Dans un geste spectaculaire, plus d’une centaine d’agriculteurs se sont mobilisés à l’aube ce jeudi pour ériger un mur de parpaings devant l’entrée de l’Inrae, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement. Cette action coup de poing vise à dénoncer ce que les agriculteurs perçoivent comme un manque de soutien de la part de l’institut de recherche.
Un mur symbolique pour exprimer un ras-le-bol
Le mur construit par les agriculteurs devant l’Inrae n’est pas anodin. Il symbolise la barrière qui s’est érigée entre le monde agricole et les institutions censées les soutenir. Comme l’explique Pascal Verrièle, secrétaire adjoint de la FDSEA Seine-et-Marne :
En théorie, des instituts comme l’Inrae peuvent nous donner des moyens de remplir notre fonction de producteurs. Or ce n’est plus le cas. Depuis des années, c’est la décroissance qui est organisée.
Les agriculteurs se sentent abandonnés, voire trahis par la recherche agronomique qui devrait être à leurs côtés pour les aider à faire face aux nombreux défis auxquels ils sont confrontés.
Un institut financé par les agriculteurs, mais qui ne les sert plus
L’un des principaux griefs des agriculteurs concerne le financement de l’Inrae. Donatien Moyson, coprésident des JA IDF Ouest, dénonce le fait que les agriculteurs financent eux-mêmes cet institut à hauteur d’un milliard d’euros par an, mais qu’en retour, ils n’obtiennent que des contraintes supplémentaires.
On finance un institut national à un milliard d’euros par an qui ne nous rapporte que des contraintes.
Donatien Moyson, coprésident des JA IDF Ouest
Les agriculteurs ont le sentiment de payer pour une recherche qui, au final, se retourne contre eux en leur imposant toujours plus de normes et de réglementations, sans leur apporter de réelles solutions.
L’accord avec le Mercosur, la goutte d’eau qui fait déborder le vase
Si la colère des agriculteurs ne date pas d’hier, l’accord de libre-échange entre l’Union Européenne et les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay) a été le déclencheur de cette nouvelle mobilisation. Les agriculteurs craignent une concurrence déloyale de la part des produits sud-américains, soumis à des normes environnementales et sanitaires bien moins strictes qu’en Europe.
Pour eux, cet accord est le symbole d’une mondialisation débridée qui menace leur survie. Ils demandent au gouvernement de ne pas ratifier cet accord et de défendre une agriculture française et européenne durable et de qualité.
Des revendications qui vont au-delà de la simple protestation
Mais les revendications des agriculteurs ne se limitent pas à l’opposition à l’accord avec le Mercosur. Ils demandent plus globalement un véritable soutien de la part de l’État et des instituts de recherche pour faire face aux multiples défis auxquels ils sont confrontés :
- Transition agroécologique
- Adaptation au changement climatique
- Renouvellement des générations
- Juste rémunération de leur travail
- Reconnaissance de leur rôle nourricier et de gestionnaires des territoires
Les agriculteurs veulent être considérés comme des partenaires à part entière et non comme de simples exécutants soumis à des injonctions contradictoires. Ils demandent une véritable co-construction des politiques agricoles avec l’ensemble des acteurs concernés.
Une mobilisation qui ne fait que commencer
La construction de ce mur devant l’Inrae n’est qu’une étape dans la mobilisation du monde agricole. D’autres actions sont d’ores et déjà prévues partout en France pour continuer à faire entendre la voix des agriculteurs.
Les syndicats agricoles appellent le gouvernement à prendre enfin la mesure de la colère qui gronde et à apporter des réponses concrètes aux attentes légitimes des agriculteurs. Faute de quoi, ils préviennent que le mouvement pourrait encore s’amplifier et durcir ses modes d’action dans les semaines et les mois à venir.
Cette mobilisation inédite met en lumière le malaise profond qui traverse le monde agricole français. Au-delà des revendications catégorielles, c’est un véritable projet de société qui est en jeu, avec la place que nous voulons donner à une agriculture durable, locale et rémunératrice dans notre pays. Les pouvoirs publics et l’ensemble des citoyens sont appelés à se saisir de ces enjeux cruciaux pour l’avenir de nos territoires et de notre alimentation.