Depuis mardi soir, un vraquier chinois du nom de “Yi Peng 3” est immobilisé au milieu du détroit de Kattegat, entre le Danemark et la Suède. La présence de ce navire, propriété de l’entreprise Ningbo Yipeng Shipping Co., concentre tous les soupçons après la rupture inexpliquée de deux câbles sous-marins dans la mer Baltique ces derniers jours. Une intense activité diplomatique s’est mise en branle autour de ce mystérieux bateau, dont le sort semble suspendu à l’évolution des enquêtes en cours.
Le “Yi Peng 3” sous haute surveillance
Bien qu’officiellement aucune accusation n’ait été portée, le “Yi Peng 3” fait l’objet d’une surveillance étroite de la part des autorités danoises. La Défense du Danemark a reconnu mercredi suivre de près les mouvements de ce cargo chinois, qui se trouve actuellement dans les eaux internationales, échappant ainsi à la juridiction des États riverains. Cette position délicate limite la marge de manœuvre du Danemark, comme l’a souligné son ministère des Affaires étrangères :
Le Danemark n’est pas propriétaire des câbles endommagés et le navire se trouve actuellement dans les eaux internationales.
– Ministère des Affaires étrangères danois
La Chine, de son côté, rejette fermement les soupçons qui pèsent sur son bâtiment. Un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères a assuré que le pays avait “toujours rempli pleinement ses obligations en tant qu’État du pavillon” et “exigé des navires chinois qu’ils respectent scrupuleusement les lois et réglementations en vigueur”. Pékin affirme travailler de concert avec les parties concernées, dont le Danemark, pour “maintenir une communication fluide par les voies diplomatiques”.
Deux câbles rompus, deux enquêtes ouvertes
C’est la rupture de deux importants câbles sous-marins qui a mis le feu aux poudres. Dimanche matin, l'”Arelion”, qui relie l’île suédoise de Gotland à la Lituanie, a subi une avarie dans les eaux suédoises. Le lendemain, le “C-Lion1”, un câble entre la Finlande et l’Allemagne, s’est rompu à son tour. Deux incidents rapprochés qui ont immédiatement éveillé les soupçons, d’autant plus que le “Yi Peng 3” se trouvait dans la zone des deux câbles au moment des faits, selon des sites de surveillance du trafic maritime.
Face à ces événements troublants, deux enquêtes judiciaires ont été lancées. La police suédoise a ouvert une enquête pour “sabotage” concernant les deux avaries, tandis que la Finlande a initié des investigations pour “dommages criminels aggravés” et “interférence aggravée avec les communications” concernant le câble germano-finlandais. Les marines suédoise et finlandaise inspectent minutieusement les câbles endommagés pour tenter de faire la lumière sur les circonstances exactes de ces ruptures.
Un contexte de tensions accrues en mer Baltique
Ces incidents surviennent dans un contexte particulièrement tendu en mer Baltique. Plusieurs dirigeants européens ont rapidement évoqué la possibilité d’une “attaque hybride”, en référence aux actions russes dans la région. Le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, a été le premier à évoquer ouvertement l’hypothèse d’un sabotage délibéré :
Personne ne croit que ces câbles ont été coupés par accident.
– Boris Pistorius, ministre allemand de la Défense
Le Kremlin, quant à lui, a balayé ces accusations, les jugeant “risibles”. Mais impossible de ne pas faire le parallèle avec le sabotage, toujours non élucidé, des gazoducs Nord Stream en septembre 2022. Un précédent inquiétant qui renforce les craintes d’une montée des actes de malveillance visant les infrastructures stratégiques en mer Baltique.
Le précédent du cargo chinois en octobre 2023
Fait troublant, en octobre 2023 déjà, un gazoduc sous-marin entre la Finlande et l’Estonie, le Balticconnector, avait été endommagé par l’ancre d’un autre cargo chinois, comme l’a démontré l’enquête finlandaise. Une coïncidence qui ne manque pas de soulever des interrogations sur le rôle potentiel de navires battant pavillon chinois dans ces incidents à répétition.
Alors que les enquêtes se poursuivent pour faire toute la lumière sur ces événements préoccupants, le “Yi Peng 3” reste au cœur de toutes les spéculations. Sa navigation suspecte et sa présence dans la zone des câbles endommagés en font le principal suspect, bien qu’aucune preuve tangible de son implication n’ait été apportée à ce stade. L’intensification des échanges diplomatiques entre la Chine, le Danemark et les autres pays concernés témoigne de l’importance de cette affaire, qui pourrait avoir de profondes répercussions sur la stabilité et la sécurité en mer Baltique. Dans ce climat de défiance et de tensions, tous les regards restent tournés vers ce mystérieux bateau chinois, dont les secrets pourraient bien être la clé de ce nouveau mystère maritime.