La capitale mozambicaine Maputo s’est réveillée groggy ce vendredi matin, au lendemain d’une nuit d’émeutes et de destructions. Des scènes de chaos qui ont éclaté spontanément après l’annonce par la commission électorale de la victoire du Frelimo, le parti au pouvoir depuis un demi-siècle, à l’élection présidentielle du 9 octobre dernier.
Excédés par ce qu’ils considèrent comme un scrutin « volé » par une commission « corrompue », des centaines de partisans de l’opposition sont descendus dans la rue dès jeudi après-midi, avant même la fin de la proclamation des résultats définitifs créditant le candidat du Frelimo Daniel Chapo de près de 71% des voix. Brûlant des pneus, détruisant des panneaux publicitaires aux couleurs du parti, ils ont affronté les forces anti-émeutes à coups de jets de pierres, avant d’être dispersés par des tirs de gaz lacrymogène.
L’opposition crie à la fraude massive et appelle à la mobilisation
Venancio Mondlane, le nouveau leader de l’opposition officiellement créditée d’à peine 20% des voix, a vivement dénoncé ces résultats, martelant dans une vidéo diffusée sur Facebook : « Nous rejetons absolument ces résultats qui ne reflètent pas la volonté du peuple. La situation politique dans notre pays est pourrie, frelatée, fausse. » Appelant à paralyser le pays par des manifestations jeudi et vendredi, il a demandé la mobilisation contre ce qu’il qualifie de « hold-up électoral ».
Et l’appel semble avoir été entendu au-delà de la capitale. Des incidents isolés mais parfois violents ont éclaté dans plusieurs autres villes du pays. La police a reconnu qu’un manifestant avait trouvé la mort lors d’affrontements à Nampula. Dans les rues de Maputo, la tension et l’amertume étaient palpables parmi les contestataires. « Ce pays doit être dirigé par Venancio, pas par ces sangsues. Nous n’avons pas voté pour cet homme, Daniel Chapo. Nous sommes fatigués de tout ça », confiait un manifestant sous couvert d’anonymat.
Observateurs internationaux et Église pointent des irrégularités préoccupantes
Un malaise renforcé par les sérieux doutes émis par de nombreux observateurs sur la sincérité du processus électoral. La mission de l’Union européenne a notamment déploré un « net favoritisme » envers le Frelimo durant la campagne, puis des « altérations injustifiées de résultats » lors des dépouillements. L’Église catholique mozambicaine n’a pas hésité à parler de fraudes parfois « grossières ».
Des experts indépendants avaient aussi exprimé leur perplexité devant le nombre d’inscrits sur les listes électorales : plus de 17 millions pour une population de 33 millions dont l’âge médian dépasse à peine 17 ans. En réalité, 104% des adultes en âge de voter y figuraient, un chiffre manifestement problématique pour la crédibilité du scrutin.
Le spectre d’une crise post-électorale majeure
Alors que le président sortant Filipe Nyusi doit passer la main à Daniel Chapo en janvier, l’onde de choc de cette élection contestée pourrait durablement déstabiliser le pays. Le Mozambique, qui peine à se relever de décennies de guerre civile, avait pourtant réussi une transition démocratique et pacifique saluée par la communauté internationale.
Il serait catastrophique que les immenses progrès réalisés par le Mozambique ces dernières années soient réduits à néant par une crise post-électorale. Tous les acteurs politiques doivent faire preuve de responsabilité et privilégier le dialogue pour apaiser les tensions.
– Un diplomate occidental en poste à Maputo
Mais le discours va-t-en-guerre de l’opposition comme la répression musclée des autorités laissent craindre un engrenage. Des voix s’élèvent pour réclamer un recomptage complet, voire l’annulation pure et simple du scrutin. Une demande balayée pour l’instant par un Frelimo déterminé à conserver son emprise sur le pays. Le Mozambique retient son souffle, suspendu à la réaction des perdants et de leurs partisans.