Dans un marché de l’emploi soi-disant en tension, où les entreprises se plaignent de ne pas trouver les talents dont elles ont besoin, les cadres racontent un tout autre son de cloche. Loin des discours sur la pénurie de candidats, ils dénoncent des processus de recrutement de plus en plus longs, complexes et éprouvants. Une course d’obstacles épuisante et démotivante, qui les laisse sur le carreau, le moral en berne.
Le parcours du combattant des entretiens à n’en plus finir
Premier constat accablant : la multiplication des entretiens pour un même poste. D’après une récente étude de l’Apec, la durée moyenne des processus de recrutement est passée de 9 semaines en 2020 à 12 semaines en 2023. Les cadres enchaînent les rendez-vous, parfois jusqu’à 9 ou 10, avant une potentielle embauche.
J’ai dû passer neuf entretiens, c’était interminable. À chaque fois, on me donnait une nouvelle étape, un nouveau test ou un nouvel interlocuteur. J’avais l’impression de ne jamais en voir le bout.
Clémence, 29 ans, cadre à Paris
Entretiens RH pour jauger la personnalité, entretiens techniques pour vérifier les compétences, entretiens avec la hiérarchie pour tester la motivation… Les candidats doivent se rendre disponibles encore et encore, jongler avec leur emploi du temps déjà chargé, sans aucune garantie à la clé.
Des tests et des épreuves XXL
Comme si la valse des entretiens ne suffisait pas, les recruteurs y ajoutent des batteries de tests et de mises en situation souvent démesurées. QCM de personnalité, questionnaires techniques, études de cas sur plusieurs jours… Les cadres croulent sous les épreuves chronophages et énergivores.
Après déjà trois entretiens, on m’a donné un dossier de 300 pages à analyser en 5 jours. Impossible à caser dans mon emploi du temps. J’ai dû poser des congés pour réussir à tout faire.
Claire, 27 ans, en recherche dans la finance
Des tests souvent déconnectés de la réalité du poste et peu révélateurs des aptitudes réelles. Mais les candidats n’ont pas le choix. Dans un marché présumé favorable aux entreprises, impossible de dire non sous peine d’être éliminé.
Le grand flou du processus de recrutement
Autre grief des cadres : le manque de transparence et d’information sur le déroulé des recrutements. Combien d’étapes ? Quels délais ? Quels interlocuteurs ? Souvent, les candidats naviguent à vue, sans feuille de route ni calendrier précis.
C’est opaque et épuisant. On ne sait jamais où on va, combien de temps ça va prendre. Et impossible d’obtenir des réponses claires des recruteurs, ils sont aux abonnés absents.
Julien, 32 ans, ingénieur
Un manque de considération et de communication de la part des services RH qui irrite les candidats. Sollicités en permanence mais peu informés en retour, certains finissent par jeter l’éponge, découragés par tant d’opacité.
Quand chercher un emploi devient un job à plein temps
Pris dans cet engrenage infernal, certains cadres n’ont d’autre choix que de démissionner pour pouvoir mener leurs recherches correctement. C’est le cas de Claire qui, débordée par son job actuel, a fini par quitter son entreprise pour se consacrer à sa quête d’un nouveau poste.
Chercher un emploi, c’est devenu un boulot à temps complet. Avec tous ces rendez-vous et ces tests, impossible de suivre en parallèle d’un vrai job. J’ai dû lâcher mon CDI pour enfin réussir à décrocher des entretiens.
Claire
Un sacrifice lourd de conséquences, surtout dans un contexte économique déjà compliqué. Mais face à des processus de recrutement exigeants et chronophages, difficile de faire autrement pour rester dans la course.
Repenser les processus de recrutement, une urgence pour les entreprises
Alors que le marché de l’emploi des cadres est supposé être en leur faveur, leur expérience réelle est tout autre. Confrontés à des processus de recrutement à rallonge et éprouvants, beaucoup s’épuisent et finissent par renoncer, écœurés.
Un constat qui doit alerter les entreprises et les pousser à revoir leurs pratiques d’embauche. Raccourcir et fluidifier les processus, mieux communiquer, davantage considérer les candidats… Autant de pistes pour (r)attirer les talents, au-delà des grands discours sur les difficultés de recrutement.
Car à trop en demander aux candidats, les entreprises prennent le risque de les voir fuir, au profit d’employeurs aux méthodes plus respectueuses et efficaces. Un enjeu crucial dans un monde du travail en pleine mutation, où attirer et fidéliser devient plus stratégique que jamais.