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Mobilisation des agriculteurs : le gouvernement promet des actions

Face à la détermination des agriculteurs qui bloquent le port de Bordeaux, le gouvernement promet d'agir sur le dossier brûlant des pesticides interdits. Mais les revendications sont multiples et les tensions vives dans le monde rural...

Depuis mercredi soir, les agriculteurs français ont investi le port de commerce de Bordeaux et maintiennent la pression sur le gouvernement. Selon la Coordination rurale, principal syndicat agricole mobilisé, 150 à 200 manifestants barrent l’entrée des dépôts pétroliers avec pneus et déchets, occupant aussi les ronds-points d’accès au port malgré une pluie battante. Au cœur de leurs revendications : la réautorisation d’un insecticide neurotoxique interdit en France mais encore autorisé dans l’UE, réclamé par les producteurs de betteraves sucrières et de noisettes.

La ministre de l’Agriculture promet des annonces et des actions

Face à cette mobilisation, la ministre de l’Agriculture Annie Genevard s’est engagée à agir. Lors d’un déplacement dans le Pas-de-Calais, elle a déclaré : “Je pense que ce qui est autorisé en Europe devrait l’être également en France, ce qui est interdit en Europe doit l’être également en France”. La ministre a aussi promis “dans les prochains jours des annonces en matière de simplification” pour répondre aux attentes des agriculteurs.

Des revendications multiples et une mobilisation en ordre dispersé

Mais pour certains responsables syndicaux comme Lucie Delbarre de la FDSEA dans le nord, “on a des petites mesurettes qui arrivent, mais nous ce qu’on veut, c’est l’ensemble de nos revendications, (…) qu’on puisse vivre de notre métier sereinement”. Un sentiment partagé par de nombreux agriculteurs sur le terrain, qui déplorent parfois une mobilisation “en ordre dispersé”. “Les collègues sont résignés”, estime un manifestant sous couvert d’anonymat.

D’autres dénoncent plus globalement des accords de libre-échange comme celui entre l’UE et le Mercosur, auquel s’opposent agriculteurs comme classe politique française. A La Couture dans le Nord, les panneaux d’entrée et sortie du village étaient ainsi barrés d’autocollants “Paraguay”, “Brésil” ou “Argentine”, en référence aux pays du Mercosur.

Le gouvernement ferme mais appelle au dialogue

Face à l’ampleur de la mobilisation (près de 600 agriculteurs et 224 engins recensés dans 16 départements en fin de matinée), le gouvernement affiche sa fermeté. Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a répété qu’il y avait “des lignes rouges” à ne pas franchir : “pas d’enkystement”, “pas de blocage”. Mais conscient de la crise profonde traversée par le monde agricole, l’exécutif appelle aussi au dialogue pour trouver des solutions durables face au malaise grandissant.

Un dossier brûlant pour le gouvernement

Le dossier des pesticides et plus largement de la transition agroécologique constitue un vrai casse-tête pour le gouvernement, pris en tenaille entre la nécessité de réduire les produits phytosanitaires et les appels à l’aide d’un secteur agricole en souffrance. En autorisant en urgence des dérogations comme pour les betteraviers en 2020, l’exécutif s’est attiré les foudres des défenseurs de l’environnement. Mais en voulant accélérer la transition verte, il prend le risque de s’aliéner une partie du monde paysan, malgré les aides promises.

Les tensions autour des néonicotinoïdes “tueurs d’abeilles” illustrent bien ce dilemme. Si la France a interdit dès 2018 ces pesticides jugés nocifs pour les pollinisateurs, des dérogations ont ensuite été accordées face à la détresse des producteurs de betteraves décimées par les pucerons verts. Un recul inacceptable pour les apiculteurs et ONG, mais une nécessité pour sauver une filière déjà fragilisée pour les agriculteurs.

Une crise profonde du monde agricole

Au-delà du dossier spécifique des pesticides, cette mobilisation reflète le malaise grandissant du monde agricole français. Confrontés à la volatilité des prix, à l’instabilité des marchés, aux aléas climatiques et aux évolutions réglementaires, de nombreux agriculteurs tirent la sonnette d’alarme. Beaucoup peinent à dégager des revenus décents malgré un travail acharné, et se sentent incompris voire stigmatisés par une partie de la société.

Si des plans de soutien et de modernisation de l’agriculture se succèdent, beaucoup jugent les mesures insuffisantes ou inadaptées sur le terrain. Des milliers d’exploitations disparaissent chaque année, et la relève n’est pas toujours assurée. Dans ce contexte, la colère qui s’exprime aujourd’hui apparaît comme un cri d’alarme d’une profession qui se sent menacée et réclame des actes forts pour redonner des perspectives à l’agriculture française.

Face à ces défis, le gouvernement se retrouve sur une ligne de crête périlleuse. Comment concilier des attentes contradictoires entre compétitivité économique, protection de l’environnement et attentes sociétales ? Comment accompagner la nécessaire transition agroécologique sans mettre en péril des pans entiers de l’agriculture ? Un défi majeur qui impliquera des choix stratégiques forts et des moyens conséquents pour repenser en profondeur nos modèles agricoles et alimentaires.

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