C’est un drame d’une violence inouïe qui s’est déroulé ce dimanche matin au large de Sangatte, lorsqu’un bateau surchargé de migrants a chaviré, semant la panique parmi les passagers. Selon les informations communiquées par les autorités, au moins trois personnes ont trouvé la mort dans ce naufrage, venant alourdir le bilan déjà tragique des traversées clandestines de la Manche cette année. Un record macabre qui ne cesse de s’allonger, malgré les efforts déployés pour sécuriser la frontière.
Mouvement de panique fatal
D’après les précisions apportées par le préfet du Pas-de-Calais, Jacques Billant, le drame s’est noué aux alentours de 6 heures du matin. Un nombre « vraisemblablement surdimensionné » de migrants se trouvaient sur la plage de Sangatte, tentant de monter à bord d’un small boat, ces embarcations de fortune utilisées par les passeurs. La surcharge du bateau aurait alors provoqué un mouvement de panique parmi les candidats à l’exil, luttant pour embarquer.
Le nombre de personnes tentant de monter à bord laisse supposer qu’il y avait plusieurs groupes présents pour embarquer dans un bateau déjà surchargé.
Jacques Billant, préfet du Pas-de-Calais
Dans la cohue, 48 personnes seraient restées à l’eau, incapables de monter à bord, tandis que l’embarcation prenait le large en direction de l’Angleterre, « laissant derrière lui un bilan très lourd » selon le préfet. Trois hommes, repêchés par l’hélicoptère de la Marine nationale à quelques mètres du rivage, ont été déclarés décédés une fois ramenés sur la terre ferme. Quatre autres naufragés, dans un état préoccupant, ont dû être transportés en urgence vers les hôpitaux de la région.
Course contre la montre des secours
Alertés par l’association d’aide aux migrants Utopia 56, qui a croisé vers 6h20 plusieurs dizaines d’exilés trempés et en détresse le long de la route de Blériot-Plage, les secours se sont immédiatement mobilisés pour tenter de porter assistance aux naufragés. Selon le coordinateur de l’association, Célestin Pichaud, les bénévoles ont rapidement prévenu pompiers et forces de l’ordre, tout en prodiguant les premiers soins.
Un impressionnant dispositif a alors été déployé, mobilisant à la fois des moyens en mer et des équipes à terre, composées de policiers, sapeurs-pompiers, personnels de la protection civile et de l’association Audasse. L’objectif : localiser d’éventuels rescapés et leur porter secours dans les plus brefs délais, tout en sécurisant la zone. Une tâche rendue particulièrement ardue par les conditions météorologiques et l’étendue de la zone de recherche.
L’année la plus meurtrière
Avec ce nouveau drame, le bilan des décès lors des tentatives de traversée de la Manche atteint désormais les 76 victimes depuis janvier. Un chiffre terrifiant, qui fait de 2024 l’année la plus meurtrière pour les candidats à l’exil cherchant à rallier les côtes anglaises, malgré les efforts conséquents déployés pour sécuriser la frontière. Depuis le début de l’année, plus de 20 naufrages ont été recensés, preuve de l’extrême péril auquel s’exposent les migrants prêts à tout risquer dans l’espoir d’un avenir meilleur.
On a commencé l’année le 14 janvier avec cinq morts, on termine l’année avec trois morts sur le littoral parce que rien ne change.
Flore Judet, coordinatrice de L’Auberge des migrants
En dépit des renforts annoncés par le ministre de l’Intérieur fin novembre, les associations d’aide aux migrants jugent les moyens déployés insuffisants et inadaptés, se contentant de réponses à court terme. Pour le maire de Sangatte, Guy Allemand, seul « un débat avec l’Angleterre » permettra de sortir de l’impasse actuelle, une demande qu’il a renouvelée à plusieurs reprises avec d’autres élus du littoral.
Une situation intenable
Depuis 2018 et l’apparition du phénomène des « small boats », le littoral de la Manche et du Nord est devenu le théâtre d’un drame humain permanent, sur fond de crise migratoire. Malgré la sécurisation croissante de la frontière et la traque incessante des filières de passeurs, rien ne semble pouvoir endiguer le flot de ceux qui rêvent d’Angleterre au péril de leur vie. Depuis le début de l’année, plus de 36 000 personnes auraient rallié la perfide Albion sur ces embarcations de fortune.
Face à l’ampleur de la tragédie, les autorités affirment leur détermination à lutter contre ces traversées mortelles, à grand renfort d’effectifs et de coopération franco-britannique. Mais sur le terrain, associations, riverains et élus semblent désemparés, pris en étau entre urgence humanitaire et pression sécuritaire. À l’approche de l’hiver, beaucoup craignent que d’autres drames ne viennent noircir ce décompte macabre, sans qu’une réponse à la hauteur des enjeux n’ait été apportée. Une véritable course contre la montre s’engage pour éviter de nouveaux naufrages, et avec eux, de nouveaux cercueils.