C’est dans un contexte pour le moins tendu que Ngozi Okonjo-Iweala a été reconduite par consensus pour un second mandat à la tête de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ce vendredi. En effet, le retour aux affaires de Donald Trump, prévu pour janvier prochain, fait planer la menace de nouvelles guerres commerciales à l’échelle planétaire. Un défi de taille pour la directrice générale de l’OMC, qui va devoir redoubler d’efforts pour préserver un système commercial multilatéral fragilisé.
Une réélection sur fond d’inquiétudes
Première femme et première Africaine à diriger l’OMC, Ngozi Okonjo-Iweala, 70 ans, a été réélue à l’unanimité par les 166 pays membres de l’organisation. Des applaudissements nourris ont salué cette reconduction anticipée, officiellement décidée pour faciliter la préparation de la prochaine conférence ministérielle prévue au Cameroun en 2026. Mais selon certains observateurs, il s’agissait surtout pour les pays africains d’éviter que la nouvelle administration Trump ne s’oppose à ce second mandat, comme elle l’avait fait en 2020.
En effet, l’ancien président américain avait bloqué pendant des mois la première nomination de Mme Okonjo-Iweala, laissant l’OMC sans dirigeant jusqu’à l’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche. Une situation que beaucoup craignent de voir se répéter, Donald Trump ayant d’ores et déjà annoncé vouloir relever massivement les droits de douane dès son retour au pouvoir, ciblant en particulier la Chine, le Canada et le Mexique. Des menaces qui font resurgir le spectre des affrontements commerciaux ayant marqué son premier mandat.
Un rôle de « pompier » pour la directrice de l’OMC
Face à ces périls, Ngozi Okonjo-Iweala va devoir endosser un véritable rôle de « pompier » pour tenter de préserver ce qui peut l’être des règles commerciales internationales. Sa mission s’annonce ardue, les Etats-Unis de Donald Trump n’hésitant pas à s’affranchir ouvertement des principes de l’OMC, avec un découplage brutal vis-à-vis de la Chine. Comme le souligne un expert proche du dossier, il s’agira de « sauver ce qui peut l’être et convaincre qu’il n’y a pas d’énorme alternative aux règles de l’OMC ». Un mandat semé d’embûches, avec peu de certitudes sur l’issue.
Si le président élu Trump fait de la destruction de l’OMC une priorité, les options de l’organisation seront limitées car l’institution n’est pas conçue pour résister à une démolition par ses membres.
Dmitry Grozoubinski, directeur de Geneva Trade Platform
Une organisation fragilisée, une réforme nécessaire
Ngozi Okonjo-Iweala avait déjà trouvé une OMC affaiblie lors de sa prise de fonction. Elle s’est efforcée de lui insuffler un nouveau dynamisme, notably autour des questions climatiques et sanitaires. Un important accord sur l’interdiction des subventions nuisibles à la pêche a même été conclu sous son impulsion. Mais la pression pour une réforme en profondeur de l’organisation s’accentue, alors que son organe de règlement des différends reste paralysé depuis que l’administration Trump a bloqué la nomination de nouveaux juges.
Aux yeux de nombreux pays membres, il est urgent de redonner à l’OMC les moyens de son action pour endiguer la montée des tensions commerciales et du protectionnisme à travers le monde. Une tâche immense pour la directrice générale, dont le second mandat s’annonce d’ores et déjà comme une course contre la montre pour tenter de sauvegarder un système commercial ouvert et fondé sur des règles, aujourd’hui dangereusement fragilisé. Réussira-t-elle à convaincre les grandes puissances, États-Unis en tête, de jouer à nouveau le jeu du multilatéralisme ? L’avenir du commerce mondial en dépend.