Le monde du cinéma est en deuil. Niels Arestrup, l’un des plus grands acteurs français de sa génération, s’est éteint ce dimanche à l’âge de 75 ans. Si sa disparition suscite une vague d’hommages saluant son immense talent, elle ravive aussi les polémiques autour de son comportement envers les femmes. Retour sur le parcours d’une figure controversée.
Une carrière couronnée de succès
Impossible de nier l’extraordinaire carrière de Niels Arestrup. Que ce soit au théâtre ou au cinéma, il a enchaîné les rôles marquants, de La Dérobade à Un prophète en passant par Au revoir là-haut. Son jeu intense et habité lui a valu de nombreuses récompenses dont deux Césars du Meilleur acteur dans un second rôle.
Le président Emmanuel Macron a salué « un grand acteur de notre temps, exigeant et populaire, figure de notre théâtre, inoubliable au cinéma, passeur et modèle pour une génération de comédiens ». De nombreuses stars lui ont également rendu un vibrant hommage, comme Tahar Rahim qui évoque un « immense acteur » et un « privilège rare » d’avoir joué à ses côtés.
Un monstre sacré aux multiples facettes
Taciturne et secret, Niels Arestrup était un acteur caméléon capable d’endosser une large palette de rôles. Inoubliable en parrain de la mafia corse dans Un prophète, il excellait aussi dans des registres plus légers comme le politicien loufoque de Quai d’Orsay. Au théâtre, son interprétation du peintre Mark Rothko dans Rouge avait été encensée par la critique.
Malgré sa discrétion, il n’hésitait pas à s’engager comme lorsqu’il avait défendu le statut des intermittents du spectacle. Comédien exigeant, il était connu pour son professionnalisme et sa grande rigueur. Son décès laisse un grand vide et de nombreux orphelins.
Des accusations qui resurgissent
Mais derrière les louanges se font aussi entendre des voix dissonantes. Plusieurs actrices avaient en effet dénoncé par le passé le comportement problématique de Niels Arestrup. Miou-Miou avait eu le tympan percé suite à une gifle trop appuyée lors du tournage de La Dérobade. En 1983, Isabelle Adjani avait claqué la porte d’une pièce de théâtre, affirmant avoir été giflée par son partenaire.
Mon souvenir du partenaire de théâtre demeure un traumatisme marquant. Je n’ai rien de positif à exprimer sur l’homme.
Isabelle Adjani
L’acteur avait toujours nié ou minimisé ces faits, les mettant sur le compte d’accidents ou de demandes artistiques. Mais avec le mouvement #MeToo, ces témoignages prennent un autre relief. Pour la députée Sandrine Rousseau, il illustre les violences faites aux femmes dans le milieu du cinéma :
Niels Arestrup, on sépare l’homme de l’artiste dans les nécrologies ou pas ? Je demande.
Sandrine Rousseau
Un héritage contrasté
Le décès de Niels Arestrup intervient donc dans un contexte particulier, où la question de la séparation entre l’artiste et l’homme se pose avec acuité. Si nul ne conteste son apport au 7ème art, son attitude pose question à l’heure où les violences sexistes sont de moins en moins tolérées.
Pour autant, beaucoup refusent de réduire Niels Arestrup à ces polémiques et préfèrent retenir son génie d’acteur. « Ce n’était pas quelqu’un qui parlait beaucoup, mais il parlait beaucoup en jouant », résume son complice André Dussolier. Un sentiment partagé par tous ceux qui l’ont côtoyé sur les planches ou les plateaux.
Monstre sacré du cinéma français, immense comédien de théâtre, mais aussi personnalité trouble sur le plan humain, Niels Arestrup laisse derrière lui un héritage constrasté. Son œuvre parle pour lui, mais les zones d’ombre de son parcours ne peuvent être ignorées. C’est toute la complexité d’un artiste hors norme, avec ses lumières et ses parts d’ombre.
