En juillet 2023, un coup d’État a bouleversé le paysage politique du Niger, renversant le président élu Mohamed Bazoum et instaurant un régime militaire sous la direction du général Abdourahamane Tiani. Depuis, le pays traverse une période de transition complexe, marquée par des défis sécuritaires et des transformations institutionnelles. Une étape majeure de cette refondation nationale a été franchie récemment avec l’installation d’un Conseil consultatif de la Refondation (CCR), un organe destiné à remplacer l’Assemblée nationale dissoute. Cet événement, retransmis à la télévision nationale, soulève des questions cruciales : quel rôle ce conseil jouera-t-il dans un pays confronté à des violences jihadistes et à une instabilité régionale ?
Un Nouveau Chapitre pour la Gouvernance au Niger
Le Niger, pays sahélien aux prises avec des défis multiples, a vu son paysage politique redessiné après le coup d’État de 2023. L’installation du Conseil consultatif marque une tentative du régime militaire de structurer la gouvernance dans un contexte où les institutions démocratiques traditionnelles ont été mises à l’écart. Ce conseil, composé de 194 membres issus des huit régions du pays et nommés en partie par le régime, n’a pas de pouvoir législatif, mais il est chargé de conseiller le général Tiani sur des questions cruciales pour la nation.
Ce nouvel organe, créé par une ordonnance en avril dernier, est une réponse à la dissolution de l’Assemblée nationale, un acte symbolique fort du régime militaire. Mais au-delà de la symbolique, quelle est la portée réelle de ce conseil ? Pour comprendre son rôle, il faut plonger dans les missions qui lui sont confiées et les défis qu’il devra relever dans un pays en quête de stabilité.
Le Rôle du Conseil Consultatif : Conseiller sans Légiférer
Le Conseil consultatif de la Refondation a une mission claire, bien que limitée : fournir des avis au chef du régime militaire sur des questions d’intérêt national. Contrairement à une assemblée législative classique, il n’a pas le pouvoir de voter des lois ou de contrôler l’action du gouvernement. Ses membres, qualifiés de « conseillers » plutôt que de députés, peuvent toutefois proposer des recommandations de leur propre initiative, qui seront transmises directement au général Tiani.
La Refondation d’un pays est un exercice difficile, parfois périlleux, mais toujours couronné de succès pour les peuples résilients.
Mamoudou Harouna Djingarey, président du CCR
Cette citation, prononcée lors de la cérémonie d’installation à Niamey, reflète l’ambition du conseil : accompagner le Niger dans une période de transition tout en mobilisant la résilience de sa population. Mais sans pouvoir législatif, le CCR risque-t-il de n’être qu’une façade institutionnelle ? Ses 194 membres, un mélange de civils et de militaires, devront prouver leur capacité à influencer les décisions dans un contexte où le pouvoir reste concentré entre les mains du régime militaire.
Une Composition Régionale et Militaire
La composition du Conseil consultatif est un point clé pour comprendre son fonctionnement. Les 194 conseillers ont été désignés pour représenter les huit régions du Niger, garantissant une certaine diversité géographique. Cependant, une partie d’entre eux a été directement nommée par le régime militaire, ce qui soulève des questions sur l’indépendance de l’organe. Cette mixité entre civils et militaires reflète la volonté du régime de maintenir un contrôle étroit tout en intégrant des voix régionales.
Quelques chiffres clés sur le Conseil :
- 194 membres : un mélange de civils et de militaires.
- 8 régions représentées : pour une couverture nationale.
- 0 pouvoir législatif : un rôle strictement consultatif.
Cette structure, bien qu’inclusive sur le papier, pourrait être perçue comme un outil du régime pour légitimer ses décisions tout en limitant les contre-pouvoirs. La cérémonie d’installation, marquée par la présence de figures régionales et internationales, a toutefois donné un éclat solennel à cet événement, soulignant son importance pour le régime.
Un Contexte Sécuritaire Explosif
Le Niger fait face à des défis sécuritaires majeurs, notamment dans ses régions ouest et sud-est, où des groupes jihadistes affiliés à Al-Qaïda et à l’État islamique opèrent depuis 2015. Ces violences, qui touchent également le Burkina Faso et le Mali voisins, ont conduit à la création de l’Alliance des États du Sahel (AES), une confédération réunissant ces trois pays sous des régimes militaires. Cette alliance a mis en place une force conjointe de 5 000 hommes pour lutter contre le terrorisme, un défi central pour le Niger.
Dans un contexte où le Niger est confronté à des défis sécuritaires, notamment la lutte contre le terrorisme, je vous demande d’inscrire vos actions en droite ligne des intérêts supérieurs de notre pays.
Général Mohamed Toumba, ministre de l’Intérieur
Ce message du ministre de l’Intérieur, adressé aux membres du CCR, met en lumière l’urgence de la situation. Le conseil devra donc non seulement conseiller sur des questions de gouvernance, mais aussi proposer des solutions face à une menace sécuritaire qui pèse lourdement sur la population et l’économie du pays.
Une Dimension Régionale et Internationale
L’installation du Conseil consultatif a attiré l’attention de plusieurs pays voisins, comme en témoigne la présence de représentants des régimes militaires du Burkina Faso et du Mali, ainsi que des présidents des Assemblées nationales du Ghana et du Tchad. Cette participation internationale montre que les transformations politiques au Niger s’inscrivent dans un contexte régional plus large, où les pays du Sahel cherchent à coordonner leurs efforts face à des défis communs.
L’Alliance des États du Sahel, en particulier, illustre cette volonté de coopération. En unissant leurs forces, le Niger, le Burkina Faso et le Mali espèrent contrer l’influence des groupes jihadistes et stabiliser la région. Le Conseil consultatif pourrait jouer un rôle dans la formulation de stratégies régionales, même si son pouvoir reste limité.
Pays | Représentant | Rôle |
---|---|---|
Burkina Faso | Ousmane Bougouma | Président de l’Assemblée législative |
Mali | Malick Diaw | Président de l’Assemblée législative |
Ghana | Alban Sumana Kings Ford Badbin | Président de l’Assemblée nationale |
Tchad | Ali Kolotou Tchaïmi | Président de l’Assemblée nationale |
Ce tableau illustre la dimension régionale de l’événement, avec des représentants de pays aux contextes politiques variés, allant des régimes militaires aux démocraties établies. Leur présence témoigne de l’importance accordée à la transition nigérienne sur la scène africaine.
Les Défis de la Refondation Nationale
La « refondation » du Niger, évoquée par Mamoudou Harouna Djingarey, est un projet ambitieux mais semé d’embûches. Le pays doit non seulement faire face aux violences jihadistes, mais aussi répondre aux attentes d’une population confrontée à la pauvreté, à l’insécurité alimentaire et à l’instabilité politique. Le Conseil consultatif, malgré ses limites, pourrait jouer un rôle symbolique en incarnant une volonté de renouveau.
Pour réussir, le CCR devra :
- Proposer des solutions concrètes pour renforcer la sécurité nationale.
- Promouvoir l’inclusion des différentes régions et communautés du Niger.
- Éviter de n’être qu’un organe de façade au service du régime militaire.
Ces objectifs, bien que louables, nécessiteront une coordination étroite avec les autres institutions du pays et un soutien régional, notamment via l’Alliance des États du Sahel. La présence de représentants étrangers lors de l’installation du conseil montre que le Niger ne peut pas agir seul face à ses défis.
Quel Avenir pour le Niger ?
L’installation du Conseil consultatif de la Refondation est une étape significative, mais elle soulève autant de questions qu’elle n’apporte de réponses. Dans un pays où la démocratie a été mise en pause, le CCR peut-il véritablement influencer les décisions du régime militaire ? Sa capacité à proposer des solutions face aux défis sécuritaires et sociaux sera déterminante pour sa légitimité aux yeux de la population.
Le Niger, comme ses voisins du Sahel, se trouve à un carrefour. La coopération régionale, incarnée par l’Alliance des États du Sahel, offre une lueur d’espoir face à la menace jihadiste. Cependant, la réussite de cette alliance et du Conseil consultatif dépendra de la capacité du régime à répondre aux besoins de la population tout en restaurant une forme de stabilité politique.
En conclusion, le Conseil consultatif de la Refondation représente une tentative audacieuse de réinventer la gouvernance au Niger. Sans pouvoir législatif, son influence reste incertaine, mais son rôle consultatif pourrait poser les bases d’une transition plus inclusive. Dans un contexte marqué par l’insécurité et les tensions régionales, les regards sont tournés vers ce nouvel organe pour voir s’il saura répondre aux attentes d’un peuple résilient.