Imaginez rentrer chez vous après une journée ordinaire et découvrir que dix membres de votre village ont disparu, emportés par des hommes en armes sous le couvert de la nuit. Ce n’est pas le scénario d’un film d’action, mais la réalité brutale que vivent des milliers de Nigérians ces derniers jours.
Mercredi 26 novembre 2025, dans deux petits villages de l’État du Niger, au centre-ouest du pays, des bandits lourdement armés ont frappé une nouvelle fois. Bilan : dix personnes enlevées en quelques minutes seulement. Et ce n’est que la partie émergée d’un iceberg terrifiant.
Une vague d’enlèvements sans précédent
En l’espace de dix jours à peine, plus de 350 personnes ont été kidnappées à travers plusieurs États du Nigeria. Un chiffre qui donne le vertige et qui révèle l’ampleur d’une crise sécuritaire qui semble échapper à tout contrôle.
Écoles, lieux de culte, routes isolées, villages reculés : aucun endroit ne semble à l’abri. Les assaillants agissent avec une audace croissante, comme s’ils défiaient ouvertement l’État.
Le dernier épisode dans l’État du Niger
Le soir du 26 novembre, vers 20 heures, les villages d’Angwan-Kawo et Kuchipa ont été pris d’assaut. Des hommes armés, dont on ignore encore l’identité exacte, ont surgi et emporté dix habitants.
Le porte-parole de la police locale, Wasiu Abiodun, a confirmé l’attaque le lendemain : des opérations de recherche sont en cours pour retrouver les victimes. Mais pour l’instant, aucune nouvelle des otages.
« Des efforts sont actuellement déployés pour secourir les victimes »
Wasiu Abiodun, porte-parole de la police de l’État du Niger
Une série noire qui s’allonge chaque jour
Cet enlèvement n’est malheureusement pas un cas isolé. Quelques jours plus tôt, dans ce même État du Niger, plus de 300 enfants et enseignants d’une école catholique de Papiri avaient été kidnappés le 22 novembre. Un choc national.
Ailleurs dans le pays, la litanie est glaçante :
- 25 lycéennes musulmanes enlevées à Maga, dans l’État de Kebbi (nord-ouest)
- 38 fidèles kidnappés dans une église à Eruku, État de Kwara
- 10 autres personnes emportées à Ispa, toujours dans le Kwara
- 13 jeunes filles enlevées dans l’État de Borno, bastion historique des jihadistes
Certains groupes ont été libérés depuis – les 25 lycéennes de Maga, les 38 fidèles d’Eruku, une cinquantaine d’élèves de Papiri –, mais des dizaines de personnes restent aux mains de leurs ravisseurs.
Qui sont ces ravisseurs ?
La question hante tous les esprits. Jihadistes affiliés à Boko Haram ou à l’État islamique en Afrique de l’Ouest ? Bandits criminels opérant pour des rançons ? La frontière est parfois poreuse.
Dans les États du nord-ouest et du centre, les groupes qualifiés de « bandits » – souvent des éleveurs peuls armés en conflit avec les agriculteurs – se sont professionnalisés. Ils attaquent villages, écoles et axes routiers avec une organisation quasi militaire.
Leur objectif principal : l’argent des rançons. Des sommes parfois colossales qui financent l’achat d’armes plus sophistiquées, créant un cercle vicieux infernal.
Une population prise en étau
Dans les zones rurales, la peur est devenue une compagne quotidienne. Les parents hésitent à envoyer leurs enfants à l’école. Les voyageurs évitent certaines routes après le coucher du soleil.
Les communautés se barricadent comme elles peuvent, parfois avec l’aide de milices d’autodéfense. Mais face à des assaillants équipés de fusils d’assaut et circulant en moto par dizaines, les moyens sont dérisoires.
Conséquence directe : des milliers d’enfants ont déjà déserté les bancs de l’école dans les régions les plus touchées. L’éducation, déjà fragile, vacille un peu plus.
Les autorités sous pression
Cette nouvelle vague d’enlèvements met le gouvernement fédéral face à ses responsabilités. Les critiques fusent de toutes parts : manque de moyens, corruption dans les forces de sécurité, absence de stratégie globale.
Chaque libération d’otages – souvent après paiement de rançon – renforce paradoxalement les kidnappeurs, qui y voient une activité lucrative et peu risquée.
Pourtant, des opérations militaires sont régulièrement annoncées. Des bases de bandits sont bombardées, des chefs neutralisés. Mais sur le terrain, la population attend toujours de voir un vrai retournement.
Vers une crise humanitaire aggravée ?
À force de déplacements forcés, de villages abandonnés et d’enfants déscolarisés, c’est tout un tissu social qui se délite dans le nord et le centre du Nigeria.
Les humanitaires tirent la sonnette d’alarme : malnutrition, traumatismes psychologiques, précarité accrue. Les conséquences de cette insécurité chronique risquent de se faire sentir pendant des années.
Et pendant ce temps, dans les villages touchés, on continue de compter les absents. Dix de plus depuis mercredi soir. Dix familles qui retiennent leur souffle en attendant un signe, une nouvelle, un miracle.
Le Nigeria, géant africain de 220 millions d’habitants, est à la croisée des chemins. Entre l’espoir de voir enfin une réponse ferme et coordonnée et la crainte que cette vague ne soit que le début d’un cauchemar plus profond encore.
Une chose est sûre : derrière chaque chiffre, chaque statistique, il y a des visages, des histoires, des vies brisées. Et aujourd’hui, dix de plus viennent allonger cette liste déjà bien trop longue.









