Dans les ruelles animées de Katmandou, une foule se presse, brandissant drapeaux et banderoles. Ce n’est pas un festival traditionnel, mais une célébration bien plus symbolique : l’anniversaire de l’ancien roi du Népal, Gyanendra Shah. À 78 ans, l’ex-monarque, déchu en 2008, suscite un regain d’intérêt dans un pays où l’instabilité politique alimente la nostalgie d’un passé royal. Pourquoi, dans une république jeune, certains rêvent-ils encore d’un roi ?
Un Anniversaire Chargé de Symboles
Lundi, des centaines de sympathisants royalistes se sont réunis devant la résidence de Gyanendra Shah pour célébrer son 78e anniversaire. Vêtu d’une veste sobre et d’un chapeau traditionnel népalais, l’ancien roi a adressé quelques mots à la foule, exprimant sa gratitude. Ce moment, bien que modeste, révèle une ferveur persistante pour une monarchie abolie il y a plus de 15 ans.
La scène était vibrante : des drapeaux colorés flottaient, des trompettes traditionnelles résonnaient, et des offrandes rituelles étaient présentées au roi déchu. Parmi les partisans, une femme d’affaires de 33 ans, Prajuna Shrestha, a partagé un vœu audacieux : “J’espère que la monarchie reviendra bientôt”. Pour elle, le roi incarne l’unité d’un pays fracturé par des luttes politiques.
“Nous avons besoin d’un roi car c’est la monarchie qui a unifié le Népal.”
Prajuna Shrestha, partisane royaliste
Une Monarchie Déchue, Mais Pas Oubliée
Gyanendra Shah est devenu roi en 2001 dans des circonstances tragiques. Son frère, le roi Birendra, et une grande partie de la famille royale ont été assassinés lors d’un massacre au palais, un événement dont les détails restent flous. Ce drame a propulsé Gyanendra sur le trône, mais son règne a été marqué par des décisions controversées. En 2005, il a suspendu la constitution et dissous le Parlement, provoquant un soulèvement populaire.
Ce coup de force a précipité la fin de la monarchie. En 2008, après une décennie de guerre civile entre les maoïstes et le gouvernement, le Parlement népalais a aboli la monarchie hindoue, vieille de 240 ans. Depuis, Gyanendra vit en retrait, mais sa présence continue d’inspirer une partie de la population.
Pourquoi un Retour de la Monarchie ?
Le Népal d’aujourd’hui est un pays de contrastes. Avec 30 millions d’habitants, il fait face à une instabilité politique chronique. En 2024, le Premier ministre KP Sharma Oli a entamé son quatrième mandat, soutenu par une coalition fragile entre le Parti Communiste et le Congrès népalais. Cette instabilité, combinée à des accusations de corruption et à un développement économique lent, alimente le mécontentement.
Pour beaucoup, la monarchie représente une époque perçue comme plus stable. Les royalistes estiment que le roi, en tant que figure unificatrice, pourrait ramener l’ordre dans un pays divisé. Comme l’a exprimé Prajuna Shrestha : “Les politiciens ont ruiné notre pays.” Ce sentiment reflète une frustration croissante face à un système politique perçu comme dysfonctionnel.
Les raisons du regain royaliste :
- Instabilité politique : coalitions fragiles et changements fréquents de gouvernement.
- Corruption : scandales qui érodent la confiance dans les élus.
- Nostalgie : la monarchie vue comme un symbole d’unité nationale.
- Lenteur économique : un développement freiné par des crises répétées.
Un Pays en Quête d’Identité
Le Népal, niché entre l’Inde et la Chine, est un pays riche en histoire et en diversité culturelle. La monarchie, pendant des siècles, a été un pilier de son identité. Son abolition a marqué un tournant, mais elle a aussi laissé un vide. Pour certains, Gyanendra Shah incarne encore cette identité nationale, un lien avec un passé glorieux.
Pourtant, le retour de la monarchie semble improbable dans un système républicain bien établi. Les partis politiques, malgré leurs failles, dominent la scène. Les maoïstes, autrefois en guerre contre la monarchie, sont désormais intégrés au jeu politique. Mais le mécontentement populaire pourrait-il changer la donne ?
Gyanendra Shah : Une Figure Discrète mais Présente
Depuis son retrait du pouvoir, Gyanendra Shah s’est fait discret. Il évite les déclarations politiques controversées, préférant des apparitions symboliques, comme lors de son anniversaire. Ces moments rappellent à ses partisans que la monarchie, bien qu’abolie, reste vivante dans les cœurs.
Ses petits-enfants, présents lors de la célébration, symbolisent une continuité dynastique. Les offrandes de fleurs et les rituels témoignent d’un respect ancré dans la tradition. Mais au-delà du folklore, ces événements soulignent une question plus profonde : le Népal peut-il se réconcilier avec son passé pour construire son avenir ?
“Je lui souhaite une longue vie et j’espère que la monarchie reviendra bientôt.”
Prajuna Shrestha, partisane royaliste
Les Défis d’un Rêve Royal
Restaurer la monarchie serait un défi colossal. Le Népal a opté pour une république après des années de conflit. Les jeunes générations, nées après 2008, n’ont connu que ce système. Pourtant, la nostalgie royaliste gagne du terrain, portée par une classe moyenne frustrée et des régions rurales attachées à la tradition.
Un tableau des forces en présence permet de mieux comprendre la situation :
Facteurs | Pro-monarchie | Anti-monarchie |
---|---|---|
Sentiment populaire | Nostalgie croissante | Attachement à la république |
Stabilité politique | Perçue comme solution | Vue comme régression |
Jeunesse | Moins concernée | Favorable au système actuel |
Un Futur Incertain
Le Népal se trouve à un carrefour. La célébration de l’anniversaire de Gyanendra Shah n’est pas qu’un hommage à un homme ; elle reflète un désir de changement dans un pays fatigué par les crises. Mais la monarchie, même symbolique, peut-elle répondre aux défis modernes ?
Le pays doit jongler avec des enjeux complexes : développement économique, stabilité politique, et cohésion sociale. La nostalgie royaliste, bien que puissante, risque de rester un rêve pour beaucoup. Pourtant, chaque anniversaire de l’ancien roi ravive ce débat, entre passé glorieux et avenir incertain.
Les défis du Népal aujourd’hui :
- Économie : Croissance freinée par l’instabilité.
- Politique : Coalitions fragiles et corruption endémique.
- Société : Divisions entre modernité et tradition.
En conclusion, l’anniversaire de Gyanendra Shah est bien plus qu’une simple célébration. Il met en lumière les fractures d’un pays en quête de stabilité et d’identité. La monarchie reviendra-t-elle un jour ? Pour l’instant, elle reste un symbole, porté par des drapeaux, des tambours, et l’espoir d’un peuple.