Dans un coin reculé du Sahel, où le sable rencontre le fleuve Niger, une frontière invisible sépare deux nations autrefois unies par des liens commerciaux et culturels. Depuis juillet 2023, la tension entre le Niger et le Bénin a transformé cette région en un symbole d’isolement. La junte nigérienne, dirigée par le général Abdourahamane Tiani, maintient la frontière terrestre close, accusant son voisin d’abriter des forces déstabilisatrices. Cette situation, qui paralyse les échanges et affecte les populations, soulève une question brûlante : comment deux pays voisins peuvent-ils sortir de cette impasse diplomatique ?
Une crise aux racines profondes
Depuis le coup d’État au Niger en juillet 2023, les relations avec le Bénin se sont tendues. Le régime militaire, prônant une politique souverainiste, accuse le Bénin d’héberger des bases militaires étrangères, notamment françaises, qui auraient pour objectif de déstabiliser le pays. Ces allégations, bien que démenties par Cotonou, ont conduit à une fermeture prolongée de la frontière terrestre, affectant les populations des deux côtés.
Le général Tiani a réaffirmé en mai dernier que la frontière resterait fermée, tout en précisant que le conflit ne visait pas le peuple béninois, mais les prétendues forces étrangères. Cette rhétorique, empreinte de méfiance, reflète un climat de suspicion qui complique toute tentative de dialogue.
L’impact humain et économique
La fermeture de la frontière a des conséquences directes sur les populations. À Cotonou, dans le quartier de Zongo, les transporteurs comme Ibrahim Abou Koura témoignent d’une activité en chute libre. Autrefois débordante de marchandises, sa concession est aujourd’hui presque déserte. Les bus, jadis pleins, peinent à trouver des passagers.
Ceux qui souffrent, ce sont les populations des deux pays.
Ibrahim Abou Koura, transporteur nigérien à Cotonou
Les échanges commerciaux, pilier des relations entre les deux nations, ont drastiquement diminué. Le corridor Niger-Bénin, autrefois le plus sûr et le plus rentable pour les transporteurs, est aujourd’hui inutilisable pour les camions, qui doivent emprunter des routes dangereuses à travers le Burkina Faso, une région en proie à des attaques jihadistes.
Les chiffres clés de la crise :
- Réduction de 80 % des échanges commerciaux depuis 2023.
- Augmentation des coûts de transport via des routes alternatives.
- Blocage de l’exportation d’uranium nigérien via le Bénin.
Le rôle du fleuve Niger
Malgré la fermeture terrestre, le fleuve Niger reste une voie de passage. À Malanville, ville frontalière béninoise, les marchandises et les voyageurs traversent le cours d’eau pour rejoindre l’autre rive. Cependant, cette solution est limitée : les camions lourds ne peuvent pas emprunter cette voie, ce qui oblige les transporteurs à prendre des risques sur des routes moins sécurisées.
Alassane Amidou, résident de Malanville, explique que les traversées fluviales permettent de maintenir un minimum d’échanges, mais elles ne suffisent pas à compenser l’impact de la fermeture terrestre. Cette situation fragilise les économies locales, déjà vulnérables face à l’insécurité croissante dans la région.
Le pipeline pétrolier : un signe d’espoir ?
En fin d’année 2024, un progrès notable a été enregistré : la reprise de l’acheminement du pétrole nigérien vers le port de Sèmè-Kpodji, via un pipeline transfrontalier. Ce projet, essentiel pour l’économie nigérienne, avait été perturbé par la crise. Sa réactivation montre qu’une coopération, même limitée, reste possible.
Cependant, d’autres secteurs, comme l’exportation d’uranium, restent paralysés. Les autorités nigériennes attendent une amélioration des relations diplomatiques ou des alternatives logistiques pour relancer ce commerce stratégique.
Les efforts diplomatiques du Bénin
Face aux accusations, le Bénin adopte une posture conciliante. Le ministre des Affaires étrangères, Olushegun Adjadi Bakari, a récemment exprimé son espoir de voir la situation se débloquer, tout en insistant sur l’absence de bases militaires étrangères sur le sol béninois. Cette position est renforcée par des initiatives passées, comme la visite de deux anciens présidents béninois à Niamey, bien que sans succès.
Nous avons bon espoir que cela se règle rapidement. La porte reste ouverte.
Olushegun Adjadi Bakari, ministre béninois des Affaires étrangères
Un nouvel ambassadeur béninois pourrait bientôt être nommé à Niamey, dans l’espoir de relancer le dialogue. Cependant, la démarche de l’ancien ambassadeur, qui avait présenté des excuses publiques au peuple nigérien, a été perçue comme une faiblesse diplomatique à Cotonou, compliquant les efforts de réconciliation.
L’ombre du jihadisme
La crise ne se limite pas aux relations bilatérales. Le Bénin fait face à une recrudescence des attaques jihadistes sur son territoire depuis le début de 2025. L’absence de coopération avec ses voisins sahéliens, dont le Niger, aggrave cette vulnérabilité. Lassina Diarra, expert en sécurité, souligne que l’incapacité à dialoguer directement avec NiPROOF
les voisins renforce l’état de fragilité du Bénin face à ces menaces. Cette situation met en lumière l’importance d’une coopération régionale pour lutter contre le jihadisme, un défi commun aux deux pays.
Vers une sortie de crise ?
Les perspectives de normalisation restent incertaines. Guillaume Moumouni, spécialiste des relations internationales, estime que l’élection présidentielle béninoise d’avril 2026 pourrait ouvrir la voie à des négociations plus sérieuses. En attendant, les populations continuent de subir les conséquences d’une crise qui, bien que politique, a des répercussions humaines et économiques profondes.
Enjeu | Impact |
---|---|
Fermeture de la frontière | Réduction des échanges commerciaux et humains |
Pipeline pétrolier | Reprise partielle en 2024, mais uranium bloqué |
Insécurité régionale | Augmentation des attaques jihadistes |
La crise entre le Niger et le Bénin illustre les défis complexes auxquels le Sahel est confronté. Entre souveraineté nationale, accusations mutuelles et insécurité croissante, les deux pays doivent trouver un terrain d’entente pour relancer leur coopération. L’avenir des populations et de l’économie régionale en dépend.