Alors qu’un consensus semblait initialement se dégager sur la répartition des postes clés des institutions européennes, les négociations se sont tendues lundi soir lors d’un sommet des Vingt-Sept à Bruxelles. En cause : les demandes de dernière minute de la droite européenne, qui entend bien tirer profit de ses bons résultats aux élections européennes.
La droite européenne veut pousser son avantage
Fort de ses 190 sièges obtenus au Parlement européen, contre 176 dans l’assemblée sortante, le Parti Populaire Européen (PPE) est arrivé largement en tête des élections. Une victoire qui le place en position de force dans les négociations sur les nominations aux postes clés de l’UE, à commencer par la présidence de la Commission européenne.
Mais le PPE ne compte pas s’arrêter là. Lors d’un sommet de la droite organisé avant la réunion des Vingt-Sept, les dirigeants du parti ont proposé d’obtenir également la moitié du mandat de la présidence du Conseil européen, actuellement occupée par le Belge Charles Michel.
Un coup de poker risqué
Cette demande de dernière minute a pris de court les autres familles politiques et a fait capoter le fragile équilibre qui se dessinait sur la répartition des postes :
- La présidence de la Commission au PPE, avec une probable reconduction d’Ursula von der Leyen
- La présidence du Conseil aux sociaux-démocrates, qui lorgnaient sur le Portugais Antonio Costa
- Le poste de Haut Représentant pour les Affaires étrangères à Renew Europe (les libéraux), avec l’Estonienne Kaja Kallas
En réclamant en plus la moitié de la présidence du Conseil, le PPE a fait monter les enchères, au risque de braquer ses partenaires. Les sociaux-démocrates ont fermement rejeté cette option, y voyant un coup de force inacceptable.
S’ils veulent la moitié de la présidence du Conseil européen, alors coupons aussi en deux la présidence de la Commission !
a ironisé un ambassadeur européen
Des assurances pour von der Leyen
En réalité, l’objectif du PPE serait surtout de s’assurer du soutien des autres groupes pour la reconduction d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission. Son élection par le Parlement européen s’annonce en effet serrée.
En plaçant la barre haute et en acceptant ensuite de revoir ses demandes à la baisse, la droite espère obtenir des garanties de la part des dirigeants socialistes et libéraux. Faute de quoi, le PPE menace de s’opposer à la reconduction d’Antonio Costa à la présidence du Conseil en 2026.
Meloni, l’inconnue du sommet
Autre élément perturbateur dans ces négociations : la percée de la droite nationaliste aux élections, incarnée par la Première ministre italienne Giorgia Meloni. Bien que son groupe, les Conservateurs et Réformistes européens (CRE), ne fasse pas partie de la future coalition, elle entend peser dans les discussions.
Meloni souhaiterait que les bons résultats de son parti (presque 29% en Italie) soient davantage pris en compte, tant en termes de politiques à mener que de postes à pourvoir. Une position appuyée par Viktor Orban qui a dénoncé un « accord conclu en ignorant la volonté des électeurs ».
Un nouveau round la semaine prochaine
Face à ces tensions, les Vingt-Sept sont repartis de Bruxelles sans accord, mais avec la ferme intention de boucler le dossier des nominations lors de leur prochain sommet, les 27 et 28 juin. D’ici là, les rapports de force pourraient encore évoluer.
Selon les dernières projections, le groupe de Giorgia Meloni (CRE) totaliserait 76 sièges, contre 80 pour les libéraux de Renew Europe. Si le CRE parvient à dépasser Renew, il deviendrait la troisième force au Parlement européen, et serait en droit de réclamer un poste d’importance à la Commission.
Les compteurs seront arrêtés le 26 juin. Un jour avant le prochain round des négociations sur les « top jobs » de l’UE, qui s’annoncent décisives et toujours aussi disputées.