation. Selon des sources proches du dossier, le groupe nippon tenterait par ce biais de lever les réticences du gouvernement américain, farouchement opposé jusqu’ici à cette opération.
Un droit de veto sur la table
Parmi les concessions avancées, Nippon Steel serait prêt à accorder à l’administration US un droit de veto sur toute réduction potentielle des capacités de production d’US Steel sur le sol américain. Ce pouvoir de blocage s’étendrait sur une période de dix ans, représentant ainsi un engagement financier colossal de la part des Japonais pour maintenir l’outil industriel.
Une proposition loin d’être anodine quand on sait que l’industrie sidérurgique est considérée comme stratégique par Washington, les États-Unis étant le premier importateur mondial d’acier. La crainte d’une perte de souveraineté dans ce domaine critique est au cœur des réticences américaines.
Biden et Trump sur la même ligne
Fait rare, le président sortant démocrate Joe Biden et son successeur républicain Donald Trump partagent la même analyse sur ce dossier brûlant. Les deux hommes ont exprimé à maintes reprises leur opposition à ce mariage à 15 milliards de dollars.
Biden, qui doit rendre sa décision finale dans les prochains jours, pourrait toutefois demander des garanties supplémentaires, repoussant la responsabilité sur les épaules de Trump, qui prendra ses fonctions le 20 janvier. Un scénario qui laisserait planer l’incertitude sur l’issue de ce bras de fer industriel.
Syndicats et salariés inquiets
Du côté des syndicats, l’heure est à la mobilisation. L’influent United Steelworkers (USS) a fait part de sa ferme opposition au projet, malgré les promesses de Nippon Steel de ne procéder à aucun licenciement ni fermeture de site avant au moins deux ans.
Pour tenter d’amadouer les 22 000 salariés américains d’US Steel, les Japonais ont mis sur la table une prime de 5000 dollars par employé si l’acquisition est finalisée. Pas sûr cependant que cela suffise à faire taire les craintes sur l’avenir à long terme de l’emploi et des usines.
Des investissements massifs promis
Conscient de naviguer en eaux troubles, Nippon Steel a sorti l’artillerie lourde côté investissements, promettant d’injecter 2,7 milliards de dollars sur les sites stratégiques de Mon Valley en Pennsylvanie et Gary dans l’Indiana, deux bastions syndicaux.
Des engagements financiers significatifs, mais qui peinent à dissiper le climat de méfiance. Beaucoup craignent qu’une fois l’acquisition actée, le nouvel ensemble ne revienne sur ses promesses et ne sacrifie l’emploi américain sur l’autel des économies d’échelle et de la compétitivité mondiale.
Un enjeu économique et diplomatique
Au-delà des questions industrielles, ce dossier revêt une importance symbolique et diplomatique. Les tractations de Nippon Steel sont scrutées de près à Tokyo comme à Washington.
Côté japonais, on espère que le pragmatisme économique primera. Une intégration réussie offrirait à Nippon Steel un accès privilégié au gigantesque marché américain et renforcerait sa stature internationale dans un secteur ultra-concurrentiel.
Mais le gouvernement américain doit composer avec des impératifs politiques intérieurs. La sidérurgie, historiquement associée à la puissance industrielle du pays, reste un sujet politiquement sensible. Donner son feu vert au rachat d’un champion national par un groupe étranger, japonais qui plus est, constitue un véritable défi pour l’exécutif.
Les prochains jours s’annoncent donc décisifs. Entre logique économique et passion politique, Biden et Trump devront trancher. Si les concessions nippones pèseront sans doute dans la balance, difficile pour l’heure de prédire l’épilogue de ce dossier brûlant. L’industrie sidérurgique mondiale retient son souffle.