Dans un revirement inattendu au Bangladesh, Muhammad Yunus, l’économiste de renom et fondateur de la Grameen Bank, a été désigné pour diriger un gouvernement intérimaire. Cette nomination fait suite à la fuite soudaine de la première ministre Sheikh Hasina, qui avait pourtant ciblé Yunus dans ses discours et actions judiciaires. Le destin semble avoir réservé un nouveau rôle à cet homme d’exception, lauréat du prix Nobel de la paix en 2006 pour sa contribution au développement économique de son pays.
Le « banquier des pauvres », un parcours inspirant
Muhammad Yunus doit sa renommée mondiale au microcrédit, un concept qu’il a popularisé au Bangladesh. Son objectif : permettre aux populations les plus démunies, en particulier les femmes des milieux ruraux, d’accéder à des prêts bancaires pour développer des activités génératrices de revenus. Grâce à la Grameen Bank qu’il a fondée en 1983, des dizaines de millions de personnes ont pu sortir de l’extrême pauvreté.
Les êtres humains ne sont pas nés pour souffrir de la misère, de la faim et de la pauvreté.
– Muhammad Yunus, lors de la remise de son prix Nobel
Un économiste visionnaire et engagé
Né en 1940 dans un milieu aisé, Muhammad Yunus a été profondément influencé par sa mère, Sofia Khatun, qui aidait constamment les pauvres. Après des études d’économie aux États-Unis, il est retourné au Bangladesh pour enseigner à l’université de Chittagong. C’est là qu’il a pris conscience de l’ampleur de la pauvreté, exacerbée par la grande famine de 1974.
La pauvreté était flagrante, de toutes parts, je ne pouvais m’en détourner. Il m’était difficile d’enseigner de belles théories d’économie dans une salle de classe universitaire. Il fallait que je fasse quelque chose d’immédiat pour aider les gens autour de moi.
– Muhammad Yunus
La Grameen Bank, un modèle de réussite
L’idée du microcrédit est née lorsque Yunus a commencé à prêter son propre argent à des vanniers démunis. Son initiative a pris de l’ampleur, donnant naissance à la Grameen Bank. Cette institution financière d’un genre nouveau a permis à des millions de personnes trop pauvres pour bénéficier de prêts bancaires traditionnels d’accéder au crédit et de développer des activités rémunératrices.
Un prix Nobel mérité, une voix pour les plus démunis
En 2006, Muhammad Yunus et la Grameen Bank ont reçu conjointement le prix Nobel de la paix, en reconnaissance de leurs efforts pour promouvoir le développement économique et social par le bas. Cette distinction a mis en lumière le potentiel du microcrédit et de l’entrepreneuriat social pour lutter contre la pauvreté et favoriser l’émancipation des populations marginalisées, en particulier les femmes du milieu rural.
Des obstacles et des controverses
Malgré sa notoriété internationale, Muhammad Yunus a dû faire face à de nombreux défis dans son propre pays. Il a été visé par une centaine d’affaires judiciaires et a fait l’objet d’une campagne agressive menée par une organisation de prédication musulmane qui l’accusait de promouvoir l’homosexualité. En 2011, le gouvernement l’a forcé à quitter la direction de la Grameen Bank, une décision confirmée par la justice malgré ses recours.
Ses partisans ont attribué son éviction à Sheikh Hasina, qui l’accusait de « sucer le sang des pauvres » avec ses taux d’intérêt.
– Extrait d’un article de presse
Un nouveau défi : diriger le Bangladesh
Aujourd’hui, alors que le Bangladesh traverse une période trouble avec la fuite de la première ministre Sheikh Hasina, Muhammad Yunus est appelé à jouer un rôle crucial en prenant la tête d’un gouvernement intérimaire. Sa nomination a été décidée lors d’une rencontre entre le président, des hauts dignitaires de l’armée et des responsables du principal mouvement étudiant à l’origine des manifestations contre le gouvernement.
Si on me dit que c’est une urgence nationale, que toutes les autres possibilités ont été explorées en vain, alors je peux conduire le gouvernement. Mais il faut que les circonstances l’exigent.
– Muhammad Yunus, dans un entretien au Figaro
Le destin semble avoir choisi Muhammad Yunus pour guider le Bangladesh dans cette période critique. Avec son expérience, sa sagesse et son dévouement envers les plus démunis, il incarne l’espoir d’un avenir meilleur pour ce pays marqué par les inégalités et les tensions politiques. Reste à savoir s’il parviendra à rassembler les différentes forces en présence et à poser les bases d’un développement durable et inclusif.