Dans les rues de Managua, l’aube s’accompagne d’un silence lourd, brisé par le vrombissement des véhicules de police. Ce matin-là, un homme de 76 ans, autrefois héros de la révolution sandiniste, est emmené, menottes aux poignets. Bayardo Arce, conseiller économique du président Daniel Ortega, figure emblématique d’une époque révolue, tombe sous le couperet d’une accusation de corruption. Cet événement, loin d’être isolé, soulève une question brûlante : le Nicaragua assiste-t-il à une purge orchestrée au sommet du pouvoir ?
Une Chute Spectaculaire dans les Cercles du Pouvoir
L’arrestation de Bayardo Arce marque un tournant dans la politique nicaraguayenne. Ce vétéran de la lutte contre la dictature de Somoza en 1979, compagnon d’armes de Daniel Ortega, incarnait la vieille garde du Front sandiniste de libération nationale (FSLN). Pourtant, son incarcération révèle des fissures au sein de ce mouvement historique. Selon des sources en exil, cette opération s’inscrit dans une purge interne, menée sous l’égide de Rosario Murillo, épouse et coprésidente d’Ortega. Mais que cache cette manœuvre ?
L’Ombre de Rosario Murillo
Rosario Murillo, figure centrale du régime, est souvent décrite comme la véritable architecte de cette purge. À 74 ans, elle combine charisme et autorité, consolidant son influence au fil des années. Des observateurs affirment qu’elle prépare le terrain pour une succession politique, alors que Daniel Ortega, affaibli par des problèmes de santé, montre des signes de fragilité. Murillo, avec l’aval de son époux, semble écarter les figures historiques susceptibles de contester son ascension.
« Rosario Murillo ne laisse rien au hasard. Chaque arrestation est un message clair : elle contrôle l’avenir du sandinisme. »
Un opposant en exil
La stratégie de Murillo repose sur une centralisation du pouvoir. En éliminant des figures comme Arce, elle réduit les risques d’opposition interne tout en renforçant son emprise sur les institutions. Cette purge, toutefois, n’est pas sans conséquences : elle alimente les tensions au sein du FSLN et suscite des interrogations sur la pérennité du régime.
Bayardo Arce : De Héros à Accusé
Bayardo Arce n’est pas un inconnu au Nicaragua. Sa trajectoire incarne l’idéal révolutionnaire des années 1970. Membre clé de la guérilla sandiniste, il a contribué à renverser Anastasio Somoza, avant d’occuper des postes stratégiques dans les gouvernements post-révolutionnaires. En tant que conseiller économique d’Ortega, il gérait des dossiers sensibles, notamment des transactions liées aux intérêts de l’État. Mais cette position l’a-t-elle conduit à sa chute ?
Selon les autorités, Arce est accusé de « transactions et négociations illégales ». Des perquisitions à son domicile ont révélé des documents compromettants, bien que les détails restent flous. Son refus de coopérer avec les enquêteurs a précipité son arrestation, survenue après une descente spectaculaire de dizaines de policiers dans sa résidence de Managua. Ricardo Bonilla, son assistant, a également été arrêté pour des raisons similaires, renforçant l’idée d’une opération ciblée.
Récapitulatif des faits :
- Bayardo Arce arrêté à l’aube après une perquisition.
- Accusations : transactions illégales liées à des propriétés.
- Ricardo Bonilla, son assistant, également incarcéré.
Une Purge Ciblant la Vieille Garde
Arce n’est pas le premier sandiniste historique à tomber. Depuis mars, Henry Ruiz, autre figure de la révolution, est assigné à résidence. Humberto Ortega, frère du président et ancien chef de l’armée, a subi le même sort avant son décès en septembre 2024. Ces mesures visent clairement les vétérans du FSLN, perçus comme des obstacles potentiels à la consolidation du pouvoir par Rosario Murillo.
Cette purge s’inscrit dans un contexte de fragilité pour Daniel Ortega. À 79 ans, le président souffre de lupus et d’insuffisance rénale, des conditions qui limitent ses apparitions publiques. Lors de récents événements, il est apparu affaibli, peinant à se déplacer. Ces signes de déclin physique alimentent les spéculations sur une transition imminente, orchestrée par Murillo.
Le Contexte Politique : Un Régime Contesté
Daniel Ortega dirige le Nicaragua depuis 2007, après des réélections controversées. Son régime, marqué par un autoritarisme croissant, est critiqué par la communauté internationale pour ses violations des droits humains et la répression des opposants. Les manifestations de 2018, sévèrement réprimées, ont accentué l’isolement du pays sur la scène mondiale. Dans ce climat tendu, la purge actuelle semble être une tentative de renforcer le contrôle interne face à des pressions externes et internes.
La révolution sandiniste, jadis symbole d’espoir pour les classes populaires, est aujourd’hui perçue par beaucoup comme un régime dynastique. L’influence de Rosario Murillo, souvent comparée à une vice-reine, cristallise les critiques. Son rôle dans la purge actuelle renforce cette image, tout en soulevant des questions sur l’avenir du sandinisme.
Quelles Conséquences pour le Nicaragua ?
La chute de Bayardo Arce et la purge des vétérans du FSLN ont des implications profondes. D’une part, elles signalent une reconfiguration du pouvoir au sein du régime. Rosario Murillo, en éliminant les figures historiques, s’assure un contrôle quasi absolu sur les institutions et les ressources. D’autre part, ces événements risquent d’aggraver les divisions au sein du FSLN, fragilisant un mouvement déjà contesté.
Pour les Nicaraguayens, la situation est alarmante. La concentration du pouvoir entre les mains d’un couple présidentiel, couplée à des accusations de corruption, érode la confiance dans les institutions. Les observateurs craignent une instabilité croissante, surtout si la santé d’Ortega continue de se détériorer.
| Figure | Statut | Date |
|---|---|---|
| Bayardo Arce | Incarcéré | 2025 |
| Henry Ruiz | Assigné à résidence | Mars 2025 |
| Humberto Ortega | Assigné à résidence, décédé | Septembre 2024 |
Un Avenir Incertain
Le Nicaragua se trouve à un carrefour. La purge orchestrée par Rosario Murillo, bien qu’efficace à court terme, pourrait fragiliser le régime à long terme. En marginalisant la vieille garde sandiniste, Murillo s’expose à des critiques internes et à une perte de légitimité historique. Par ailleurs, la dépendance croissante du régime sur une figure unique – Murillo elle-même – pose des risques en cas de crise politique ou économique.
Pour les opposants, cette purge est une opportunité. En exil, ils dénoncent un régime corrompu et appellent à une mobilisation internationale. Mais face à la répression, leurs options restent limitées. Le Nicaragua, jadis terre de révolution, semble aujourd’hui prisonnier d’un cycle de pouvoir et de suspicion.
« Le sandinisme d’aujourd’hui n’est plus celui de 1979. C’est une lutte pour le contrôle, pas pour la justice. »
Un analyste politique
En conclusion, l’arrestation de Bayardo Arce n’est pas seulement la chute d’un homme. Elle symbolise une transformation profonde du régime sandiniste, où la loyauté envers Rosario Murillo prime sur l’héritage révolutionnaire. Alors que Daniel Ortega s’efface peu à peu, le Nicaragua s’interroge : qui écrira le prochain chapitre de son histoire ?
