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Musique classique : le silence politique inquiétant des artistes face à l’extrême-droite

Le pianiste Alexandre Tharaud s'inquiète du silence des musiciens classiques face à la montée de l'extrême-droite. Refus de cosigner une tribune, craintes pour les subventions, glissement idéologique... Un témoignage édifiant sur les pressions qui pèsent sur la liberté d'expression artistique. Mais certains osent encore s'engager malgré tout...

Alors que l’extrême-droite progresse de façon préoccupante dans le paysage politique français, le milieu de la musique classique semble étrangement muet. C’est le constat alarmant dressé par le pianiste Alexandre Tharaud, qui a tenté en vain de mobiliser ses pairs pour cosigner une tribune dénonçant les dangers du Rassemblement national. Un silence assourdissant qui en dit long sur le climat de peur et la pression croissante qui pèsent sur la liberté d’expression des artistes.

Un pianiste engagé face à des musiciens frileux

Figure éminente de la scène classique, Alexandre Tharaud n’a pas hésité à prendre position politiquement sur les réseaux sociaux. « Tout gouvernement d’extrême droite piétine les artistes », a-t-il notamment affirmé. Mais lorsqu’il a voulu aller plus loin en rédigeant une tribune commune avec d’autres musiciens de renom, il s’est heurté à un mur de frilosité et de refus.

J’ai contacté trois personnalités de la musique classique dont la voix porte, pour leur proposer d’écrire une tribune ensemble. Ces trois personnalités m’ont dit non. Que ça ne servait à rien.

– Alexandre Tharaud

Un désengagement d’autant plus frappant qu’il contraste avec la mobilisation massive des artistes contre l’extrême-droite lors des précédentes élections. Concerts, meetings, prises de parole… Les musiciens n’hésitaient pas alors à monter au créneau. Aujourd’hui, c’est le grand silence dans le milieu classique. Mais pour quelles raisons ?

La peur des représailles financières

Selon Alexandre Tharaud, plusieurs facteurs expliquent ce mutisme. D’abord « une frilosité évidente » et une réticence à « se mouiller » de la part des musiciens. Mais surtout, la crainte de s’exposer à des baisses de subventions si un député RN venait à être élu dans leur circonscription.

Certains artistes sont aussi liés à une structure subventionnée, par exemple un orchestre, une fondation, un festival. Ils peuvent dès lors craindre des baisses de subventions, si jamais un député RN venait à être élu dans leur circonscription.

– Alexandre Tharaud

Une pression financière qui en dit long sur la précarité du statut des musiciens et la dépendance du milieu aux financements publics. Face au risque de se voir couper les vivres, beaucoup préfèrent se taire et rentrer dans le rang. Quitte à trahir leurs convictions.

Un glissement idéologique inquiétant

Mais au-delà des aspects matériels, le pianiste s’alarme d’une dérive plus profonde : « Je pense aussi qu’une partie – que j’espère minime – du monde de la musique classique, glisse vers l’extrême droite. » Un terrain idéologique de plus en plus favorable aux idées nationalistes et réactionnaires, qui pourrait expliquer la passivité ambiante.

Dans un milieu souvent considéré comme élitiste et conservateur, les idées d’extrême-droite trouveraient un écho grandissant. Une évolution d’autant plus préoccupante qu’elle se fait en catimini, sans être questionnée ni dénoncée publiquement.

Un appel à la résistance artistique

Face à ce climat délétère, Alexandre Tharaud appelle les artistes à sortir du silence et à se mobiliser, malgré les risques et les pressions. Car pour lui, l’engagement politique est indissociable de la création :

Les artistes ont un rôle à jouer, celui d’éveiller les consciences, d’alerter sur les dangers qui menacent notre démocratie. Nous avons le devoir de prendre la parole et de défendre les valeurs humanistes qui sont au cœur de notre art.

– Alexandre Tharaud

Un cri du cœur qui sonne comme un appel à la résistance artistique face à la montée des périls. Car si la musique adoucit les mœurs, elle a aussi le pouvoir de réveiller les consciences et de faire barrage à la haine. À condition que ses interprètes osent jouer une partition engagée, envers et contre tout.

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