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Nigel Farage Conquiert l’Écosse avec Reform UK

Nigel Farage débarque en Écosse, terre hostile il y a dix ans encore. Aujourd’hui, Reform UK flirte avec les 20 % dans les sondages. Le SNP tremble, Labour s’effondre, les Tories sont déjà morts… Mais jusqu’où ira vraiment cette vague anti-immigration au pays du chardon ?

Imaginez la scène. Un homme que l’on chassait des pubs écossais à coups de « Rentrez à Londres ! » il y a à peine dix ans revient aujourd’hui en terrain conquis. Nigel Farage, samedi à Falkirk, entre Glasgow et Édimbourg, a pris la parole devant des centaines de partisans. Et dehors, des manifestations pro et anti-immigration se répondent devant un hôtel hébergeant des demandeurs d’asile. L’Écosse change. Vite.

Reform UK, le nouveau cauchemar de l’establishment écossais

Personne ne l’avait vu venir. Pas à ce point. Le parti anti-immigration fondé par le champion du Brexit caracole aujourd’hui en tête des intentions de vote au Royaume-Uni entier. Et voilà qu’il s’invite désormais dans le jardin soigneusement entretenu des indépendantistes et des travaillistes au nord du mur d’Hadrien.

Les derniers sondages font mal. Très mal. Reform UK pourrait devenir la deuxième force politique lors des élections au Parlement écossais de mai 2026. Derrière le SNP, bien sûr, toujours solide. Mais devant le Labour, pourtant au pouvoir à Westminster depuis l’été 2024. Et loin, très loin devant les conservateurs, déjà rayés de la carte politique écossaise.

D’où vient cette percée fulgurante ?

Tout a commencé par un constat simple : les Écossais en ont assez. Assez des promesses non tenues, assez du sentiment que rien ne change vraiment à Holyrood depuis vingt ans. Le SNP gouverne sans discontinuer depuis 2007. Le Labour a repris Westminster mais déçoit déjà. Les Tories ? Un souvenir douloureux.

Dans ce vide politique, Reform UK avance ses pions. Sans parler d’indépendance – sujet explosif sur lequel le parti est farouchement unioniste et donc perdant d’avance – mais en martelant deux thèmes qui parlent soudainement à beaucoup d’Écossais : le coût de la vie et l’immigration.

« Le type d’électeurs que Reform attire en Écosse est similaire à ceux qu’il a séduits ailleurs : anti-immigration, pro-Brexit et globalement sceptiques envers l’establishment. »

Fraser McMillan, maître de conférence à l’université d’Édimbourg

Et ça fonctionne. Là où l’immigration n’apparaissait même pas dans le top 10 des préoccupations il y a quelques années, elle truste aujourd’hui la deuxième place, juste derrière l’économie, selon les derniers chiffres YouGov.

Falkirk, symbole du basculement

Pourquoi Falkirk ? La ville n’a pas été choisie au hasard. Depuis plusieurs mois, un hôtel local héberge des demandeurs d’asile. Les tensions sont quotidiennes. Manifestations, contre-manifestations, sentiment d’insécurité palpable. Karen, une retraitée du coin, résume le sentiment de beaucoup :

« Je ne me sens plus en sécurité. Les choses ont beaucoup changé ces dernières années. »

C’est exactement sur ce terrain que Reform UK prospère. Pas besoin de longs discours sur la proportionnelle ou les compétences dévolues. Un message clair, répété en boucle : trop d’immigration, trop vite, sans contrôle.

Les grands perdants : Tories et Labour

Les conservateurs paient le prix fort. Plus de la moitié des électeurs qui se tournent aujourd’hui vers Reform UK votaient Tory il y a encore quelques années. Quatorze ans de pouvoir à Londres, suivis d’une déroute historique en 2024, ont achevé de les discréditer.

Le Labour, lui, paie sa lune de miel ratée. Arrivé au pouvoir porté par l’espoir du changement, le parti de Keir Starmer voit son soutien s’effondrer en Écosse comme ailleurs. Trop centriste pour les uns, pas assez audacieux pour les autres. Reform UK, lui, incarne le vote sanction pur et dur.

Donnée choc : Reform UK est passé de 7 % aux législatives de 2024 à plus de 20 % dans les intentions de vote pour Holyrood 2026. Une progression jamais vue dans l’histoire politique récente écossaise.

Un parti riche, très riche

Autre signe qui ne trompe pas : l’argent arrive. Jeudi, Reform UK a annoncé avoir reçu la plus grosse donation politique jamais faite de son vivant par un Britannique : neuf millions de livres sterling. Donateur ? Christopher Harborne, investisseur en cryptomonnaies et soutien de la première heure.

Avec une telle manne, le parti peut désormais financer une campagne professionnelle, recruter du personnel, imprimer des tonnes de tracts. En Écosse, où la campagne pour 2026 a déjà commencé dans les faits, cet argent fait toute la différence.

Farage reste clivant, très clivant

Mais tout n’est pas rose. Nigel Farage reste une personnalité qui divise profondément. Sept Écossais sur dix affirment qu’ils ne voteraient jamais pour lui, selon le Scottish Election Study. Ses sorties récentes sur la « destruction culturelle » à Glasgow – où un élève sur trois n’a pas l’anglais comme langue maternelle – ont choqué une partie de l’opinion.

Et puis il y a le Brexit. L’Écosse a voté à 62 % pour rester dans l’Union européenne en 2016. Le cheval de bataille de Farage reste un boulet dans ce territoire farouchement pro-européen.

« Il y a une limite à la progression de Reform en Écosse, notamment à cause du Brexit. »

John Curtice, politologue

Un parti encore sans visage écossais

Autre faiblesse : Reform UK reste incarné à 90 % par Nigel Farage. En Écosse, il manque encore un leader local crédible, capable de parler avec l’accent du coin et de comprendre les spécificités du terrain. Le parti promet de nommer rapidement une figure forte. Reste à voir qui.

Car pour l’instant, quand on vote Reform en Écosse, on vote avant tout Farage. Et ça peut être à double tranchant.

2026, le vrai test

Les élections de mai 2026 seront un révélateur. Le système écossais, avec sa forte dose de proportionnelle, favorise les petits partis. Reform UK pourrait rafler de nombreux sièges sur la liste régionale, même avec un score modeste dans les circonscriptions.

Et après ? Le parti de Farage vise déjà plus loin : la victoire aux prochaines législatives britanniques de 2029. L’Écosse, terre de mission il y a encore deux ans, est devenue un laboratoire grandeur nature. Si ça passe là, ça peut passer partout.

Une chose est sûre : la politique écossaise ne sera plus jamais la même. Le vieux bipartisme SNP-Labour vacille. Une nouvelle force, populiste, anti-immigration, unioniste et décomplexée, est en train de s’installer durablement. Et personne, absolument personne, ne sait jusqu’où elle ira.

À suivre de très près.

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