Dans le nord-ouest du Nigeria, une opération militaire d’envergure a secoué l’État de Zamfara. Une coalition de forces locales, soutenue par des unités spécialisées, a lancé un assaut contre le bastion d’un chef de gang redouté, Bello Turji. Cet affrontement, marqué par une violence extrême, a laissé derrière lui un bilan tragique : plus d’une centaine de morts, mais le chef criminel reste insaisissable. Comment en est-on arrivé là, et que révèle cette offensive sur l’insécurité chronique qui gangrène cette région ?
Une Offensive Meurtrière Contre un Gang Puissant
L’opération, menée dans le district de Shinkafi, visait à démanteler l’emprise d’un gang criminel dirigé par Bello Turji, une figure centrale de la criminalité organisée dans la région. Soutenue par la Garde civile de protection de Zamfara (CPG), une milice locale appuyée par le gouvernement, l’attaque a mobilisé des ressources importantes, incluant des membres de la police secrète nigériane et des unités anti-jihadistes venues du nord-est. Après des heures d’échanges de tirs intenses, le bilan est lourd : plus de 100 combattants du gang auraient été tués.
Cette offensive n’était pas un simple coup de force. Elle s’inscrit dans une lutte plus large contre les gangs armés, surnommés bandits par les populations locales, qui sèment la terreur depuis des années. Ces groupes, lourdement armés, opèrent en toute impunité, multipliant attaques, enlèvements et extorsions. Mais malgré ce carnage, l’objectif principal – capturer ou éliminer Turji – n’a pas été atteint. Pourquoi ce chef de gang reste-t-il aussi insaisissable ?
Qui Est Bello Turji, le Chef de Gang Insaisissable ?
À seulement 31 ans, Bello Turji est devenu l’un des criminels les plus craints du Nigeria. Originaire de Shinkafi, cet ancien éleveur a basculé dans la criminalité en 2011, s’adonnant d’abord au vol de bétail avant de se spécialiser dans les enlèvements contre rançon. Au fil des années, il a consolidé son pouvoir, prenant le contrôle de plusieurs districts, dont Isa, Goronyo et Sabon Birni. Là, il impose des taxes illégales aux communautés, n’hésitant pas à lancer des raids meurtriers contre celles qui refusent de payer.
« Tout le monde en a assez de ses atrocités », a déclaré un conseiller à la sécurité de l’État de Zamfara.
Sa cruauté ne connaît pas de limites. En mai dernier, plus de 5 000 villageois ont fui leurs foyers après ses menaces d’attaques. Redouté par les habitants, il est pourtant vénéré par ses hommes, certains lui prêtant même des pouvoirs surnaturels. Cette aura, combinée à sa capacité à déjouer les offensives militaires, en fait une cible particulièrement difficile à neutraliser.
Un Conflit aux Racines Complexes
Les violences dans le nord-ouest du Nigeria ne sont pas un phénomène isolé. À l’origine, elles découlent de rivalités entre éleveurs peuls et agriculteurs pour l’accès aux terres et aux ressources. Ces tensions, exacerbées par la prolifération des armes, ont évolué en un conflit plus large, où les gangs criminels prospèrent. Leur collaboration croissante avec des groupes jihadistes, actifs dans le nord-est depuis 16 ans, aggrave encore la situation.
Les bandits, motivés par l’appât du gain, se sont professionnalisés, utilisant des armes sophistiquées et des tactiques élaborées. Leur capacité à s’organiser et à recruter renforce leur emprise sur des régions entières. Cette alliance informelle avec les jihadistes, qui cherchent à instaurer un califat, complique les efforts des autorités pour rétablir l’ordre.
Chiffres clés du conflit :
- Plus de 100 bandits tués dans l’offensive de Shinkafi.
- Au moins 20 membres des milices et groupes d’autodéfense morts.
- 5 000 villageois déplacés en mai à cause des menaces de Turji.
Une Offensive Menée par un Repenti
L’opération contre Turji était dirigée par Bashari Maniya, un ancien bandit repenti devenu allié des forces de sécurité. Sa connaissance des tactiques des gangs en faisait un atout précieux. Malheureusement, Maniya a péri dans les combats, aux côtés d’au moins 19 autres membres des milices. Ce revers tragique souligne les risques auxquels sont confrontées les forces locales dans leur lutte contre les gangs.
Selon une source sécuritaire, Turji aurait été prévenu de l’attaque, lui permettant de mobiliser des renforts d’autres camps de bandits. Cette préparation a transformé l’opération en un affrontement sanglant, où les pertes ont été lourdes des deux côtés. Une vidéo circulant en ligne montre Turji célébrant avec ses hommes devant les corps de miliciens tués, dont celui de Maniya, confirmant la brutalité de ce conflit.
Des Accords de Paix Fragiles
Les autorités de Zamfara ont tenté à plusieurs reprises de négocier avec Turji. Des accords de paix ont été conclus par le passé, mais le chef de gang n’a jamais respecté ses engagements, reprenant rapidement ses activités criminelles. En février 2021, il a menacé d’introduire des gangs étrangers pour déstabiliser davantage le pays, une provocation qui a marqué les esprits.
En décembre 2021, des frappes aériennes ont visé ses camps, tuant son frère et d’autres membres de sa famille. Pourtant, Turji a survécu, renforçant sa réputation d’insaisissable. Ces échecs répétés des forces de sécurité soulèvent des questions sur leur capacité à contrer des criminels aussi organisés.
Les Défis de la Sécurité au Nigeria
La lutte contre les gangs criminels au Nigeria est un défi de taille. Les bandits opèrent dans des zones rurales difficiles d’accès, où les forces de sécurité manquent souvent de moyens. La porosité des frontières facilite le trafic d’armes, tandis que la pauvreté et le chômage poussent certains jeunes à rejoindre ces groupes. La collaboration entre bandits et jihadistes complique encore davantage la réponse sécuritaire.
« Beaucoup de bandits ont été tués, mais le bilan exact est difficile à établir », a indiqué une source sécuritaire anonyme.
Face à cette situation, les milices locales, comme la CPG, jouent un rôle croissant. Cependant, leur manque d’entraînement et de coordination avec l’armée limite leur efficacité. De plus, la mort de figures comme Bashari Maniya fragilise ces efforts, laissant les communautés vulnérables aux représailles.
Quel Avenir pour Zamfara ?
L’offensive de Shinkafi, bien que spectaculaire, n’a pas mis fin à la menace représentée par Bello Turji et ses hommes. Son emprise sur la région, combinée à sa capacité à déjouer les opérations militaires, en fait un adversaire redoutable. Les habitants de Zamfara vivent dans la peur, pris entre les violences des gangs et les opérations des forces de sécurité.
Pour les autorités, le défi est double : neutraliser les chefs criminels tout en s’attaquant aux causes profondes du conflit, comme la pauvreté et l’accès aux armes. Sans une approche globale, les violences risquent de perdurer, plongeant davantage la région dans le chaos.
| Aspect | Détails |
|---|---|
| Lieu | District de Shinkafi, État de Zamfara |
| Bilan | Plus de 100 bandits tués, 20 miliciens morts |
| Objectif | Capturer ou éliminer Bello Turji |
| Résultat | Turji reste en fuite |
Le Nigeria se trouve à un tournant. La lutte contre les gangs criminels comme celui de Bello Turji exige une mobilisation sans précédent, combinant efforts militaires, réformes sociales et coopération régionale. Mais tant que des chefs comme Turji resteront en liberté, la paix demeurera un horizon lointain pour les habitants de Zamfara.
