C’est la douche froide pour les défenseurs de l’environnement. Alors que les négociations pour un traité international contre la pollution plastique battent leur plein à Busan en Corée du Sud, les écologistes tirent la sonnette d’alarme. Selon eux, des dizaines de lobbyistes de l’industrie pétrochimique ont investi les lieux, avec un seul objectif : court-circuiter les discussions.
D’après une source proche du dossier, plus de 200 représentants des industries pétrolière et chimique se sont inscrits pour suivre les pourparlers, sous l’égide de l’ONU. Un chiffre qui fait bondir les ONG. « C’est un conflit d’intérêts direct, s’insurge une coordinatrice de campagne. Leurs intérêts sont en conflit avec l’objectif des négociations et leur présence ici remet en cause la science indépendante. »
« Obstruction, intimidation et désinformation » : les méthodes des lobbyistes dans le collimateur
Les écologistes ne mâchent pas leurs mots. Pour eux, la présence massive de l’industrie n’a qu’un but : torpiller les discussions. « Nous avons vu des lobbyistes rôder dans les négociations avec leurs tactiques tristement connues d’obstruction, de distraction, d’intimidation et de désinformation », accuse une militante.
Pourtant, les enjeux sont cruciaux. Initié il y a deux ans, ce cycle de négociations doit aboutir d’ici le 1er décembre à un traité ambitieux pour lutter contre la pollution plastique, de la production jusqu’aux déchets. Un mandat clair pour de nombreux pays et ONG, qui y voient l’occasion de limiter drastiquement la production de nouveaux plastiques. Mais c’est précisément ce que redoute l’industrie pétrochimique, qui tire une grande partie de ses revenus de cette matière omniprésente.
L’industrie se défend et met en avant son « expertise technique »
Face à ces attaques, les représentants de l’industrie montent au créneau. Selon un porte-parole du lobby américain de la chimie, ils seraient « beaucoup moins nombreux que les observateurs des ONG ». Et d’assurer que leurs délégués sont là pour « écouter les gouvernements » et « offrir l’expertise technique approfondie » de leurs industries pour « aider à mettre fin à la pollution plastique ».
Mais les ONG n’en démordent pas. Pour elles, le déséquilibre est flagrant entre des associations aux moyens limités et des organisations industrielles « au portefeuille bien garni », qui disposeraient « d’un avantage considérable pour influencer les négociations ». Pire, elles seraient « souvent intégrées aux délégations des pays accusés de bloquer les progrès vers un traité plus ambitieux », insinue une source.
L’ONU impuissante à limiter la présence des lobbyistes
De son côté, l’ONU semble démunie. Interrogée sur cette situation, sa responsable environnement a botté en touche, expliquant ne pas avoir « la possibilité de dire aux États membres qui ils doivent mettre dans leurs délégations ». Chaque pays reste en effet libre de choisir la composition de sa délégation, quitte à y inclure des représentants de l’industrie ou des ONG.
À quelques jours de la fin des négociations, la tension est donc à son comble à Busan. Entre des écologistes remontés et une industrie pétrochimique aux abois, la marge de manœuvre semble étroite pour parvenir à un accord ambitieux contre ce fléau environnemental majeur. Les tractations de dernière minute s’annoncent intenses pour tenter de sauver ce qui peut encore l’être. Mais le message des ONG est clair : sans une reprise en main du processus par les États, c’est l’avenir de la lutte contre la pollution plastique qui pourrait être sacrifié sur l’autel des intérêts industriels.