Imaginez une artiste immensément populaire, adulée sur scène et à la télévision, mais qui disparaît presque totalement des grands écrans. C’est le parcours atypique de Muriel Robin, une comédienne qui a marqué des générations par son humour et sa présence. Pourtant, depuis des années, les propositions de rôles au cinéma se font rares. Le 18 décembre, invitée dans une émission télévisée phare, elle a décidé de mettre les choses au clair, avec cette franchise qui la caractérise.
Muriel Robin : une carrière éclatante mais un cinéma qui lui tourne le dos
Muriel Robin n’est pas une inconnue. Des one-woman-shows cultes aux séries télévisées en passant par des seconds rôles mémorables, elle a conquis le public français depuis les années 80. Mais quand on regarde sa filmographie, un constat s’impose : les grands rôles au cinéma sont peu nombreux. Pourquoi une telle absence alors que son talent est indiscutable ? L’intéressée elle-même s’est souvent posée la question, et elle n’hésite plus à y répondre publiquement.
Ce n’est pas la première fois qu’elle aborde le sujet. Déjà à l’automne, dans une autre émission à forte audience, elle avait pointé du doigt un possible lien entre son orientation sexuelle assumée et cette mise à l’écart. Une prise de position courageuse qui avait suscité de vifs débats. Mais Muriel Robin va plus loin : elle estime que dans l’industrie du cinéma, certaines vérités dérangent.
Un retour attendu avec La pire mère au monde
Pourtant, une bonne nouvelle vient éclairer son parcours : Muriel Robin revient sur les écrans avec La pire mère au monde, un film réalisé par Pierre Mazingarbe. À ses côtés, Louise Bourgoin, avec qui elle forme un duo inattendu. Ce projet arrive comme une bouffée d’oxygène pour l’actrice qui avoue accueillir ce rôle avec une immense gratitude.
Invitée pour promouvoir ce long-métrage, elle a su mêler humour et sincérité. Elle a même plaisanté sur la perception que certains spectateurs pourraient avoir : certains adorent Louise Bourgoin et pourraient penser que sa présence à elle gâche un peu le tableau. Une autodérision qui cache une réalité plus amère.
Elle a aussi remarqué une tendance intéressante : elle est souvent choisie par de jeunes réalisateurs pour leurs premiers films. Comme si la nouvelle génération osait davantage ce que les producteurs établis évitent. Une observation qui en dit long sur l’évolution – ou non – des mentalités dans le cinéma français.
« Je sais ce qu’il ne faut pas dire » : une phrase qui résonne
Mais le moment le plus fort de son intervention est survenu en fin d’émission. Parlant du respect sur les tournages et de son exigence professionnelle, Muriel Robin a lâché cette bombe : « Je sais pourquoi je ne ferai pas de cinéma. C’est parce que je sais ce qu’il ne faut pas dire pour ne pas en faire. »
« Maintenant, je le dis parce que je suis une femme libre. »
Cette déclaration n’accuse personne directement, mais elle suggère clairement que certaines de ses prises de parole passées ont pu lui fermer des portes. Dans un milieu où l’on préfère souvent le consensus et l’image lisse, dire haut et fort ce que l’on pense peut coûter cher. Muriel Robin l’a appris à ses dépens, mais elle refuse aujourd’hui de se taire.
Cette liberté de ton, elle l’assume pleinement. Ancienne alcoolique, elle a déjà parlé sans filtre de ses combats personnels. Son homosexualité, elle l’a revendiquée publiquement à une époque où peu d’actrices osaient le faire. Et ces choix, elle les paie peut-être encore aujourd’hui.
L’homosexualité, un frein à la « désirabilité » au cinéma ?
Revenons sur ses déclarations précédentes. Muriel Robin avait affirmé être « la seule actrice au monde à dire son homosexualité ». Une phrase forte qui avait fait réagir. Elle expliquait alors que dans le cinéma, l’image de la femme désirable reste souvent liée à une hétérosexualité supposée. Être ouvertement lesbienne rendrait, selon elle, moins « pénétrable » dans l’imaginaire collectif – et donc moins bankable.
Ces mots avaient choqué certains, mais ils mettaient le doigt sur une réalité que peu osent évoquer. Le cinéma français, malgré son image progressiste, reste conservateur sur certains sujets. Les rôles de premier plan pour des actrices ouvertement homosexuelles restent rares. Muriel Robin en serait la preuve vivante.
Est-ce vraiment le cas ? Difficile d’avoir des preuves concrètes, mais son absence prolongée des castings majeurs parle d’elle-même. D’autres actrices ont préféré garder leur vie privée secrète pour préserver leur carrière. Muriel Robin, elle, a choisi l’authenticité.
Un milieu frileux face aux artistes engagés
Au-delà de la question de l’orientation sexuelle, c’est la parole libre qui semble poser problème. Muriel Robin n’a jamais hésité à dénoncer ce qu’elle considérait comme des dysfonctionnements. Elle a quitté un tournage en colère par le passé, refusant de cautionner certaines pratiques. Ce genre d’attitude, même justifiée, laisse des traces.
Dans l’industrie cinématographique, les producteurs préfèrent souvent des personnalités consensuelles. Une actrice qui « sait ce qu’il ne faut pas dire » risque de déranger. Pourtant, cette franchise est précisément ce qui fait la force de Muriel Robin auprès du public. Sur scène, dans ses sketches, elle a toujours dit les choses cash, avec un humour décapant.
Pourquoi le cinéma aurait-il plus de mal à accepter cette liberté que la télévision ou le théâtre ? Peut-être parce que les enjeux financiers sont plus importants. Un film à gros budget ne peut pas se permettre de controverse. Mieux vaut une image lisse qu’une personnalité forte.
La nouvelle génération, un espoir ?
Heureusement, des signes encourageants apparaissent. Comme elle l’a souligné, les jeunes réalisateurs n’hésitent pas à faire appel à elle. Pierre Mazingarbe, pour La pire mère au monde, en est l’exemple parfait. Ces nouveaux venus semblent moins prisonniers des codes établis. Ils cherchent l’authenticité plutôt que la conformité.
Cette tendance pourrait annoncer un changement. Le cinéma français, influencé par les mouvements #MeToo et une demande croissante de diversité, commence peut-être à évoluer. Les actrices engagées, les personnalités atypiques, pourraient enfin trouver leur place.
Muriel Robin, avec son expérience, devient presque un symbole de cette transition. Elle pave la voie, même si elle en paie le prix. Son retour au cinéma, même s’il reste modeste, est une petite victoire.
Une femme libre avant tout
À plus de soixante ans, Muriel Robin n’a plus rien à prouver. Elle pourrait se contenter de sa gloire passée, de ses spectacles à succès. Mais elle choisit de continuer à dire ce qu’elle pense. Cette liberté, elle la revendique haut et fort.
Sa compagne, Anne Le Nen, est à ses côtés depuis des années. Ensemble, elles incarnent un couple solide, assumé. Ce bonheur personnel semble lui donner la force de parler sans filtre. Elle ne cherche plus à plaire à tout prix.
Cette attitude inspire. Dans une société où l’image prime souvent sur la substance, voir une artiste refuser le compromis fait du bien. Muriel Robin nous rappelle que l’authenticité a un prix, mais qu’elle vaut la peine d’être défendue.
Et demain ?
Avec La pire mère au monde, un nouveau chapitre s’ouvre peut-être. Le public, lui, n’a jamais cessé d’aimer Muriel Robin. Les salles de théâtre se remplissent, les émissions où elle passe font de l’audience. Reste à savoir si le cinéma saura enfin reconnaître pleinement son talent.
Ses déclarations récentes pourraient, paradoxalement, lui ouvrir des portes. En parlant ouvertement, elle force le débat. Les producteurs, les réalisateurs, sont obligés de se positionner. Et peut-être que certains choisiront enfin le camp de la liberté.
En attendant, Muriel Robin continue son chemin. Avec humour, avec sincérité, avec cette force tranquille qui la caractérise. Elle sait ce qu’il ne faut pas dire pour faire du cinéma… mais elle choisit quand même de le dire. Et c’est tout à son honneur.
Son histoire nous interroge sur notre société, sur l’industrie culturelle, sur le prix de la liberté. Elle nous rappelle que derrière les projecteurs, il y a des êtres humains avec leurs convictions. Et que parfois, dire la vérité est le plus beau rôle qu’on puisse jouer.
En résumé :
- Muriel Robin pointe un possible boycott lié à ses prises de position.
- Son homosexualité assumée et sa parole libre pourraient expliquer son absence du cinéma.
- Elle revient néanmoins avec La pire mère au monde.
- La nouvelle génération de réalisateurs semble plus ouverte.
- Elle assume pleinement sa liberté, quel qu’en soit le coût.
Une chose est sûre : Muriel Robin reste une artiste essentielle. Qu’elle soit sur scène, à la télévision ou – espérons-le – plus souvent au cinéma, elle continue d’incarner une certaine idée de la liberté. Et cela, personne ne pourra jamais le lui enlever.









