Dans une petite ville moldave à la frontière roumaine, une retraitée s’arrête un instant pour contempler les nouveaux trottoirs flambant neufs. À Ungheni, les élections législatives approchent, et avec elles, un choix lourd de sens : s’aligner sur l’Union européenne ou se tourner vers la Russie. Ce dilemme, qui divise le pays, résonne dans chaque conversation, chaque affiche électorale, chaque foyer. Mais pour beaucoup, comme cette retraitée, l’enjeu dépasse la géopolitique : il s’agit de répondre à des préoccupations bien plus concrètes, comme le coût de la vie ou l’avenir des générations futures.
Un Scrutin au Cœur des Tensions Géopolitiques
À quelques jours des élections législatives en Moldavie, le climat est tendu. Le parti pro-européen PAS, au pouvoir depuis 2021, affronte le Bloc patriotique, qui prône un rapprochement avec la Russie. Cette ancienne république soviétique, coincée entre l’Ukraine en guerre et la Roumanie, membre de l’UE, se trouve à un carrefour stratégique. Les habitants d’Ungheni, ville surnommée la porte occidentale de la Moldavie, incarnent ce tiraillement. Les investissements européens ont transformé leur quotidien, mais les promesses russes de gaz abordable et d’emplois séduisent aussi.
Ce scrutin n’est pas seulement une question de politique intérieure. Il reflète un affrontement plus large entre deux visions du monde. D’un côté, l’Union européenne promet intégration, fonds pour le développement et stabilité. De l’autre, la Russie, avec son influence historique, mise sur des liens culturels et économiques. Mais pour les Moldaves, las des discours polarisés, le choix est loin d’être évident.
Ungheni : Une Ville Transformée par l’Europe
Ungheni, avec ses 39 000 habitants, est un symbole de l’influence européenne en Moldavie. Ces dernières années, des millions d’euros ont afflué pour moderniser la ville. Les rues piétonnes brillent de nouveauté, des bancs élégants bordent les trottoirs, et un grand cœur arborant le nom de la ville trône fièrement au centre. Même les poubelles portent des autocollants vantant le soutien de l’Union européenne. Ces transformations sont visibles, tangibles, et pourtant, elles ne suffisent pas à convaincre tout le monde.
Nous pensions que les gens comprendraient par eux-mêmes les avantages de l’Europe, mais ce n’est pas si simple.
Dionisie Ternovschi, président du district d’Ungheni
Le président du district, affilié au parti pro-européen PAS, admet que la campagne électorale est rude. Lors du référendum de 2024, qui visait à graver l’objectif d’adhésion à l’UE dans la Constitution, le district d’Ungheni a majoritairement voté non. À l’échelle nationale, le oui l’a emporté de justesse, révélant une société profondément divisée. Cette fracture persiste à l’approche des élections, et les habitants, comme Valentina, une retraitée de 63 ans, expriment leur lassitude face à ce choix binaire.
La Voix des Habitants : Entre Fatigue et Espoir
Valentina Safciuc incarne le sentiment de nombreux Moldaves. À 63 ans, cette retraitée ne se sent proche ni des Allemands, ni des Russes. Pour elle, l’important n’est pas de choisir un camp, mais de vivre en harmonie avec tous. Elle déplore que les politiciens, qu’ils soient pro-européens ou prorusses, se concentrent sur des discours alarmistes plutôt que sur les problèmes concrets, comme l’inflation galopante qui ronge le pouvoir d’achat.
Son geste lors du référendum de 2024 est révélateur : elle a coché à la fois oui et non sur son bulletin, refusant de trancher. Ce geste, presque anecdotique, illustre une frustration plus large. Les Moldaves, particulièrement dans des villes comme Ungheni, veulent des solutions pratiques, pas des promesses géopolitiques. Pourtant, les campagnes électorales continuent de jouer sur les peurs et les divisions.
Les préoccupations des habitants d’Ungheni :
- Inflation : Une hausse des prix qui pèse sur les ménages.
- Emploi : Un besoin criant d’opportunités locales.
- Stabilité : Une aspiration à la paix et à l’harmonie.
Le Duel des Campagnes : Europe Contre Russie
La campagne électorale à Ungheni est un véritable bras de fer. Le parti PAS, pro-européen, met en avant les bénéfices des fonds européens. Lors d’une visite dans la ville, son leader, Igor Grosu, a appelé les habitants à rester les gardiens des portes de l’Europe. Il a averti que l’arrivée d’un gouvernement prorusse pourrait couper le robinet des aides européennes, menaçant le développement de régions comme Ungheni.
De l’autre côté, le Bloc patriotique, mené par l’ancien président Igor Dodon, intensifie sa présence. Les affiches et tentes électorales aux couleurs vives du parti dominent le paysage urbain. Ghenadie Mitriuc, candidat local du Bloc, se montre confiant. Dans une interview, il critique le gouvernement actuel, accusant le PAS de transformer la Moldavie en dépendant des fonds européens, comparant le pays à un drogué recevant sa dose mensuelle de Bruxelles.
Nous sommes là, recevant notre dose mensuelle de Bruxelles, sans créer d’emplois ni garantir du gaz abordable.
Ghenadie Mitriuc, candidat du Bloc patriotique
Mitriuc rejette les accusations selon lesquelles la Russie financerait des campagnes de désinformation ou achèterait des votes. Ces allégations, portées par le gouvernement, ajoutent une couche de méfiance à une campagne déjà tendue. À Ungheni, les habitants perçoivent ces échanges comme un bruit de fond, loin de leurs préoccupations quotidiennes.
Les Jeunes et l’Avenir : Un Choix Plus Clair ?
Si les aînés comme Valentina hésitent, les jeunes Moldaves semblent plus décidés. Catalina, une mère de 25 ans, incarne cette nouvelle génération. Tenant son bébé dans les bras, elle affirme que son vote ira à l’Europe. Pour elle, les élections ne sont pas qu’un scrutin : elles dessinent l’avenir de son enfant. L’intégration européenne représente, à ses yeux, une promesse de modernité et de stabilité.
Cette fracture générationnelle est palpable à Ungheni. Les plus jeunes, qui n’ont pas connu l’ère soviétique, se tournent souvent vers l’Occident. Ils associent l’UE à des opportunités d’études, de travail et de voyages. Mais pour d’autres, la Russie reste un partenaire économique incontournable, notamment pour son gaz bon marché, essentiel dans un pays où l’hiver est rude.
Camp | Arguments principaux | Public cible |
---|---|---|
Pro-européen (PAS) | Fonds européens, modernisation, stabilité | Jeunes, urbains |
Prorusse (Bloc patriotique) | Gaz abordable, emplois, liens historiques | Aînés, ruraux |
Un Référendum Révélateur
Le référendum de 2024 a été un moment clé pour la Moldavie. En inscrivant l’objectif d’adhésion à l’UE dans la Constitution, le pays a envoyé un signal fort. Pourtant, le vote serré et le rejet dans des districts comme Ungheni montrent que l’enthousiasme pour l’Europe n’est pas unanime. Ce scrutin a révélé une société divisée, où chaque camp lutte pour imposer sa vision.
Pour les pro-européens, ce référendum était une victoire, bien que fragile. Pour les prorusses, il a galvanisé leur base, renforçant leur discours sur l’indépendance nationale face à l’influence occidentale. À Ungheni, ces tensions se traduisent dans les conversations quotidiennes, où les habitants oscillent entre espoir et méfiance.
Les Enjeux Économiques au Cœur du Débat
L’économie est un argument central dans cette campagne. L’inflation, qui frappe durement les ménages moldaves, est une préoccupation majeure. Les pro-européens vantent les investissements de l’UE, qui ont permis de moderniser des villes comme Ungheni. Mais pour beaucoup, ces fonds semblent abstraits, loin des besoins immédiats comme des prix plus bas ou des salaires plus élevés.
Le camp prorusse, lui, promet des solutions concrètes : du gaz moins cher et des opportunités d’emploi. Ces promesses résonnent dans un pays où la pauvreté reste un défi majeur. Cependant, les accusations de désinformation et de financement occulte par la Russie jettent une ombre sur leur campagne. Les électeurs, pris entre ces deux discours, peinent à discerner la vérité.
Vers un Avenir Incertain
À Ungheni, comme ailleurs en Moldavie, les élections législatives de 2025 ne sont pas qu’un choix entre deux partis. Elles incarnent un débat sur l’identité, l’économie et l’avenir du pays. Les habitants, fatigués des promesses et des divisions, aspirent à des solutions concrètes. Pourtant, le résultat du scrutin pourrait redessiner la place de la Moldavie sur l’échiquier géopolitique.
Pour des habitants comme Valentina, le vote est une source de frustration. Pour d’autres, comme Catalina, il est une opportunité de rêver d’un avenir meilleur. Une chose est sûre : le choix des Moldaves aura des répercussions bien au-delà de leurs frontières.
Pourquoi ce scrutin compte :
- Un choix entre deux visions géopolitiques.
- Des impacts sur les investissements étrangers.
- Une influence sur la stabilité régionale.
Alors que les bureaux de vote se préparent à ouvrir, Ungheni retient son souffle. Le résultat des élections pourrait non seulement façonner l’avenir de la Moldavie, mais aussi envoyer un message clair à l’Europe et à la Russie. Dans cette petite ville frontalière, chaque bulletin compte.