Imaginez une salle comble, des projecteurs braqués sur une scène où la liberté s’incarne en une comédienne audacieuse, brandissant un drapeau tricolore. Ce soir-là, aux Folies Bergère, la 36e cérémonie des Molières a vibré d’une énergie rare, mêlant art, résistance et revendications. Entre les triomphes de Jean-Philippe Daguerre et de la pièce Le Soulier de satin, cette soirée a marqué les esprits par son audace et son engagement. Plongeons dans cet événement qui a redéfini ce que signifie défendre la culture en 2025.
Une Cérémonie sous le Signe de la Résistance
La soirée des Molières 2025 n’était pas qu’une simple remise de prix. Elle s’est ouverte sur une mise en scène spectaculaire, portée par la troupe des Misérables, entonnant un vibrant « À la volonté du peuple ». Caroline Vigneaux, maîtresse de cérémonie, a captivé l’audience dès les premières minutes, apparaissant en Marianne, bonnet phrygien sur la tête, pour incarner une liberté en quête de soutien. Son entrée, osée et symbolique, a donné le ton : cette soirée serait un cri pour la culture.
Le thème de la résistance a traversé l’événement comme un fil rouge. Face aux coupes budgétaires annoncées dans le secteur culturel, les discours se sont faits militants. « La culture est debout ! » a résonné dans la salle, alors que le public, debout, ovationnait les appels à défendre l’art. Cette ferveur collective a transformé la cérémonie en un véritable manifeste pour la survie de la création artistique.
Jean-Philippe Daguerre : L’Homme de la Soirée
Si un nom devait rester gravé dans les mémoires de cette 36e édition, ce serait celui de Jean-Philippe Daguerre. Avec sa pièce Du Charbon dans les Veines, il a raflé cinq statuettes, égalant le record de la soirée. Ce drame poignant, ancré dans le milieu des mineurs, a séduit par sa profondeur et son humanité.
« Cette pièce, c’est l’histoire de gens simples, mais universels. C’est un hommage à ceux qui luttent, dans l’ombre, pour leur dignité. »
Jean-Philippe Daguerre, lors de son discours
Daguerre n’a pas seulement brillé par son œuvre. Il a remporté trois prix individuels : meilleur spectacle dans le théâtre privé, meilleur auteur francophone vivant et meilleure mise en scène. Ses actrices, Raphaëlle Cambray et Juliette Béhar, ont également été récompensées, confirmant l’impact de cette création. Ce triomphe rappelle son succès de 2018 avec Adieu Monsieur Haffmann, prouvant qu’il est une figure incontournable du théâtre français.
Le Soulier de satin : La Comédie Française en Majesté
À égalité avec Daguerre, Le Soulier de satin, porté par la Comédie Française, a également décroché cinq Molières. Cette œuvre monumentale de Paul Claudel, mise en scène par Éric Ruf, a été saluée pour sa puissance et sa vérité. Marina Hands, récompensée pour son rôle, a livré un discours percutant sur la place des femmes dans le théâtre.
Laurent Stocker, primé pour son second rôle, a lui aussi marqué la soirée. La pièce, qui sera jouée dans la cour du palais des papes à Avignon, a été célébrée comme un refuge de vérité dans un monde saturé de fake news. Éric Ruf a résumé cette idée avec force :
« Le théâtre, c’est peut-être l’endroit où la vérité est la plus belle. »
Éric Ruf, administrateur de la Comédie Française
Ce succès illustre la vitalité de la Comédie Française, capable de porter des textes classiques avec une modernité saisissante. Chaque récompense semblait souligner l’importance de préserver cet héritage culturel face aux défis actuels.
Caroline Vigneaux : Une Maîtresse de Cérémonie Audacieuse
Caroline Vigneaux a été le moteur de cette soirée. Son humour mordant, ses piques adressées aux politiques et son engagement ont électrisé l’audience. Dès son entrée, elle a osé une mise en scène provocante, incarnant une liberté fragile mais combative. Ses interventions, mêlant légèreté et gravité, ont maintenu un équilibre parfait.
Un moment particulièrement fort fut son échange implicite avec la ministre de la Culture, présente dans la salle. « Résiste ! Prouve que tu résistes ! » a-t-elle lancé, abordant sans détour les coupes budgétaires. Ce courage a été salué par une salle conquise, prête à soutenir cette voix qui refuse de se taire.
Instant marquant : Lorsque Caroline Vigneaux a traduit le discours signé d’Emmanuelle Laborie, comédienne sourde, un silence poignant a envahi la salle, rappelant l’invisibilité des artistes en situation de handicap.
Des Récompenses Éclectiques et Engagées
La diversité des lauréats a reflété la richesse du théâtre français. Delphine Depardieu, intense dans Les Liaisons dangereuses, a remporté le Molière de la meilleure comédienne dans le théâtre privé. Denis Lavant, récompensé pour Fin de Partie, a surpris en posant son trophée en équilibre sur sa tête, offrant un moment de légèreté.
Vassili Schneider, révélation masculine pour La Prochaine fois que tu mordras la poussière, a ému en dédiant son prix à ses parents. Paul Mirabel, primé dans la catégorie humour, a livré une anecdote savoureuse sur son parcours, remerciant ironiquement ceux qui avaient douté de lui.
Voici quelques moments forts de la soirée :
- Thomas Jolly ovationné pour ses cérémonies olympiques et paralympiques, recevant un Molière d’honneur.
- La troupe des Misérables, récompensée pour le meilleur spectacle musical, célébrant la gentillesse et l’unité.
- Christine Murillo, sacrée pour son seul en scène Pauline et Carton, prouvant que le talent n’a pas d’âge.
Un Cri pour la Culture
Les Molières 2025 ont transcendé leur rôle de simple cérémonie. Les discussions sur les coupes budgétaires, portées par des voix comme celle de Didier Brice, ont rappelé l’urgence de protéger la culture. « 200 milliards de cadeaux fiscaux aux plus riches depuis 2017, et on coupe dans la culture ? » a-t-il dénoncé, suscitant une standing ovation.
La ministre de la Culture, bien que présente, est restée discrète face à ces critiques. Pourtant, les appels à la résistance n’ont pas faibli. Une troupe circassienne ukrainienne, également honorée, a symbolisé cette lutte universelle pour la liberté artistique.
Les Enjeux Sociétaux au Cœur de la Scène
La soirée a aussi été l’occasion d’aborder des questions sociétales brûlantes. Caroline Vigneaux a dénoncé avec force les agressions sexistes et sexuelles, martelant que « non, c’est non ». Emmanuelle Laborie, dans un discours signé, a bouleversé l’audience en évoquant les défis des artistes handicapés.
Marina Hands, elle, a abordé la pression sur l’apparence des femmes dans le théâtre. « À 50 ans, j’avais le choix : la chirurgie esthétique ou le théâtre », a-t-elle lancé, brandissant son Molière comme une victoire contre les stéréotypes.
Thème | Message clé |
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Coupes budgétaires | La culture doit être protégée comme un bien essentiel. |
Inclusivité | Donner une voix aux artistes marginalisés. |
Résistance | L’art comme rempart contre l’oppression. |
Un Théâtre Vivant et Engagé
Les Molières 2025 ont prouvé que le théâtre reste un espace de vérité et de combat. Chaque discours, chaque récompense, chaque éclat de rire a porté un message d’espoir et de lutte. La soirée s’est conclue sur les mots de Caroline Vigneaux, évoquant l’adelphité, cette solidarité humaine qui transcende les genres.
En citant les Cowboys Fringants, l’auteur Robin Goupil, récompensé pour The Loop, a résumé l’esprit de la soirée : « Arrêtons de donner notre accord tacite à un monde qui s’effrite. » Ce cri, porté par une communauté d’artistes unis, résonne comme une invitation à agir.
Les Molières 2025 ne furent pas seulement une célébration du théâtre. Ils ont été un rappel vibrant que l’art, dans toute sa diversité, est une force de résistance. Une force qui, face aux défis, refuse de plier.