Il est des nuits où une ville entière semble retenir son souffle. Le 8 mai 2022, dans le quartier Ovalie de Montpellier, deux jeunes femmes ont croisé le chemin d’un prédateur qui allait détruire en quelques minutes ce qu’elles avaient de plus intime. Zakaria Bounnak, 27 ans, venait de signer l’un des faits divers les plus glaçants de ces dernières années dans l’Hérault.
Un double viol en moins de soixante minutes
Tout commence aux alentours de six heures du matin. Carla, 24 ans, se rend à son travail. Elle marche d’un pas pressé dans une rue encore endormie. Soudain, un homme surgit, la plaque au sol, la menace avec un couteau et la viole en pleine rue. Moins de quarante minutes plus tard, à quelques centaines de mètres, Mélissa, 28 ans, est agressée dans son appartement du rez-de-chaussée. L’individu force la porte-fenêtre, la bâillonne, la frappe et la viole à son tour.
Deux vies brisées en un temps record. Deux femmes qui, encore aujourd’hui, peinent à se reconstruire. L’une des victimes dira aux jurés : « Cet homme m’a volé mon âme. Je ne dors plus, je ne vis plus. »
Un profil lourdement chargé
Zakaria Bounnak n’était pas un inconnu des services de police européens. Déjà condamné en Suède et en Allemagne pour des faits de violence et de délits sexuels, il voyageait à travers le continent sans attache fixe. En France, il était sous le coup d’une obligation de quitter le territoire qu’il n’avait évidemment jamais respectée.
Son ADN, retrouvé sur les deux victimes et sur leurs vêtements, ne laissait aucun doute. Pourtant, arrêté deux ans plus tard à Marseille lors d’un simple contrôle d’identité, il avait nié farouchement pendant toute l’instruction. Ce n’est qu’au deuxième jour de son procès devant la cour d’assises de l’Hérault qu’il a fini par craquer et reconnaître les faits.
« Ce jour-là, je n’étais pas moi-même. C’était l’alcool, la drogue… Je délirais. »
Zakaria Bounnak, à la barre
Ces mots, prononcés dans un français parfait – il avait refusé l’interprète la veille –, ont provoqué un silence glacial dans la salle. Beaucoup y ont vu une ultime tentative de minimiser l’horreur.
Un verdict sans surprise, mais symbolique
Quinze ans de réclusion criminelle. Peine plancher pour ce type de crime en état de récidive. Interdiction définitive du territoire français (ITF) à l’issue de la peine. Le président de la cour a suivi mot pour mot les réquisitions de l’avocat général.
Pour les parties civiles, ce verdict apporte une forme de justice, même si rien ne pourra effacer le traumatisme. L’avocate de Carla a résumé le sentiment général : « Ma cliente voulait qu’il soit condamné à la hauteur de ce qu’il lui a fait subir. Quinze ans, c’est long. Mais elle sait qu’il ne remettra jamais les pieds en France. C’est déjà ça. »
L’ITF définitive, mesure rare mais de plus en plus prononcée dans ce type d’affaires, envoie un message fort : certains crimes, commis par des étrangers en situation irrégulière, entraînent une exclusion à vie du sol national.
La coopération judiciaire européenne, clé de l’arrestation
Pendant deux ans, Zakaria Bounnak a cru pouvoir échapper à la justice. Il avait quitté Montpellier dès le lendemain des faits, pris un train pour Marseille, puis continué sa route. Mais l’Europe judiciaire veille.
- Ses empreintes digitales figuraient dans plusieurs fichiers européens
- Un mandat d’arrêt européen avait été émis dès juin 2022
- Un contrôle banal dans une gare marseillaise a tout fait basculer
Cette arrestation illustre parfaitement l’efficacité – quand elle est utilisée – des outils de coopération entre États membres. Sans elle, l’affaire aurait peut-être rejoint la trop longue liste des viols non élucidés.
Un quartier traumatisé, une ville sous le choc
Le quartier Ovalie, habituellement calme, s’est retrouvé en état de sidération. Les habitants se souviennent encore de la peur qui s’était installée pendant plusieurs semaines. Des patrouilles renforcées, des rondes citoyennes, des réunions de crise avec la municipalité…
Aujourd’hui encore, certaines femmes évitent de rentrer seules le soir. Le trauma collectif est palpable. Une riveraine confiait il y a quelques mois : « On se disait que ça n’arrive qu’aux autres. Là, c’était chez nous, devant chez nous. »
La récidive des délinquants étrangers : un sujet explosif
Cette affaire ravive, une fois de plus, le débat sur la dangerosité de certains profils migratoires cumulant illégalité du séjour et antécédents judiciaires lourds dans plusieurs pays.
Comment un individu déjà condamné à l’étranger, sous le coup d’une expulsion, a-t-il pu se trouver en liberté sur le territoire français et commettre des crimes d’une gravité extrême ? La question, légitime, revient sans cesse dans l’opinion publique et dans les rangs de l’opposition.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon les dernières statistiques disponibles, près de 30 % des auteurs de viols condamnés en France sont de nationalité étrangère. Un pourcentage qui grimpe à plus de 50 % dans certaines régions. Des données qui alimentent les polémiques et les prises de position les plus tranchées.
Et après ? La reconstruction des victimes
Carla et Mélissa suivent toutes les deux un lourd accompagnement psychologique. L’une a déménagé, l’autre a changé de travail. Elles ont toutes les deux témoigné à visage découvert lors du procès, un acte de courage salué par la cour.
Elles savent que leur bourreau derrière les barreaux pour longtemps. Elles savent aussi qu’il ne reviendra jamais. C’est une maigre consolation, mais c’est déjà une victoire.
Comme l’a résumé l’avocate générale dans son réquisitoire : « La justice ne rendra jamais ce qu’il leur a pris. Mais elle peut au moins leur rendre un peu de sérénité en garantissant qu’il ne recommencera jamais. »
Zakaria Bounnak purgera sa peine. Puis il sera expulsé. Deux femmes, elles, porteront les stigmates de cette matinée maudite jusqu’à la fin de leurs jours.
Une histoire banale dans sa monstruosité. Une histoire qui, hélas, n’est pas la dernière.









