Les fans de Murakami Haruki attendaient avec impatience. Après plus d’un an et demi d’un travail acharné, la traduction française de son quinzième roman « La Cité aux murs incertains » est enfin disponible en librairie. Un véritable tour de force réalisé par sa traductrice attitrée, Hélène Morita.
Une Véritable Montagne de Traduction
Pour venir à bout de ce roman-fleuve de 550 pages dans sa version française, Hélène Morita a dû s’entourer. Elle confie avoir travaillé « en collaboration avec une amie japonaise qui habite en France, ce que je ne fais pas toujours. Pour les livres les plus longs, c’est bien d’avoir quelqu’un avec qui dialoguer. Parce que c’est un peu une montagne ».
Un Auteur qui se Protège
Contrairement à d’autres auteurs, Murakami Haruki n’interagit pas avec ses traducteurs, sauf aux États-Unis où il a longtemps vécu. Hélène Morita ne l’a d’ailleurs jamais rencontré en personne et ne dispose même pas d’une adresse pour lui écrire. Selon elle, « il se protège ». Une situation à double tranchant :
D’un côté, c’est regrettable parce qu’il y a des questions qui resteront sans réponse, d’un autre, on se sent libre. Je peux être sûre qu’il ne viendra jamais me reprocher mes choix!
Hélène Morita, traductrice de Murakami Haruki
Un Roman en Demi-Teinte pour la Critique
« La Cité aux murs incertains » n’a pas fait l’unanimité auprès de la presse étrangère. The Guardian a même parodié un tic d’écriture de l’auteur qui consiste à raconter deux fois la même scène. Quant au New York Times, il titrait : « Le nouveau roman de Haruki Murakami ne donne pas tant l’impression d’être nouveau ».
Une Traduction Pleine de Défis
Ce sont les deuxième et troisième parties ajoutées par Murakami qui ont donné le plus de fil à retordre à Hélène Morita. Elle explique :
Il y a des passages fantastiques, qui nous transportent sans prévenir du réel à l’imaginaire. Ça peut être déstabilisant pour le lecteur. Ça l’est pour le traducteur. Où est-on? Et qui parle? Il y a dans le roman un balancement continu entre passé et présent, qui passe plus facilement en japonais. Mais qui gêne en français.
Un style qui avait déjà surpris la traductrice lors de ses premières lectures de Murakami :
J’ai trouvé sa langue un peu bizarre, en me disant : tiens, on dirait du japonais traduit d’une langue étrangère! Et j’ai découvert que ses tout premiers essais de fiction, dans un japonais classique, ne lui plaisaient pas, donc qu’ils les avaient traduits en anglais, puis retraduits.
Une Œuvre qui Évolue
Si Murakami n’utilise plus cet artifice aujourd’hui, sa traductrice note une évolution dans son écriture :
Il me semble que, plus il écrit, non pas il revient à l’esthétique d’un Kawabata mais plus il creuse profondément dans l’esthétique japonaise.
Une œuvre qui laisse désormais plus de place à la mélancolie qu’au mal-être contemporain, et qui continue de passionner ses lecteurs aux quatre coins du monde. Grâce, notamment, au travail titanesque de ses traducteurs, à l’image d’Hélène Morita.