Imaginez une capitale vibrante, nichée au cœur des montagnes himalayennes, soudain plongée dans le chaos. À Katmandou, des milliers de personnes ont envahi les rues, brandissant des drapeaux et scandant des slogans contre un gouvernement accusé de museler la liberté d’expression. Mais ce lundi, la ferveur des manifestants s’est heurtée à une répression brutale, faisant au moins 10 morts et des dizaines de blessés. Que s’est-il passé pour que la situation dégénère à ce point ? Cet article plonge dans les causes et les conséquences de cette crise qui secoue le Népal.
Une révolte contre le silence numérique
Depuis jeudi dernier, le Népal vit une situation inédite : 26 plateformes de réseaux sociaux, incluant Facebook, YouTube, X et LinkedIn, ont été bloquées par le gouvernement. Cette décision, prise par le ministère de la Communication et des Technologies de l’information, fait suite à une obligation légale imposée par la Cour suprême en 2023. Les plateformes concernées devaient s’enregistrer officiellement et nommer un représentant local pour superviser leurs contenus. Faute de conformité, l’accès à ces services a été coupé, perturbant la vie quotidienne de millions de Népalais.
Ce blocage n’est pas une première. En juillet dernier, le gouvernement avait déjà suspendu l’application Telegram, invoquant une recrudescence des fraudes en ligne. Mais cette fois, l’ampleur de la mesure a provoqué une onde de choc. Les réseaux sociaux sont devenus des outils essentiels pour la communication, l’information et même les affaires au Népal. Leur disparition soudaine a poussé des milliers de citoyens, en particulier les jeunes, à exprimer leur colère dans les rues de la capitale.
Une manifestation qui vire au drame
Lundi matin, une foule imposante s’est rassemblée à Katmandou, unie par un sentiment de révolte. Les manifestants, brandissant des drapeaux nationaux et entonnant l’hymne népalais, ont convergé vers le parlement, dont ils ont bloqué l’accès. Leur objectif : dénoncer non seulement le blocage des réseaux sociaux, mais aussi la corruption généralisée qui gangrène les institutions du pays. Cependant, la situation a rapidement dégénéré lorsque la police est intervenue pour disperser la foule.
Nous avons utilisé des gaz lacrymogènes et des canons à eau quand les manifestants ont pénétré dans la zone interdite.
Shekhar Khanal, porte-parole de la police
Les forces de l’ordre, dépassées par l’ampleur du mouvement, ont eu recours à des moyens violents pour rétablir l’ordre. Selon un porte-parole de la police, 10 manifestants ont perdu la vie et 87 autres ont été blessés. Les hôpitaux de la capitale, submergés, ont dû faire face à un afflux sans précédent de victimes. À l’Hôpital civil de Katmandou, plus de 150 blessés ont été pris en charge, dont trois sont décédés des suites de leurs blessures.
« Je n’ai jamais vu un tel chaos à l’hôpital. Les gaz lacrymogènes se sont diffusés dans les locaux, rendant le travail des médecins difficile. »
– Ranjana Nepal, porte-parole de l’hôpital
Les racines d’une colère profonde
Si le blocage des réseaux sociaux a été l’élément déclencheur, les revendications des manifestants vont bien au-delà. Pour beaucoup, cette mesure est perçue comme une tentative du gouvernement de contrôler l’information et de limiter la liberté d’expression. Les jeunes, en particulier, accusent le Premier ministre KP Sharma Oli d’adopter des pratiques autoritaires pour consolider son pouvoir.
Nous sommes là pour dénoncer le blocage des réseaux sociaux, mais ce n’est pas notre seule motivation. Nous dénonçons aussi la corruption institutionnalisée au Népal.
Yujan Rajbhandari, étudiant de 24 ans
La corruption est un mal endémique au Népal, où les élites politiques sont souvent accusées de détourner des fonds publics pour leur bénéfice personnel. Sur les plateformes encore accessibles, comme TikTok, des vidéos virales dénoncent le train de vie luxueux des enfants de responsables politiques, alimentant la colère populaire. Pour les manifestants, ces disparités sont insupportables dans un pays où une grande partie de la population vit dans la précarité.
Un gouvernement sur la défensive
Face à la montée des tensions, le gouvernement a tenté de justifier sa décision. Dans un communiqué publié dimanche, il a assuré que le blocage des réseaux sociaux ne visait pas à restreindre les libertés, mais à créer un cadre réglementaire pour protéger les citoyens. Selon les autorités, les plateformes seront rétablies dès qu’elles se conformeront aux exigences d’enregistrement.
Cette explication n’a pas convaincu les manifestants, qui y voient une excuse pour renforcer le contrôle sur l’information. Pour beaucoup, le gouvernement craint que les réseaux sociaux ne deviennent un outil de mobilisation massive, comme cela a été le cas dans d’autres pays confrontés à des mouvements anti-corruption.
- Blocage des réseaux sociaux : 26 plateformes coupées depuis jeudi.
- Revendications principales : Fin de la corruption et liberté d’expression.
- Répression violente : Usage de gaz lacrymogènes et canons à eau.
- Bilan humain : 10 morts, 87 blessés, hôpitaux débordés.
Les réseaux sociaux, vecteurs de changement
Les réseaux sociaux jouent un rôle central dans la société népalaise, en particulier pour les jeunes générations. Ils permettent de partager des informations, d’organiser des mouvements et de dénoncer les injustices. En bloquant ces plateformes, le gouvernement a non seulement limité l’accès à l’information, mais aussi attisé la colère d’une population déjà frustrée par des années de mauvaise gouvernance.
Pour Bhumika Bharati, une manifestante, ce mouvement s’inspire des révoltes anti-corruption observées ailleurs dans le monde. « Ils redoutent que nous nous organisions comme d’autres l’ont fait », a-t-elle déclaré, soulignant l’impact des réseaux sociaux dans la mobilisation citoyenne. Cette peur du gouvernement semble confirmée par la rapidité avec laquelle il a imposé des restrictions numériques.
Quelles perspectives pour le Népal ?
La crise actuelle met en lumière les tensions profondes qui traversent le Népal. D’un côté, un gouvernement qui cherche à maintenir son autorité face à une population de plus en plus critique. De l’autre, des citoyens déterminés à défendre leurs droits, même au prix de leur vie. La question est désormais de savoir si le gouvernement cédera face à la pression populaire ou s’il optera pour une ligne encore plus dure.
Pour l’instant, les rues de Katmandou restent sous haute tension. Les manifestations se poursuivent, et les hôpitaux continuent de recevoir des blessés. Cette tragédie pourrait marquer un tournant dans l’histoire récente du Népal, un pays où la quête de justice sociale et de transparence semble plus pressante que jamais.
Événement | Détails |
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Blocage des réseaux sociaux | 26 plateformes coupées depuis jeudi pour non-enregistrement. |
Manifestation | Des milliers de personnes à Katmandou, drapeaux et slogans. |
Répression | Gaz lacrymogènes, canons à eau, 10 morts, 87 blessés. |
Alors que le Népal traverse cette période de turbulences, une chose est certaine : la voix des citoyens ne peut plus être ignorée. Reste à savoir si ce mouvement mènera à un véritable changement ou s’il sera étouffé par la répression. Une chose est sûre : les événements de Katmandou résonneront bien au-delà des frontières de ce petit pays himalayen.