La France connaît depuis plusieurs années une baisse préoccupante du nombre de naissances, avec un décrochage particulièrement marqué en 2023. Selon les derniers chiffres de l’Insee, le pays a enregistré un recul de 6,6% des naissances l’an dernier, passant pour la première fois depuis 1945 sous la barre symbolique des 700 000 bébés. Une tendance qui semble se confirmer sur les neuf premiers mois de 2024, avec une nouvelle diminution de 2,7% par rapport à la même période l’année précédente. Face à ce déclin démographique, de nombreuses questions se posent sur les raisons de cette désaffection pour la parentalité et ses potentielles conséquences pour l’avenir du pays.
Un contexte d’incertitude peu propice à la natalité
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette baisse continue des naissances en France depuis plus d’une décennie. Le contexte international troublé, marqué par la guerre en Ukraine et les tensions au Proche-Orient, ainsi que les difficultés économiques des ménages liées notamment à l’inflation, pèsent indéniablement sur la décision des couples de devenir parents. Comme le souligne Catherine Scornet, maîtresse de conférence à l’Université d’Aix-Marseille :
Pour se projeter dans la parentalité, il faut être habité par l’espoir, or, le climat d’incertitude actuel peut peser sur la décision d’un couple d’avoir un enfant.
– Catherine Scornet, maîtresse de conférence à l’Université d’Aix-Marseille
Au-delà de cette conjoncture défavorable, l’Insee pointe également une tendance de fond, avec des générations moins nombreuses qui procréent moins. Conséquence logique, le nombre de femmes en âge de procréer (20-40 ans) a diminué ces dernières années.
De nouvelles aspirations individuelles
Mais le déclin des naissances s’explique aussi par de profondes mutations dans les aspirations des Français en matière de reproduction. Comme le note Catherine Scornet, “aujourd’hui on peut se réaliser autrement qu’en devenant mère ou père”. Les femmes diplômées notamment se projettent davantage en dehors de la maternité. Un changement de mentalité que confirme Didier Breton, chercheur associé à l’Ined :
On observe une hausse du nombre de personnes qui n’ont pas d’enfant, qu’on peut lier à une moindre pression sociale à en avoir.
– Didier Breton, chercheur associé à l’Ined
Autre évolution notable, les couples sont moins nombreux qu’auparavant à avoir un troisième enfant, probablement par choix lié au confort matériel. La France perd ainsi ce qui faisait sa spécificité avec un nombre élevé de familles nombreuses. Selon Didier Breton, elle “devient un pays européen comme les autres”.
La fin de l’exception française ?
Car si l’Hexagone affiche encore le taux de fécondité le plus élevé de l’Union européenne, avec 1,79 enfant par femme en 2022, ce chiffre est bien en-deçà de celui observé dans les années 2000. La France a ainsi connu en 2023 un recul des naissances plus important que la moyenne des pays de l’UE (-6,6% contre -5,5%). Une chute qui s’observe partout en Europe, avec une diminution des nouveaux-nés dans 22 pays sur 27, mais qui est plus marquée à l’Ouest (-5,7%) qu’à l’Est (-9,3%).
Quelles conséquences pour l’avenir ?
Face à ce déclin démographique, le président Emmanuel Macron avait appelé en 2023 à un “réarmement démographique” du pays, suscitant une vive polémique. Ses projets de mesures natalistes ont depuis été abandonnés avec la dissolution de l’Assemblée en juin. Mais la question de l’avenir démographique de la France reste posée, avec des implications potentielles majeures :
- Pression accrue sur les systèmes de retraite et de santé avec une population vieillissante
- Difficulté à maintenir la croissance économique sans une population active dynamique
- Nécessité de repenser le modèle social et familial pour s’adapter aux nouvelles attentes
- Enjeu du maintien de la place de la France en Europe face à des pays plus féconds
Autant de défis qui attendent les pouvoirs publics dans les prochaines années alors que la tendance à la baisse des naissances ne semble pas près de s’inverser. Il faudra sans doute faire preuve d’inventivité pour y répondre, en facilitant la conciliation entre vie familiale et professionnelle, en valorisant de nouveaux modèles parentaux ou encore en faisant évoluer notre regard sur la procréation. Un vaste chantier en perspective pour ne pas voir le “bébé” français avec l’eau du bain démographique.